Bon nombre de revendications du Mouvement écologique se retrouvent dans l’avant-projet de loi luxembourgeois sur la protection du climat. Si le cadre légal se concrétise, la société civile reste en attente de mesures incisives.
«Il n’est pas trop tard», clamait le Premier ministre, Xavier Bettel, lors de sa déclaration sur l’état de la Nation. «L’homme peut changer quelque chose. En changeant notre mode de vie, on peut produire un effet. Les citoyens – et plus particulièrement les jeunes – ont raison de réclamer que nous agissions pour réduire de manière conséquente les émissions de gaz à effet de serre.» Cet extrait du discours prononcé le 8 octobre dernier à la Chambre a servi à souligner la volonté du gouvernement d’atteindre des objectifs ambitieux en matière de lutte contre le réchauffement climatique : par rapport à 2005, une réduction d’ici 2030 de 50 à 55 % des émissions de CO2, une augmentation de 23 à 25 % des énergies renouvelables et un Luxembourg «zéro carbone» d’ici 2050.
Des objectifs sectoriels
Jusqu’à présent, le gouvernement s’est cependant montré peu enclin à préciser les mesures qui doivent permettre d’atteindre ces objectifs. Le Mouvement écologique (Méco) est remonté la semaine dernière au créneau pour revendiquer une loi climat qui définit clairement les mesures et objectifs à atteindre par les différents ministères et secteurs d’activité. «Les objectifs fixés par le gouvernement ne correspondent pas aux conclusions des scientifiques. Pour se donner une chance de limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C, les émissions de CO2 doivent baisser de 65 % d’ici 2030 et la neutralité climatique doit être atteinte dès 2040», souligne le Méco dans son catalogue de revendications.
Sur ce point précis, il existe donc encore un fossé entre politique et société civile. Par contre, l’avant-projet de loi sur la protection du climat rejoint en de nombreux points les revendications du Méco. Le texte, dévoilé en fin de semaine dernière par nos confrères de la radio 100,7, prévoit ainsi des objectifs climatiques sectoriels. L’industrie, la construction, les transports, les bâtiments, l’agriculture, la sylviculture et le traitement de déchets et des eaux usées sont les secteurs qui sont appelés à «diminuer de manière linéaire» leurs émissions. Les objectifs ne sont cependant pas encore chiffrés. «Un règlement grand-ducal détermine les allocations annuelles respectives des secteurs», précise l’avant-projet de loi.
Des mesures d’urgence pourront être prises
En attendant, le Méco obtient également satisfaction au niveau de la gouvernance. Un comité interministériel («Comité climat») est appelé à faire annuellement le bilan de la mise en œuvre des objectifs fixés. «En cas de dépassement de la quantité d’émissions disponible sur la période», le ministre de l’Environnement «saisit le gouvernement en conseil en vue de l’établissement d’un programme de mesures urgentes».
En parallèle, le gouvernement compte créer une Plateforme pour l’action climat et la transition énergétique, qui, composée d’un maximum de 20 membres, sera notamment appelée à «accompagner la mise en œuvre du plan intégré énergie-climat». Ce plan national, requis par la Commission européenne, doit pour le Méco être étroitement lié à la loi climat. Un vote par la Chambre des députés est demandé afin d’«augmenter sa légitimité». Jusqu’à présent, aucune précision n’est donnée sur ce point précis.
Un Observatoire du climat29
Par contre, il est prévu de compléter la gouvernance par un Observatoire du climat qui aura pour mission de conseiller le gouvernement «en matière de projets, actions ou mesures susceptibles d’avoir un impact sur la politique climatique». Les mesures réalisées vont faire l’objet d’une «évaluation scientifique». Par conséquent, l’observatoire sera composé de huit membres «choisis parmi les personnalités offrant toutes les garanties d’indépendance et de compétence».
L’avant-projet de loi prévoit aussi des mesures administratives et sanctions pénales en cas de non-respect des objectifs fixés en matière de protection du climat. Le Méco revendique la possibilité de saisir la justice pour faire respecter les mesures fixées par la loi.
Sur base du texte datant du 17 octobre, gouvernement et Méco semblent donc pouvoir s’accorder sur les contours du «cadre politique et juridique» pour lutter contre le réchauffement climatique. Mais il reste à vérifier que les mesures concrètes vont correspondre à «la stratégie conséquente en matière de protection du climat» réclamée par le Méco. «La loi climat et le plan intégré énergie-climat (…) ne peuvent être effectifs que si le Luxembourg s’éloigne d’une protection du climat volontariste. Il faut passer à des mesures réglementaires (…) avec la définition d’objectifs clairs, fixés dans le temps», conclut l’ONG.
David Marques
Les accises vont alimenter un Fonds climat et énergie
Le Mouvement écologique souligne qu’une loi climat contraignante «possède également un intérêt financier majeur». La non-atteinte des objectifs de réduction de CO2 va obliger le gouvernement à acheter de coûteux certificats de compensation.
Une raison de plus pour le Méco de revendiquer des mesures incisives afin que le Luxembourg puisse tenir ses engagements. Dans ce contexte, une taxe carbone continue à figurer parmi les «mesures obligatoires». Des «tabous» concernant notamment le tourisme à la pompe devraient aussi être levés.
Le gouvernement prévoit, de son côté, la création d’un Fonds climat et énergie. Ce fonds vise à financer des projets, programmes et activités visant à réduire les émissions de CO2, que ce soit au Grand-Duché ou dans des pays en voie de développement. Il est prévu d’alimenter le fonds par les accises prélevées sur le carburant. Une partie du produit de la taxe sur les véhicules routiers sera une autre source d’alimentation. L’avant-projet de loi ne précise cependant pas si cette taxe sera revue à la hausse. Le fonds sera aussi alimenté par le budget de l’État, des dons ou des emprunts bancaires.