Trouver un exemplaire de Charlie Hebdo au Luxembourg a été particulièrement difficile, vendredi. Comme en France, ils sont tous partis très, très tôt.
Il est déjà trop tard… Ici, sur le parvis de la gare, tout est déjà vendu ! (Photos : Hervé Montaigu)
> À Remich, avec le Wort et Bild
Au kiosque du Cactus de Remich, à 8h, il était impossible de dégoter un Charlie si on ne l’avait pas réservé avant. « Nous avons plus de 90 réservations et nous en avons reçu 31 », explique la vendeuse. Pas de nom sur la liste, pas de Charlie. Et pourtant, il y avait de la demande. « Dès 7h, alors que le supermarché ouvre à 7h45, il y avait du monde devant la porte. Ça n’arrive jamais ! » Et il n’y avait pas que des Français, loin de là. Il y avait des Luxembourgeois, dont un qui était sur la liste mais qui repart avec le Wort et le Bild sous le bras… Un premier lecteur, sûrement. Pas sûr qu’il revienne !
> À Sandweiler, rue Principale, c’est écrit sur la porte
Une pancarte scotchée sur la porte fixe les débats d’entrée : « Il n’y a plus de Charlie. »
« Nous en avons reçu 14 et 20 étaient déjà réservés », nous apprend la kiosquière qui répond au téléphone depuis 6h20 du matin pour dire que, « non, il n’y a plus de Charlie » ! Ici, il y a « beaucoup de Français et de Belges qui pensent le trouver plus facilement que chez eux ». Raté.
> À Sandweiler, vers le Smatch, on ne feinte pas le patron !
Le kiosquier a bien cru ne pas avoir été livré, mais en fouillant un peu mieux, il a retrouvé ses 15 Charlie Hebdo dans la pile de journaux. Là aussi, il faut avoir son nom sur la liste pour repartir avec un numéro. « Il y a un client qui a tenté de me feinter en me disant que sa fille avait justement un dossier à faire sur l’attentat. Mais ça n’a pas marché ! »
Un habitué, par contre, reçoit le sien, bien emballé dans un sac opaque pour ne pas susciter la jalousie. Lorsqu’il s’approche du comptoir, il est au téléphone et susurre au bout du fil : « Attends, je l’ai ! C’est un grand moment. » Pour lui, on ne peut pas parler de fétichisme, puisque c’est un lecteur très régulier. « Je l’achète souvent. J’ai été chercher le dernier avant l’attentat… Et maintenant, ils sont presque tous morts… Ce qui s’est passé est juste horrible. »
> Au Findel, à l’aéroport, plus rien dès 5h15
Dès 5h, l’heure de l’ouverture du kiosque situé à l’entrée de l’aéroport, les Charlie partent. Une cinquantaine d’exemplaires sont distribués entre les voyageurs, les employés et les chauffeurs de taxis. Enfin un kiosque qui n’a pas accepté de réservation ! Ici, c’était : premier arrivé, premier servi. Et pas plus d’un par personne. Malgré ces règles, en 15 minutes, tout était parti. « Le malheur fait vendre plus que le bonheur, malheureusement », lance la responsable de la boutique, philosophe.
> À Luxembourg, place d’Armes, la file était trop longue
Ici, l’affaire était entendue dès l’ouverture. « Il y avait plus de monde dans la file que de Charlie à vendre », explique une vendeuse qui n’en revenait pas. « Le premier client était devant la porte depuis 5h45, alors que nous ouvrons à 7h30 ! » À vrai dire, cette queue n’était pas surprenante parce que depuis jeudi, alors qu’aucun Charlie n’était disponible au Grand-Duché et qu’une affichette l’expliquait bien sur la porte, des personnes attendaient quand même. « Ils avaient besoin de l’entendre de notre bouche », avance une vendeuse en haussant les épaules.
Depuis, ça n’arrête pas. Presque tout le monde demande son exemplaire et les deux employées ressassent toujours la même chose : « Il n’y en a plus. » L’une d’elles explique qu’elle n’a même pas eu encore le temps de le lire. « Vous ne perdez rien », rétorque sèchement un vieux monsieur en veste de cuir noir. Lui et Charlie, ça fait deux. « Vous savez, une personne s’est même énervée et m’a traitée de menteuse, parce qu’elle était persuadée que je ne voulais pas lui en vendre ! », glisse-t-elle. Pas sûr que ce soit ça, l’esprit Charlie…
> À Luxembourg, à la gare, les vigiles au cas où
C’est là que le premier Charlie du pays a été vendu, étant donné qu’il s’agit du kiosque qui ouvre le plus tôt. « Nous avions 71 exemplaires à 4h30 et plus aucun à 4h40 ! », s’étonne encore une kiosquière. Il faut dire que les gens attendaient devant le magasin depuis 4 h ! « Nous avons demandé aux vigiles qui sont toujours dans la gare de les canaliser pour les empêcher de rentrer pendant que nous mettions les journaux en rayon. » Là aussi, même avec les règles de la prime au lève-tôt et du « un par personne », tout s’est donc écoulé immédiatement. « C’est dommage de ne pas en avoir eu davantage. Aujourd’hui, nous aurions pu en vendre 500 sans problème ! »
De notre journaliste Erwan Nonet