Les députés ont validé, mardi, à l’unanimité une adaptation du code pénal visant à sanctionner les personnes qui, notamment, filment avec leur téléphone portable l’entrejambe des femmes.
L’affaire avait fait grand bruit en septembre 2017. La justice s’était vue contrainte d’abandonner les poursuites contre un homme accusé de voyeurisme. Pendant au moins cinq ans, cet utilisateur des transports publics aurait profité du trajet entre la gare de Luxembourg et le Kirchberg pour filmer sous les jupes des passagères présentes dans le même bus. «Au vu du principe de l’interprétation stricte de la loi pénale, il n’y a ni attentat à la pudeur, ni outrage public aux bonnes mœurs, ni atteinte à la vie privée», avait dû admettre une porte-parole de l’administration judiciaire.
Depuis mardi après-midi, ce vide juridique est comblé. La Chambre des députés a en effet voté à l’unanimité une proposition de loi émanant de Gilles Roth (CSV). Le code pénal permet désormais de sanctionner «les personnes qui, notamment dans les transports en commun, utilisent un miroir ou leur téléphone portable ou de petits appareils photo ou de petites caméras, afin de regarder ou filmer l’entrejambe des femmes, assises ou debout lorsque celles-ci sont en robe ou en jupe». Le nouveau dispositif pénal permet également «de réprimer les faits de « voyeurisme », qui peuvent par exemple survenir lorsqu’une personne regarde en cachette une autre dans une cabine d’essayage ou dans des espaces sanitaires ou toilettes publiques».
«Le voyeurisme n’est pas un phénomène nouveau. Cependant, il a pris de l’ampleur avec l’émergence des réseaux sociaux et des nouvelles technologies», souligne Gilles Roth. L’élu du CSV n’a pas oublié de souligner qu’il est tout à fait rarissime qu’une proposition de loi émanant de l’opposition finisse par être votée au Parlement. «Il était tout à fait normal de continuer à travailler sur un texte qui se trouvait déjà sur la table», est venue préciser la ministre de la Justice, Sam Tanson (déi gréng). Cela ne change rien au fait que, dans 99,9 % des cas, seuls des projets de loi introduits par le gouvernement sont finalement adoptés à la Chambre.
Si les mœurs parlementaires restent encore trop figées, le texte de loi visant à punir des faits de voyeurisme permet au Luxembourg de rejoindre la France, la Belgique, l’Allemagne ou encore le Royaume-Uni, qui ont également adapté leur législation en la matière ces dernières années. Le législateur grand-ducal a tenu à ajouter une série de circonstances aggravantes au nouvel article du code pénal, décision particulièrement saluée par l’ADR de Roy Reding.
Tous les partis, y compris ceux de la majorité, ont salué la proposition de loi. «Ce texte offre une plus grande sécurité aux victimes potentielles», souligne Carole Hartmann (DP). «Le législateur doit tenir compte de l’évolution des technologies et des changements de comportement qui en découlent», ajoute Dan Biancalana (LSAP). «Aucune jupe, aussi courte soit-elle, ne doit constituer une invitation à filmer en dessous», insiste Stéphanie Empain (déi gréng), rejointe par Marc Goergen (Parti pirate) : «Peu importe les vêtements ou le remplissage du train, en aucun cas, la faute ne doit être imputée à la victime.» «L’intégrité physique et psychologique de toute personne doit être préservée par tous les moyens», conclut Marc Baum (déi Lénk).
David Marques
Jusqu’à 2 ans de prison et 30 000 euros d’amende
Le nouvel article 385ter du code pénal définit le voyeurisme comme «le fait d’user de tout moyen afin d’apercevoir les parties intimes ou les sous-vêtements d’une personne». Le délit réside plus particulièrement dans le fait de filmer ou photographier les parties intimes à l’insu ou sans le consentement de la personne concernée.
La peine de base est un emprisonnement de deux mois à un an et une amende pouvant varier de 251 à 15 000 euros.
La Chambre des députés a tenu à définir des circonstances aggravantes. Elles sont au nombre de cinq et concernent notamment les faits de voyeurisme commis sur des mineurs et des personnes particulièrement vulnérables (maladie, infirmité, déficience physique ou psychique, état de grossesse). Une peine plus importante peut aussi être prononcée si les faits ont été commis dans un transport public (avions compris) et lorsque les images sont enregistrées, diffusées ou transmises, notamment par le biais des réseaux sociaux. Dans ces cas de figure, l’emprisonnement se situe entre 6 mois et 2 ans et l’amende peut être doublée à 30 000 euros.
Que pensez-vous des caméras et traceurs installés à son insu dans son propre appartement et dans son véhicule?
Ne peut-on pas punir pour cela?