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[Luxembourg] Hausse des accises sur le carburant : «Aucun effet sur le climat»


Les responsables du Groupement pétrolier luxembourgeois ne décolèrent pas, après les annonces du gouvernement (Photo : Julien Garroy).

Le Groupement pétrolier luxembourgeois ne décolère pas face à l’augmentation des accises sur les carburants annoncée par le gouvernement.

Au mois de décembre, le gouvernement luxembourgeois, via les voix du ministre des Finances, Pierre Gramegna, et du ministre de l’Énergie, Claude Turmes, avait annoncé une augmentation des accises sur les carburants (entre 1 et 3 centimes pour l’essence, et 3 et 5 centimes pour le diesel dès le premier semestre) en plus d’une augmentation de la taxe carbone. Depuis, le Groupement pétrolier luxembourgeois (GPL) n’a pas changé de position : il dénonce une «idéologie politique».

«Les mesures du gouvernement n’auront aucun effet sur le climat. Cela va juste déplacer le problème dans d’autres pays et réduire les recettes de l’État, en plus d’impacter financièrement les frontaliers et les résidents», a dénoncé Romain Hoffmann, le président du GPL, lors de la présentation des chiffres du secteur pétrolier luxembourgeois.

Romain Hoffmann va même plus loin en expliquant qu’il ne s’agit que d’une mesure comptable pour permettre au Luxembourg de tenir ses engagements climatiques : «L’augmentation des accises n’est pas une mesure de politique climatique vu que l’unique conséquence de cette mesure est une délocalisation des ventes vers d’autres pays. Cela n’a aucun effet sur les émissions en valeur absolue. Cette mesure constitue un choix politique parmi d’autres pour atteindre les objectifs climatiques luxembourgeois, en délocalisant les émissions du bilan au Luxembourg vers le bilan des émissions dans un autre pays.»
Les ministres avaient mis en avant, pour justifier leur décision, le désir de lutter contre le «tourisme à la pompe», qu’il soit le fait tant des particuliers que des professionnels du transport. Pour ces derniers, le diesel est d’ailleurs plus cher au Luxembourg qu’en Belgique (grâce à un système de remboursement pour les professionnels) depuis le 1er mai dernier et une augmentation des accises.
Mais là encore, le GPL réfute l’argument du gouvernement. «Il n’y a pas de corrélation entre les ventes de carburant sur les autoroutes et le trafic sur les autoroutes», a assuré le Groupement pétrolier, chiffres à l’appui. Selon les chiffres avancés par le GPL, entre mai et novembre 2019, les ventes de carburant ont diminué de 2 % alors que le trafic routier des camions a augmenté sur la même période de 2,18 %.

«Les camions font le plein en Belgique»

«Que se passe-t-il aujourd’hui ? demande Romain Hoffmann, avant de répondre : Les camions font le plein en Belgique à proximité des ports logistiques où les stations-services auparavant vides sont bondées. Puis ces mêmes camions passent par le Luxembourg, car le pays se trouve sur le corridor de transport européen». De plus, selon une étude de 2016, le tourisme à la pompe ne «joue qu’un rôle marginal» dans les émissions de CO2 au Luxembourg.
Le GPL s’inquiète également de l’impact économique des augmentations successives des accises. «Sur les vingt prochains mois, le gouvernement va augmenter de façon structurelle les coûts pour un professionnel de 16,4 cents par litres.» Une hausse qui va peser sur les ventes aux camionneurs en transit mais également sur le secteur de la logistique, un secteur prioritaire de la diversification économique du pays.
Du côté des consommateurs, «l’automobiliste résident et les frontaliers, l’effet sur les vingt prochains mois représentera une augmentation de 19,52 cents par litre et en grande partie en raison de la politique luxembourgeoise et non des directives européennes».
Conscient des enjeux climatiques, le GPL recommande plusieurs autres mesures comme une adaptation des taxes sur les carburants à base d’énergie renouvelable, les biocarburants, parce que «le secteur pétrolier luxembourgeois a contribué à la réduction des émissions» : «En 2020, 9,7 % des carburants sont à base d’énergie renouvelable et les émissions de gaz à effet de serre ont diminué de 6 % sur la chaîne de production. Le GPL propose donc «que la partie des énergies renouvelables contenues actuellement dans les carburants soit exemptée de la taxe CO2».
Le GPL demande également que l’effort d’incitation fait par le gouvernement sur l’électromobilité soit reproduit à propos des alternatives existantes comme l’hydrogène, le le gaz naturel liquéfié (LNG), qui peut être utilisé par les camions, et le gaz naturel comprimé (CNG).
Autre piste pour le Groupement pétrolier : l’achat de certificats d’énergie verte. «Avec 20 % des recettes provenant du secteur pétrolier, le Luxembourg peut atteindre ses objectifs climatiques 2030 selon nos calculs. Et avec les 80 % restants, le Luxembourg pourrait financer d’autres projets engendrant des effets réels au niveau de la protection du climat», a insisté Romain Hoffmann.
En prenant en compte les accises et la TVA sur les ventes de carburant, de tabac, d’alcool et les droits de concession des stations-services autoroutières, l’État a encaissé en 2019 près de deux milliards d’euros.

Jeremy Zabatta

Deux milliards par an rapportés à l’état

20190122. Illustration Essence / Diesel. Photo Julien Garroy / Editpress

(Photo : Julien Garroy)

L’État a encaissé deux milliards d’euros provenant des taxes sur les carburants, le tabac, l’alcool et les droits de concession, soit environ 9,8 % des recettes de l’État.

De son côté, le secteur pétrolier a encaissé plus ou moins la même somme. En effet, sur un litre de diesel, l’État met la main sur 49 % du prix (17 % de TVA et 32 % d’accises). Les 51 % restants vont dans les caisses des entreprises du secteur pétrolier, comme les stations-services, afin de financer le transport, la logistique et la distribution des carburants (11 %) et financer l’achat de la matière première, le carburant (40 %).

Il faut y inclure le coût de la main-d’œuvre, puisque le secteur luxembourgeois fait vivre 2 600 personnes, dont 2 200 pour faire fonctionner les 236 stations-services du pays. «Nous investissons chaque année environ 500 millions d’euros dans nos infrastructures qui ont des standards de sécurité parmi les plus élevés d’Europe», souligne le GPL.

Mais dans un souci de diversification, une station-service propose aujourd’hui d’autres services comme un espace magasin. «Actuellement, on peut dire que les revenus des stations-services comptent pour 50 % sur les ventes de carburants et pour 50 % sur les ventes en magasins», précise le GPL.

Au total, 35 % du diesel, principal carburant des camions, est vendu sur les huit aires d’autoroute du pays, qui concentre 31 % des ventes de carburant.
Enfin, 61 % des ventes de carburant concernent le diesel, 11 % l’essence, 8 % le mazout et 20 % le jet-fuel (pour l’aviation).

Un commentaire

  1. Pour la première fois, j’ai trouvé du carburant moins cher (en Autriche) qu’au Luxembourg. Ce n’était jamais arrivé avant.
    Toujours plus de taxes semble être la devise de ce gouvernement.
    Bientôt, on va se croire en France, et ce n’est vraiment pas un compliment.