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Le printemps de l’amitié franco-luxembourgeoise


Le Grand-Duc a prononcé un discours lundi soir, fondateur d'un printemps de l'amitié franco-luxembourgeoise (Photo : © Cour grand-ducale Bertrand Rindoff Getty Images)

Le Grand-Duc Henri a prononcé lundi soir une ode à l’amitié franco-luxembourgeoise d’une sensibilité magnifique. Un discours historique, osons-le mot. En voici les meilleurs extraits.

Un lien d’intimité

«Il y a quelques mois, lors d’un hommage national à Jean d’Ormesson, vous avez évoqué ce que la France avait de plus beau et de plus durable, à savoir sa littérature. Je me permettrai d’ajouter, au nom d’un pays voisin, si proche et admiratif, ainsi que sa langue et sa civilisation. Le rapport de mon pays à la France est hors norme : c’est en fait d’intimité dont il convient de parler. Si la nation luxembourgeoise peut être fière de son indépendance et de son cheminement, elle mesure aussi que la France est partie de son identité.

En 1346, alors que les troupes anglaises d’Edouard III marchent sur Paris, Jean l’Aveugle, roi de Bohême et comte de Luxembourg, vole au secours de son allié le roi Philippe de Valois en rétorquant à ses barons qui lui déconseillent l’épopée : « Je n’ai mie oublié les chemins de la France. » L’exploit chevaleresque entrera dans la légende nationale et le mot de son auteur devient une devise.»

Intimité par la littérature, la langue et la civilisation (Photo : afp)

Intimité par la littérature, la langue et la civilisation (Photo : afp)

Le choix culturel de la France

«Durant les siècles, que cette terre [Le Luxembourg] soit souveraine ou occupée par toutes sortes de puissances, ses habitants a priori d’origine germanique font pourtant le choix culturel de la France, comme pour mieux affirmer leur particularité. C’est un choix assumé. Ainsi l’enseignement du français introduit depuis le Moyen-Age ou son usage comme langue administrative se maintiennent dans les périodes les plus troublées. La visite de la forteresse par le conquérant Louis XIV en l’année 1687 éblouit beaucoup plus qu’elle ne dérange. Et un siècle plus tard, la Révolution, suivie de l’ère napoléonienne font passer le « Département des Forêts » de l’Ancien Régime au monde nouveau.

Lorsqu’en 1839, le Grand-Duché de Luxembourg perd ses territoires francophones au profit du Royaume de Belgique, une des décisions fondamentales des autorités publiques est de confirmer cet enseignement bilingue de l’allemand et du français, qui fonde le particularisme d’une jeune nation. »

Luxembourg a notamment été façonné par Vauban (Photo : Jean-Claude Ernst).

Luxembourg a notamment été façonné par Vauban (Photo : Jean-Claude Ernst).

Bienveillance et…trait d’ironie!

«Les épreuves du XXème siècle ne feront que confirmer cette disposition d’esprit : adopter la manière d’être des Français ou leur façon de penser, observer avec bienveillance ou parfois avec ironie ce voisin turbulent, c’est une manière de démontrer sa soif d’indépendance ainsi que sa foi dans l’avenir.»

Le Français, ce voisin parfois turbulent! (Photo : dr)

Le Français, ce voisin parfois turbulent! (Photo : dr)

Le Grand-Duc Jean débarque en Normandie

«Je me souviens avec émotion de ma grand-mère la Grande-Duchesse Charlotte rendant hommage en 1963 ici-même à l’Elysée au Général de Gaulle. Tous deux ont écrit des pages décisives de l’histoire de leur pays. J’aimerais aussi évoquer l’attachement constant de mon père, le Grand-Duc Jean, à cette terre de France et à ses habitants, dont il a été un des libérateurs au sein du régiment britannique des Irish Guards en 1944 et qu’il continue de couver de son regard bienveillant. Sa visite d’Etat à Paris à l’invitation du Président Giscard d’Estaing en 1978 permit de mettre en exergue une nouvelle page de notre destin commun, à savoir l’aventure européenne. 40 ans après, que de chemin parcouru par l’Europe, par la France bien sûr, mais aussi par le Luxembourg.»

Le Grand-Duc Jean débarque en Normandie le 11 juin 1944 (photo d'illustration : dr)

Le Grand-Duc Jean débarque en Normandie le 11 juin 1944 (photo d’illustration : dr)

Hommage aux frontaliers et résidents français

«En quelques décennies, mon pays s’est littéralement transformé. Économiquement d’abord, en passant du monolithisme de la sidérurgie pour prendre la direction d’une industrie diversifiée et d’une société de services […]  Cette transformation, nous la devons pour une grande part à la construction européenne qui en définit le cadre, mais aussi au soutien sans faille de bon nombre de Français. Dans le contexte de ce dîner d’Etat, j’aimerais dire toute notre reconnaissance à tous ceux de vos compatriotes qui contribuent au développement économique, social ou culturel de notre pays. Qu’ils soient installés chez nous ou qu’ils traversent notre frontière au quotidien dans des conditions de circulation parfois difficiles – chose à laquelle nous devons remédier ensemble- ils sont près de 140.000 à être actifs ou résidents sur notre territoire, en apportant leur savoir-faire et leur énergie.»

Les frontaliers accèdent au pays dans des conditions peu enviables (Photo: Alain Rischard)

Les frontaliers accèdent au pays dans des conditions peu enviables (Photo: Alain Rischard)

L’Europe en nos coeurs

«En ce début de 21ème siècle, alors que l’évolution du monde nous confronte à des défis croissants, la construction européenne demeure un ancrage irremplaçable. Vous Français, qui avez assuré la direction intellectuelle de l’Europe et nous Luxembourgeois, qui avons eu le privilège d’accompagner ses premiers pas dans notre capitale au débuts des années 50, sommes les premiers intéressés à sa relance, en accord avec les profondes aspirations de nos peuples. C’est un enjeu qui dépasse de loin nos propres intérêts pour épouser ceux d’une collectivité humaine beaucoup plus large.»

Les nouvelles annexes de la Cour de justice européenne, au Kirchberg (Photo Fabrizio Pizzolante).

Les nouvelles annexes de la Cour de justice européenne, au Kirchberg (Photo Fabrizio Pizzolante).

Le printemps de l’amitié franco-luxembourgeoise

«Pour conclure, j’aimerais citer André Gide, auteur qui vous est cher et qui écrivait: « Tout a été dit, mais comme personne n’écoute, il faut toujours répéter. » Beaucoup a sûrement été dit en matière de relation franco-luxembourgeoises, mais peut-être pas tout. J’espère avoir été entendu en cette veille de printemps. Toujours est-il que je suis très heureux de pouvoir répéter que la France occupe une part essentielle dans la vie de mon pays et qu’il en sera toujours ainsi.»

Emmanuel Macron est perçu comme un interlocuteur stable (Photo : Alain Rischard).

Emmanuel Macron est perçu comme un interlocuteur stable (Photo : Alain Rischard).

H.G. / Le Quotidien