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Luxembourg : les abus sur mineurs plus sévèrement punis


La ministre de la Justice, Sam Tanson, a annoncé l’imprescriptibilité pour les crimes sexuels les plus graves commis sur des mineurs. (photo Hervé Montaigu)

La ministre de la Justice a présenté mercredi un projet de loi visant à renforcer la lutte contre les abus et l’exploitation sexuels des mineurs, avec des peines plus élevées et la création de nouvelles infractions.

En 2020, pas moins de 77 affaires pour attentat à la pudeur commis sur mineur et 36 affaires de viol sur mineur ont été ouvertes au Luxembourg. Bien décidée à renforcer les moyens de lutte contre les abus sexuels et l’exploitation sexuelle des mineurs, la ministre de la Justice, Sam Tanson, a présenté un projet de loi qui, s’il est adopté, va nettement durcir la législation en la matière.

Si le projet de loi maintient l’interdiction d’entretenir des relations sexuelles avec des mineurs de moins de 16 ans, tout acte de pénétration sexuelle commis par un majeur sur un enfant de moins de 16 ans pourra ainsi désormais être qualifié de viol, «le mineur ne pouvant y consentir», a expliqué la ministre. L’âge de la victime comme circonstance aggravante a également été revu à la hausse et pourrait passer de 11 à 13 ans. La peine sera, elle aussi, augmentée.

Le texte prévoit aussi une peine plus sévère en cas d’inceste, en raison «de la prise de conscience généralisée de l’ampleur d’actes restant trop souvent impunis, car pratiqués dans le cadre familial, circonstance qui en rend l’effet sur la victime d’autant plus dévastatrice». La notion d’inceste s’étend au cercle élargi : parents, ascendants légitimes, naturels ou adoptifs (parents adoptifs, grands-parents), toute personne en ligne collatérale ou alliée jusqu’au troisième degré (frères, sœurs, oncles et tantes, beau-père, belle-mère, beau-frère, belle-sœur). Seront également concernées les personnes qui vivent ou ont vécu habituellement avec la victime (par exemple un concubin ou ex-concubin d’un des parents), ainsi que toute personne ayant autorité ou reconnue d’influence sur la victime mineure, et toute personne en charge du mineur.

Imprescriptibilité pour les crimes les plus graves

Quant aux délais de prescription (le temps dont dispose la victime pour engager une action en justice), ils ont été revus à la hausse dans ce projet de loi : ils passent de 5 à 10 ans après la majorité de la victime pour certains délits (prostitution et exploitation sexuelle, mariage forcé, etc.) et de 10 à 30 ans dans certains cas d’abus sexuels comme l’atteinte à l’intégrité sexuelle de nature criminelle ou incestueuse et les mutilations génitales féminines de nature criminelle. Les victimes de moins de 14 ans qui ont subi des coups et blessures ou la privation d’aliments pourront, quant à elles, désormais mener une action en justice jusqu’à 10 ans après leur majorité.

Autre mesure envisagée et pas des moindres, les crimes les plus graves, tels que le viol sur mineur ou le viol incestueux sur mineur, bénéficieront même de l’imprescriptibilité. Le Luxembourg rejoindrait alors les rares États à avoir adopté une telle mesure, comme le Royaume-Uni ou le Canada.

«La seule suspension de la prescription jusqu’à la majorité de la victime ne permet pas de suivre de manière adaptée l’évolution psychologique de la victime mineure d’abus sexuels. Il est internationalement reconnu que ces actes peuvent, du fait du traumatisme subi, se trouver enfouis dans la mémoire de la victime et ne ressurgir qu’au terme d’un traitement psychologique ou psychiatrique, seul capable de déconstruire le traumatisme vécu. Le projet de loi veut remédier à cette situation», a commenté la ministre.

Ces nouvelles dispositions concernant la prescription s’appliqueront immédiatement à partir de l’entrée en vigueur de la loi et pourront être appliquées aux faits commis avant son entrée en vigueur. Elles ne s’appliqueront toutefois pas aux infractions déjà prescrites au moment de l’entrée en vigueur de la loi, a précisé le ministère.

Le consentement défini

D’autres innovations sont aussi à relever dans le projet de loi présenté mercredi. Ainsi, l’«attentat à la pudeur» y est doté d’une nouvelle terminologie : il devient l’«atteinte à l’intégrité sexuelle», qui inclut aussi les abus commis sur le numérique. Les définitions de viol et d’atteinte à l’intégrité sexuelle ont par ailleurs été précisées et élargies, tout comme les éléments qui constituent les infractions commises dans l’environnement numérique, tels que la fabrication, le transport, la diffusion et le commerce d’un message à caractère violent ou pornographique.

Enfin, le texte propose désormais une définition du consentement à un acte sexuel, lequel peut d’ailleurs «être retiré à tout moment avant ou pendant l’acte sexuel». L’absence de consentement est même présumée «irréfragable» (elle ne peut être contredite) lorsque la victime est un mineur. Le projet de loi n°7949 a été déposé par la ministre et doit être maintenant discuté au sein de la commission de la Justice de la Chambre des députés.

Tatiana Salvan

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