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[Législatives] L’art de cogner avec fair-play


Panneaux pour les élections communales à Differdange en septembre 2017. L'accord limitera le nombre de ces grands panneaux installés au bord des routes. (Photo: Fabrizio Pizzolante)

Les partis négocient un accord de fair-play politique pour les législatives d’octobre. Bonne conduite, plafonnement des dépenses électorales et réseaux sociaux sont au centre de ces discussions qui sont aussi l’occasion d’échanges acerbes entre responsables politiques.

Les accords de fair-play politique que les partis politiques signent – ou pas – entre eux pour les campagnes électorales ne mangeaient guère de pain jusqu’à présent. Ils avaient même sous certains aspects un air de règlement de cour d’école, interdisant par exemple d’aller perturber les meetings des adversaires ou d’arracher leurs affiches, un acte au demeurant puni par la loi.

Des règles de savoir-vivre à ce point élémentaires que déi Lénk en avait fait l’une des raisons pour refuser de signer l’accord pour les communales d’octobre dernier, estimant hypocrite de négocier de telles évidences.

Jeu politique oblige, ce refus donne aujourd’hui du grain à moudre à d’autres. «Déi Lénk a été déraisonnable alors que tout le monde a fait des concessions pour la satisfaire», dit Joëlle Giannotte, de l’ADR, qu’elle représente aux négociations entre partis. «J’espère que cette fois les petits partis vont signer», renchérit Yves Cruchten, secrétaire général du LSAP : «Pour les communales, déi Lénk avait des revendications qu’on a presque toutes satisfaites. Mais elle n’a quand même pas signé, c’était juste pour être différente des autres, pour se démarquer.»

Pas de quoi perturber David Wagner, l’un des deux députés du parti de gauche. Il aborde la question de l’accord avec sérénité, mais insiste néanmoins sur sa dimension financière : «Ces accords doivent en principe garantir une égalité entre petits et grands partis et cela passe par la fixation d’un plafond des dépenses réellement engagées et ce plafond n’a pas besoin d’être élevé.»

Une affirmation que ne démentira pas Ali Ruckert, le président du Parti communiste (KPL) : «Nous participons aux réunions afin de savoir ce qui s’y dit, mais à vrai dire nous n’avons pas d’intérêt à ces accords. Aux communales, le plafond de dépenses pour les publicités dans les médias était fixé à 75 000 euros, ça va bien au-delà de nos moyens. Si on signait, cela voudrait dire que nous sommes d’accord et ce n’est pas le cas.»

«Coup bas du LSAP» à Pétange

Les controverses sur les dépenses de campagne ont toujours suscité de vives discussions entre partis au moment de conclure ces accords qui ne prévoient pas de sanctions pour ceux qui ne s’y tiendraient pas.

Le nerf de la guerre est aussi au centre d’un échange acerbe entre pirates et LSAP à Pétange, sur fond de Clochemerle associatif. Conseiller communal socialiste, Guy Brecht accuse le conseiller communal pirate Marc Goergen d’avoir détourné au profit de son parti des fonds de la société de musique de Lamadelaine et de l’entente des sociétés Perola, dont ils sont également tous deux membres. L’affaire est partie d’une inadvertance liée à un compte Facebook et Marc Goergen a reconnu son erreur et rétabli les choses.

«C’est un coup bas de la part du LSAP car il sait très bien que ce n’était pas volontaire et que tout a été remboursé», tempêtait vendredi Sven Clement, au lendemain d’une assemblée générale de Perola, où Guy Brecht s’en était pris à Marc Goergen. Et le président des pirates d’élargir le cercle, envoyant une volée aux écologistes qui les accusent d’avoir mené une campagne médiatique déloyale à l’encontre d’Henri Kox lors des communales à Remich.

En cause, la distribution gratuite dans la ville mosellane d’un hebdomadaire qui mettait en cause l’élu déi gréng le jour même où les pirates diffusaient leurs tracts dans les boîtes aux lettres de la commune. «Un hasard», affirme Sven Clement, qui prévient : «Si ça commence comme ça, nous ne signerons pas d’accord de fair-play.»

«Le CSV met le paquet» sur les réseaux sociaux

Si les campagnes médiatiques devraient grandement occuper les partis dans la négociation de cet accord, ce n’est pas tant pour ce qui s’est produit à Remich qu’en raison des bouleversements, parfois violents, induits dans la communication politique par la part croissante qu’y prennent les réseaux sociaux.

«Aux législatives de 2013, nous avions consacré quelques milliers d’euros aux réseaux sociaux. Cette fois, il faudra voir plus grand, d’autant que le CSV met déjà le paquet, sans même attendre l’issue des négociations de fair-play», déplore Yves Cruchten au LSAP. Mais le niveau des dépenses engagées dans ces nouveaux médias n’est pas la seule pierre d’achoppement.

Lors des communales, l’ADR avait refusé de souscrire à cette partie de l’accord car des termes comme «social bots» y étaient mal définis. Le secrétaire général du LSAP reconnaît que la problématique est complexe : «Avec ce qui s’est passé avec Facebook et Cambridge Analytica, nous voyons bien qu’il y a un problème grave. Nous avons une responsabilité morale et éthique et nous devons fixer des limites. En attendant que nous avancions dans la réflexion, je pense qu’il sera utile dans la négociation pour ces législatives de faire un accord spécifique sur les réseaux sociaux», argumente Yves Cruchten. Plus concrètement, l’élu socialiste indique que le LSAP «a déjà été contacté par des sociétés étrangères proposant d’utiliser les données des électeurs pour mieux cibler notre campagne… et elles font cela pour un coût dérisoire».

Pour le DP, il faut rester libre

Claude Lamberty, le secrétaire général du DP, convient que les réseaux sociaux occupent un espace croissant dans les campagnes électorales. Mais en bon libéral il estime qu’«il faut conserver la liberté dans ce domaine, tant sur le contenu que sur les dépenses». «Nous n’avons pas le problème de campagnes électorales proprement haineuses au Luxembourg. Et puis, si un parti veut diffuser un discours de haine, ce n’est pas ce genre d’accord qui va l’en empêcher.»

Déi Gréng, qui participent aux négociations sur le fair-play politique, n’ont pas souhaité s’exprimer sur le sujet avant que l’accord soit conclu. Cela devrait encore prendre quelques semaines, la première réunion de concertation étant programmée le vendredi 28 avril. Elle aura lieu à la Chambre des députés, terrain jugé neutre par les participants.

Sollicité à plusieurs reprises sur le sujet, le CSV n’a pour sa part pas donné suite à nos questions. Plutôt étonnant quand on sait qu’il est à l’initiative de cette concertation. Comme si pour les chrétiens-sociaux tout était déjà écrit…

Fabien Grasser

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