Le consommateur s’est réjoui trop tôt de la fin des frais d’itinérance au sein de l’Union européenne. Le fameux « roam like at home » n’est pas reporté, il est abandonné.
Téléphoner en vacances sans devoir craindre que sa facture n’explose va rester, du moins pour l’instant, un rêve. (Photos : AP/AFP)
Il n’y aura pas de suppression du roaming (frais d’itinérance) au sein de l’Union européenne. Pas fin 2015, comme initialement prévu par la Commission européenne, et certainement pas davantage en 2018. Il restera toujours un surcoût, même si ce dernier a diminué progressivement de 70 % depuis 2007.
Le Luxembourg s’aligne d’ailleurs sur la position de la majorité des États membres qui ont calmé les ardeurs de la Commission, visiblement trop pressée de construire le marché unique des télécommunications. Les consommateurs attendaient avec impatience la fin définitive des frais d’itinérance en décembre prochain, pour ne plus craindre d’exploser leur forfait à chaque saut de frontière. Du moins les consommateurs qui voyagent beaucoup et en particulier les frontaliers, car les autres n’ont pas d’avis sur la question. Sauf s’ils doivent bien entendu payer pour les « itinérants ».
> Réduire mais pas supprimer
C’est là que le bât blesse. « Les États membres craignent que les opérateurs répercutent les frais d’itinérance sur leurs tarifs et ce sont ceux qui voyagent le moins, en général les plus modestes, qui paieront pour les autres » explique Pierre Goerens, conseiller au ministère des Communications et des Médias.
Au sein du Conseil, les pays du Nord n’ont pas la même approche que ceux du Sud. Ces derniers tirent sur le frein alors qu’ils sont précisément les pays les plus visités par les touristes. L’itinérant va donc utiliser le réseau d’un autre opérateur à qui il ne paie rien, mais cet opérateur doit investir pour permettre à son réseau de répondre à la demande de consommateurs qui ne sont pas ses clients. Le « roam like at home » permettrait à l’itinérant de téléphoner au même tarif que le réseau national. L’abonné ne paiera pas de surcoût, mais son opérateur devra en revanche payer l’opérateur visité.
« Il faut imaginer la station de ski en haute montagne qui est envahie en haute saison et qui doit adapter son réseau pour satisfaire la consommation. Ce sont de gros investissements que les opérateurs doivent réaliser », explique Pierre Goerens. D’autant que si ces frais disparaissent, la consommation va exploser. Donc, les opérateurs dont les abonnés voyagent beaucoup seront désavantagés par rapport à ceux qui en revanche devront investir dans des réseaux toujours plus performants pour répondre aux pics de consommation.
Le Parlement européen avait déjà légèrement modifié la proposition de la Commission visant à mettre fin aux frais de roaming. Les eurodéputés acceptaient volontiers cette avancée significative pour le consommateur européen, mais ils avaient fixé des limites. « Le Parlement européen avait introduit une clause en cas d’exagération, la fameuse affaire du « fair use policy » », précise le conseiller du ministère.
Finalement, le Conseil des ministres propose aujourd’hui de réduire encore ces frais, mais il ne veut plus du principe « roam like at home » préférant laisser un surcoût pour le consommateur. Et le Luxembourg s’est aligné.
La fin du roaming n’est pas reportée à 2018, elle n’est même plus prévue au programme.
De notre journaliste Geneviève Montaigu