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Communauté portugaise : « On se sent rabaissés »


Paula Martins, José Coimbra et Artur Fernandes (de g. à d.) sont montés au créneau, vendredi. (photo Fabrizio Pizzolante)

Les Portugais ont l’impression de ne pas compter sur l’échiquier. La plus importante communauté étrangère du pays se sent rabaissée, alors qu’elle ne demande qu’à se fondre dans la société luxembourgeoise tout en entretenant sa culture d’origine.

Si on sent parfois de la lassitude dans la voix de José Antonio Coimbra de Matos, c’est qu’il y a de quoi. Après 50  ans de participation active à la construction de ce pays, la communauté portugaise constate qu’elle est encore tenue à l’écart des processus décisionnels dans tous les domaines, mais en particulier dans le domaine de l’Éducation nationale, alors qu’elle est une force de propositions sous-estimée et finalement une population peu connue, flanquée de clichés qui lui collent à la peau.

C’est le sentiment que partage aujourd’hui le président de la Confédération des communautés portugaises au Luxembourg (CCPL), José Antonio Coimbra de Matos, lors d’une conférence de presse organisée vendredi matin dans son petit local de 30 mètres carrés correspondant à la cave d’un immeuble de la rue René-Weimerskirch à Luxembourg-Gasperich, loué pour 500 euros par mois au Fonds du logement.

Seulement 2500 euros par an

«Nous recevons 2500 euros par an de l’État sur un budget total de 2,5 millions d’euros accordés au titre de la politique d’intégration. D’autres qui représentent les communautés anglaise ou américaine reçoivent plus que nous», constate amèrement le président qui achève son mandat à la tête de la CCPL après avoir donné 20 heures de bénévolat par semaine à cette confédération qui ne compte aucun permanent mais qui représente tout de même 120 000 résidents.

Vendredi, la CCPL invitait donc la presse pour lui présenter son prochain congrès qui aura lieu le 26 avril, ainsi que ses propositions pour une intégration réussie. Peu de médias avaient fait le déplacement, à part quelques journalistes de la presse écrite, mais aucun média audiovisuel, même pas Radio Latina. Le malaise ressenti par le président est subitement vite partagé.

Effacer les clichés

«L’interculturalité, unité de demain», tel est le slogan de ce 8 e congrès. Et le président cite le Conseil de l’Europe en exemple qui privilégie le concept d’interculturalité comme objectif de société. Le président, José Antonio Coimbra de Matos, parle du «désir de faire société ensemble», mais pour cela, il faut que les autorités entendent sa voix.

«Cela fait 24 ans que la CCPL contribue à l’intégration et promeut l’échange. Nous organisons des formations, des cours de langue et il est grand temps que nous soyons reconnus comme des partenaires sans clichés et dans un esprit de collaboration», souligne le président qui revendique pour ses compatriotes une « pleine citoyenneté ».

Dans le domaine de l’enseignement, la CCPL plaide pour l’introduction de la langue portugaise comme langue d’apprentissage, au même titre que peuvent l’être l’espagnol, l’italien ou l’anglais à côté des autres langues obligatoires et officielles. «C’est une langue parlée par 250  millions d’individus à travers le monde, il n’est donc pas vain de l’apprendre», estime le président en insistant sur l’importance de la langue portugaise dans l’économie luxembourgeoise.

« Les Portugais sont là pour y passer leur vie »

Il aimerait aussi effacer le cliché du Portugais maçon et de la Portugaise femme de ménage, alors que les deuxième et troisième générations ont intégré toutes les couches de la société. En plein débat sur le référendum, la CCPL estime qu’il n’est pas nécessaire de détenir la nationalité luxembourgeoise pour participer à la vie politique et obtenir un droit de vote qui n’a rien à voir avec la nationalité  : «Je suis portugais avec une âme luxembourgeoise et une identité européenne», clame-t-il.

La CCPL sait que les Portugais du Luxembourg «ne sont pas de passage, mais sont là pour y passer leur vie». Or elle doit constater que, depuis 10  ans, l’arrivée massive de migrants, pas seulement portugais, s’est heurtée à un manque d’infrastructures d’accueil et on ne parle pas de logements, mais surtout d’enseignement.

L’idée d’une alphabétisation au choix en allemand ou en français avait été accueillie avec enthousiasme par la CCPL dont c’est une vieille revendication. Mais là encore, plus personne n’en parle.

« Sans cesse rabaissés par les autorités »

Infirmier de formation arrivé en 1987 au Luxembourg, José Antonio Coimbra de Matos n’a pas eu de reconnaissance de son diplôme. Aujourd’hui, il est travailleur indépendant, traducteur assermenté et agent d’assurance à la fois. Il tiendra son dernier congrès le dimanche 26  avril en sa qualité de président. «Il est bon que les instances se renouvellent», dit-il.

Avant de quitter son poste, il profite encore de l’occasion qui lui est donnée pour livrer son sentiment  : «Nous sommes la première communauté étrangère du pays et nous avons le sentiment d’être sans cesse rabaissés par les autorités.»

Geneviève Montaigu

>> Retrouvez notre « Interview du lundi » avec José Antonio Coimbra de Matos dans votre édition du 20 avril.

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