La Cour des comptes a présenté son rapport sur le financement des partis politiques et a épinglé les pirates. Les députés ont décidé de saisir le parquet. Les pirates adhèrent à la démarche, la conscience tranquille.
La comptabilité des pirates (Piratepartei) fait désordre. À un point tel que les députés ont décidé à l’unanimité hier de saisir le parquet, y compris les pirates eux-mêmes, sûrs de leur bon droit et de leur bonne foi. Le rapport de la Cour des comptes, qui a observé de près le financement des partis politiques, a dû réserver un chapitre conséquent sur le parti Pirate qui a profité d’une publicité gratuite, à son insu selon lui, et d’un don d’un de ses membres, Daniel Frères, sans respecter une certaine procédure comptable.
C’est pour une publicité diffusée par un de ses membres dans un magazine de la circonscription Est et jamais facturée que les pirates se retrouvent aujourd’hui face au parquet. Car cette publicité non facturée représente un don en nature de la part d’une personne morale, ce qui est interdit par la loi sur le financement des partis.
Dans sa réponse fournie aux auditeurs et annexée au rapport, le Parti pirate plaide l’ignorance. Certes, il a bénéficié de cette publicité, mais n’avait aucun moyen d’empêcher sa diffusion dans la mesure où aucune décision de ce type n’avait été prise ni même discutée au sein des instances dirigeantes. Bref, le parti s’est retrouvé devant le fait accompli. Ce don en nature de la part de la maison d’édition était un véritable cadeau empoisonné qui embarrasse bien les pirates. Ils reconnaissent d’ailleurs qu’ils n’auraient jamais toléré une telle générosité de la part d’une société commerciale sachant pertinemment que c’est une violation de la loi.
Mais, ici, pas de violation de la loi, selon le parti qui estime n’avoir jamais rien demandé de tel. Le parquet décidera des suites à donner à cette affaire. Les députés pirates Sven Clement et Marc Goergen ont la conscience tranquille.
En revanche, ce qui les embête certainement davantage encore c’est le don en nature que leur a fait Daniel Frères, d’un montant de 30 772 euros. Le candidat avait lui-même payé les factures relatives à sa campagne électorale et apparaît dans la comptabilité du parti. Finalement, Daniel Frères a renoncé au remboursement, si bien que le parti a simplement enregistré un don d’un montant équivalent. Problème : il aurait fallu que le parti rembourse l’intéressé, qui aurait fait ensuite un don. La Cour considère qu’il s’agit en l’espèce d’un don en nature et elle n’en a pas tenu compte dans le cadre du calcul du seuil de 75 % prévu dans la loi. La dotation ne peut en effet excéder 75 % des recettes globales de la structure centrale d’un parti politique. Or, si les 30 772 euros ne peuvent rentrer dans la comptabilité, les pirates se retrouvent avec une part de 86,6 %. Si ce seuil n’est pas respecté, le parti doit rembourser la différence et c’est au Premier ministre de trancher la question.
Un comptable jugé laxiste
Les pirates interprètent différemment la loi. Ils estiment que ce don respecte la législation en vigueur qui autorise des dons de la part de personnes physiques et, selon les termes de la loi, est considéré comme un don «tout acte volontaire en vue d’accorder à un parti un avantage précis de nature économique et évaluable en numéraire». Du reste, la loi ne prévoit pas que les dons en nature ne puissent pas être pris en compte dans le cadre du calcul du seuil de 75 %.
Et ce n’est toujours pas tout pour les pirates. Alors que les autres partis s’en sortent tous sans encombre, la Cour a encore constaté que des documents concernant la comptabilité des pirates ne lui étaient jamais parvenus. Cette fois, les pirates accusent le laxisme de leur «prestataire de comptabilité». Pas de Grand livre des comptes, pas de mises à jour.
En résumé, c’est le chaos dans les chiffres mais les pirates ont réponse à tout. Reste à savoir si le parquet, en ce qui concerne la publicité gratuite, et le Premier ministre, pour le volet du don de Daniel Frères, rejoindront les conclusions de la Cour des comptes ou celles du Parti pirate. En tout cas, la réforme en cours s’impose pour préciser certains aspects encore nébuleux.
Geneviève Montaigu