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Luxembourg : sortir du «business as usual»


«On ne peut accepter plus longtemps que les uns se saignent pour se loger pendant que quelques autres s'enrichissent constamment», a prévenu Nora Back. (Photo Tania Feller)

Nora Back tient bien les rênes de la Chambre des salariés. Mercredi, devant un parterre de décideurs,elle a plaidé pour plus de justice sociale et a donné des pistes pour la réforme fiscale.

Nora Back, aux commandes de l’OGBL, est aussi à la tête de la Chambre des salariés (CLS) qui a rassemblé mercredi tout ce que le pays compte comme institutions. Le gouvernement y était bien représenté avec le Premier ministre en tête, qui ne peut rater le rendez-vous, et bon nombre de députés tout aussi assidus à ce pot pour la nouvelle année.

Un parterre idéal pour Nora Back qui a appuyé plus d’une fois là où ça fait mal. Comment ne pas profiter de la présence d’autant de décideurs pour relancer des revendications et donner des pistes pour rectifier la trajectoire du risque de pauvreté et celles des inégalités croissantes? La nouvelle présidente s’invite dans le débat sur la réforme fiscale, car c’est l’instrument par lequel «les inégalités peuvent être le mieux combattues sauf que ce n’est pas le cas au Luxembourg», observe-t-elle.

La fiscalité accroît les inégalités 

Bien au contraire, Nora Back estime que la fiscalité telle qu’elle est appliquée dans le pays participe à accroître les inégalités et elle relève simplement l’énorme différence qui existe entre l’imposition des salaires et celle du capital. Elle plaide pour un allègement du barème pour les petits et moyens salaires par rapport aux hauts revenus. Les effets du crédit d’impôt adapté lors de la dernière réforme en 2017 pour les ménages monoparentaux ne sont pas encore visibles dans les statistiques, mais Nora Back estime que des efforts sont encore à faire pour parer le risque de pauvreté auquel ils sont confrontés.

Elle se tourne naturellement vers les entreprises et aborde le sujet qui la démange : la fiscalité des entreprises. «Il y a beaucoup à dire sur le sujet, mais il soulève surtout beaucoup de questions», déclare la présidente de la CSL. Quelles entreprises paient combien d’impôts? La fiscalité ne devrait-elle pas être adaptée aux nouveaux développements en matière de digitalisation et d’écologie? Ne devrait-elle pas comporter des critères sociaux et environnementaux? Nora Back propose de discuter sérieusement d’une réforme de la fiscalité des entreprises et de faire une pause dans les discussions pour tout remettre à plat.

En tout cas, la réforme fiscale sera le thème sur lequel la CLS se penchera intensément ces prochains mois, prévient la présidente.

Temps de travail

Le logement, l’autre cheval de bataille de la CSL, fera l’objet d’une note qui sortira bientôt et, là aussi, les attentes sont grandes. Reprenant les chiffres concernant les concentrations de terrains à bâtir entre les mains de quelques happy few, Nora Back réclame du courage de la part des décideurs pour étrangler fiscalement la spéculation immobilière. «On ne peut accepter plus longtemps que les uns se saignent pour se loger pendant que quelques autres s’enrichissent constamment», prévient-elle.

L’écologie, l’incontournable priorité, fait aussi partie de la réforme fiscale. «Une politique climatique ne peut fonctionner que si elle est socialement équitable. La CSL gardera un œil attentif sur les mesures allant dans ce sens.»

Beaucoup à faire dans le social

En portant les principaux accents de son discours sur le social, Nora Back a voulu démontrer que le gouvernement avait encore beaucoup à faire pour améliorer le quotidien des citoyens. Quand le pays se porte bien, les gens doivent également bien se porter, a coutume de dire le Premier ministre, Xavier Bettel. Mais la hausse des inégalités fait sérieusement désordre dans un pays qui affiche une santé économique et financière éclatante. Le Luxembourg a besoin d’investissements sans craindre de s’endetter, parce qu’un budget c’est autre chose que la perpétuelle recherche de l’équilibre financier, selon Nora Back. Elle cite les besoins dans la digitalisation, dans l’innovation, dans la formation, mais aussi dans les transports ou les infrastructures sociales comme les crèches, sans oublier le logement.

«Nous ne voyons pas où le budget 2020 a placé ses accents quant à tous ces investissements», observe la présidente qui ne voit que du «business as usual». En conclusion de son discours dans lequel elle a également abordé les formations professionnelles continues chères à la CSL, Nora Back a glissé un dernier mot sur le temps de travail. On sait que le Premier ministre n’est vraiment pas chaud à l’idée de réduire le temps de travail, mais pour Nora Back, il devient de plus en plus difficile de combiner vie privée et vie professionnelle. «Ceux qui travaillent à plein temps aimeraient travailler moins et parfois ceux qui travaillent à mi-temps aimeraient travailler plus», constate la présidente. Elle n’oublie pas la santé et profite de l’occasion pour rappeler que la médecine du travail est le parent pauvre de la politique nationale et européenne.

Geneviève Montaigu

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