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Ruling : la lettre de l’UE au pays


Bruxelles estime que le Luxembourg « octroie un avantage à Amazon » en infraction avec les règles de l’UE, quelques semaines après l’affaire LuxLeaks.

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La Commission se penche sur la structure d’Amazon au Luxembourg, en particulier les liens entre LuxOpCo, siège principal d’Amazon en Europe, et une société de commandite luxembourgeoise, Lux SCS. (Photo : Pierre Matgé)

Dans la lettre, la Commission européenne dévoile des montages fiscaux complexes et estime, à titre préliminaire, que le rescrit fiscal (tax ruling) dont bénéficie Amazon « constitue une aide d’État ». Elle « a également des doutes, à ce stade, quant à la compatibilité de cette décision avec le marché intérieur » européen. La Commission avait déjà publié le détail de ses soupçons dans trois autres cas similaires concernant les rescrits accordés à des multinationales : Fiat au Luxembourg, Apple en Irlande et Starbucks aux Pays-Bas.

Cette pratique influence la répartition du bénéfice imposable d’une multinationale entre ses filiales situées dans des pays différents. Si elle n’est pas illégale en elle-même, la Commission soupçonne des abus dans la manière dont cette pratique est appliquée dans certains pays.

Les quatre enquêtes avaient été ouvertes avant qu’éclate début novembre LuxLeaks, qui a mis en lumière plusieurs centaines de rescrits fiscaux accordés par le Luxembourg. Selon les ONG, ces pratiques coûtent des milliards d’euros de recettes fiscales chaque année. Ces révélations ont incité les autorités européennes à mettre en chantier un ensemble de mesures pour lutter contre l’évasion fiscale en Europe. Le Parlement européen pourrait décider en février d’ouvrir une commission d’enquête, ce qui est susceptible de fragiliser l’actuel président de la Commission, Jean-Claude Juncker, qui fut Premier ministre du Luxembourg de 1995 à 2013.

> Un avantage non justifié pour Bruxelles

Les autorités luxembourgeoises ont immédiatement réagi en assurant dans un communiqué que « le Luxembourg est confiant (dans le fait) que les allégations d’aide d’État dans cette affaire sont sans mérite ». Le Luxembourg se dit assuré « qu’il sera à même de convaincre la Commission de la légitimité de la décision anticipative en cause et qu’aucun avantage sélectif n’a été accordé. »

Dans sa lettre, la Commission se penche notamment sur la structure d’Amazon au Luxembourg, en particulier les liens entre LuxOpCo, siège principal d’Amazon en Europe, et une société de commandite luxembourgeoise, Lux SCS, qui n’est pas assujettie à l’impôt au Luxembourg.

Lux SCS concède les licences d’exploitation des droits de propriété intellectuelle du groupe Amazon à LuxOpCo pour que cette dernière puisse exploiter les sites web européens, en échange d’une redevance fiscalement déductible. Or, dans l’accord passé avec les autorités luxembourgeoises, le versement de cette redevance « n’est pas lié à la production, aux ventes ou aux bénéfices », constate la Commission. Elle estime qu’Amazon « a un intérêt financier à exagérer le montant de la redevance », et que c’est de nature à « réduire indûment l’impôt payé par Amazon au Luxembourg ».

Par ailleurs, dans l’accord passé par Amazon avec l’administration fiscale luxembourgeoise, un plafond a été fixé à la rémunération de LuxOpCo, à 0,55% du chiffre d’affaires européen du groupe. Ce plafond « semble trop bas » à la Commission. Autre anomalie relevée par les services de la concurrence qui ont mené l’enquête, le rescrit fiscal a été accordé à Amazon « il y a plus de dix ans » et est toujours en vigueur « sans aucune révision », alors que les conditions économiques ont changé et qu’il aurait dû être modifié.

La Commission juge donc que « les autorités luxembourgeoises octroient un avantage à Amazon » et que rien ne semble démontrer que cet avantage se justifie. La commissaire chargée de la Concurrence, Margrethe Vestager, a indiqué en novembre qu’elle espérait finaliser au deuxième trimestre les quatre enquêtes ouvertes à ce jour.

Dans son communiqué, le gouvernement luxembourgeois précise de son côté que « la publication du texte de la décision est une étape formelle standard de la procédure » et qu’il ne contient « aucun élément nouveau ». Le gouvernement précise enfin que « le Luxembourg a fourni toutes les informations requises par la Commission et a collaboré pleinement (avec elle) dans son enquête. Entre autres, les rapports détaillés sur les prix de transfert demandés par la Commission ont été communiqués ».

Le Quotidien

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