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Luxembourg : privés de battues, les chasseurs se rebiffent


Les battues sont interdites car considérées comme uniquement récréatives par le gouvernement, et impliquant plus de 4 personnes (photo d'archives LQ).

La fédération des chasseurs et la Centrale paysanne du Grand-Duché ne comprennent pas pourquoi les battues sont interdites et considérées comme activité récréative.

Il n’y a pas que les bars, les restaurants, les cinémas et les théâtres qui ont le sentiment de payer le plus lourd tribut dans les nouvelles mesures de lutte contre la pandémie. Les chasseurs sont encore tout abasourdis par l’interdiction qui leur est faite d’organiser des battues jusqu’au 15 décembre.

La Fédération Saint-Hubert des chasseurs, qui les regroupe, a cru jusqu’au bout que les battues de chasse seraient épargnées par les mesures sanitaires, comme c’est le cas chez les voisins belges et français. «Chez eux, le confinement est encore plus strict, mais les chasseurs peuvent continuer à organiser des battues», insiste la fédération dans un communiqué. Elle indique avoir eu de bons échanges ces derniers jours avec différents ministres, la direction de la Santé, des conseillers de gouvernement, des juristes et même avec le responsable de la chasse au ministère de l’Environnement, mais rien n’y a fait : la ministre Carole Dieschbourg ne veut pas entendre parler d’une exception. Jusqu’à présent, les chasseurs ont pu poursuivre leurs activités à la condition que les personnes portent un masque et observent une distance minimale de deux mètres.

Les battues sont considérées dans le cadre des mesures sanitaires comme une activité récréative en groupe de plus de quatre personnes, donc interdites jusqu’au 15 décembre.

Et ce, sans que la chasse ne soit explicitement citée comme «activité récréative» dans la loi Covid-19 en question, comme le souligne le député Guy Arendt (DP) dans une question parlementaire urgente. La loi du 25 mai 2011 relative à l’exercice de la chasse indique que celui-ci «doit répondre à l’intérêt général et aux exigences d’un développement durable», qu’il doit «contribuer à garantir la pérennité de la faune et de la flore sauvages et de leurs habitats naturels et garantir les activités sylvicoles et agricoles, en permettant une gestion des forêts proche de la nature et en prévenant les dégâts de gibier aux surfaces agricoles et sylvicoles».

Pour les chasseurs, ce n’est pas la définition d’une activité récréative, d’autant qu’ils ont des objectifs à atteindre, fixés dans des plans de tirs élaborés par l’administration de la Nature et des Forêts. Ils ne sont pas les seuls à râler. La Centrale paysanne rejoint la Fédération Saint-Hubert pour rappeler les dégâts que les gibiers vont occasionner pendant ce confinement sur les terres agricoles et qui risquent d’être plus importants si les battues sont interdites.

Un analyse du texte

La ministre, qui place la chasse dans la catégorie des activités récréative, souligne dans sa réponse au député Guy Arendt que «la prise de conscience accrue des problèmes liés à l’environnement, notamment en ce qui concerne la perte de la diversité biologique, requiert un recadrage de l’exercice de la chasse selon les attentes de la société d’aujourd’hui et les exigences d’une gestion durable de la nature et du gibier en particulier».

Les chasseurs s’attendaient à un autre argumentaire pour justifier cette interdiction qui répond selon la ministre à des exigences sanitaires. Si la chasse est un sport, alors la discipline doit se plier aux nouvelles règles : c’est interdit en groupe de plus de quatre acteurs sportifs, sauf si les personnes font partie d’un même ménage ou cohabitent.

La Fédération Saint-Hubert rit jaune quand elle lit que cette décision vise à limiter les contacts sociaux pour ainsi enrayer la propagation du virus. Les chasseurs assurent que les distances sont respectées en forêt, mais la ministre estime qu’il s’agit d’une activité sociale qui rassemble des chasseurs et traqueurs de différents ménages.

Que faire alors pour que les objectifs des plans de tirs soient atteints et pour limiter les dégâts de gibier? Deux modes de chasse restent autorisés pendant cette période : «à l’affût» et «à l’approche».

Concernant la prise en charge des dégâts causés par le gibier aux cultures et aux récoltes agricoles, la loi sur la chasse est claire : la chasse est louée aux risques et périls du locataire, c’est-à-dire que le locataire de chasse sera toujours responsable des dégâts causés par le gibier et doit payer le loyer.

La législation précise que le locataire ne pourra présenter aucune réclamation ni faire valoir aucun droit vis-à-vis du syndicat tendant à obtenir une réduction du loyer ou une allocation de dommages et intérêts pour cause d’entrave ou d’empêchement à l’exercice de la chasse, alors même que ces entraves ou empêchements sont dus à des cas fortuits.

La Fédération Saint-Hubert ne veut pas en rester là. Elle a chargé un avocat d’analyser la valeur juridique de cette interdiction. Pour les chasseurs, il est plus facile de garder ses distances en forêt pendant une battue que dans un centre commercial ou dans les rues de la capitale pendant un Black Friday.

Geneviève Montaigu