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Le Conseil d’État bloque la vaccination dans les pharmacies


Des files pour se faire vacciner ne risquent pas de se former aussi vite devant les pharmacies du pays. (Photo : archives lq/julien garroy)

Les Sages s’opposent formellement au projet de loi devant ouvrir la voie à la vaccination anticovid dans les pharmacies du pays. Le cadre législatif manquerait de précision. Une révision intégrale du texte est requise. Le lancement de la campagne dans les pharmacies risque donc de connaître un important retard.

La ministre de la Santé, Paulette Lenert, comptait avancer rapidement. En joignant les pharmaciens à la stratégie de vaccination contre le covid, il est envisagé de rendre «la vaccination plus accessible de manière générale en multipliant les lieux de vaccination possibles et les personnes pouvant réaliser de tels actes».

L’idée du gouvernement est de mieux tenir compte du «mode de vie des personnes qui sont moins flexibles, car limitées dans leur temps en raison notamment d’horaires de travail irréguliers ou d’obligations familiales». Un autre argument avancé est «d’anticiper la pénurie de médecins en transférant une partie des tâches entre professionnels de santé».

Une importante insécurité juridique

Le Conseil d’État vient toutefois de freiner la ministre socialiste dans son élan. Dans leur avis sur le projet de loi, les Sages fustigent que les raisons pour intégrer les pharmacies dans le réseau de vaccination «sont lacunairement expliquées». Trop de questions pratiques resteraient sans réponse, créant une importante insécurité juridique, estime la Haute Corporation, qui «s’interroge donc sur la nécessité, voire l’urgence de devoir étendre le champ d’activités du pharmacien à la préparation et l’administration de vaccins en général, sans pour autant régler le cadre dans lequel cette vaccination doit avoir lieu».

Un certificat? Établi par qui? Une rémunération? 

La liste de questions formulées par les Sages est très longue. Le patient doit-il passer en consultation chez son médecin de confiance avant de pouvoir se faire administrer le vaccin? Le pharmacien doit-il demander une preuve de ce passage? Comment cette preuve est-elle établie? Suffit-il d’une ordonnance par laquelle le médecin confirme qu’une consultation a eu lieu? Le pharmacien sera-t-il chargé de fournir à la personne à vacciner les informations sur d’éventuels effets secondaires? Cette consultation éventuelle ainsi que l’acte médical de vaccination engendreront-ils une rémunération pour le pharmacien? Dans l’affirmative, comment cette rémunération sera-t-elle fixée, tenant compte du fait qu’actuellement les relations entre les pharmaciens et la Caisse nationale de santé sont réglées par des statuts ne faisant aucunement référence à une nomenclature d’actes à facturer?

Le Conseil d’État remet aussi en doute le cadre trop flou qui définit la formation que les pharmaciens devront effectuer avant de pouvoir administrer le vaccin.

Pourquoi pas d’autres professionnels de santé?

En outre les Sages s’interrogent : pourquoi le gouvernement n’a pas songé à d’autres professionnels de santé pour agrandir le cercle des personnes pouvant administrer le sérum anticovid ? Sont citées les infirmières des réseaux d’aides et de soins, les infirmières exerçant à titre libéral, les infirmières des hôpitaux, les sages-femmes ou encore les kinésithérapeutes.

Pour toutes ces raisons, le Conseil d’État a décidé de formuler une «opposition formelle» au texte qui lui a été soumis. La Haute Corporation appelle gouvernement et Chambre des députés à déterminer avec «plus de précision  les matières du volet technique et du volet pratique» tout comme «les critères selon lesquels la durée de la formation spécifique est fixée».

Une révision intégrale du projet de loi pourrait devenir nécessaire, ce qui va venir retarder le lancement de la campagne de vaccination dans les pharmacies du pays. Dans un premier temps, la fin décembre avait été évoquée.

Plutôt des centres de vaccination près des pharmacies?

Une piste est cependant avancée pour sauver la mise : «Au vu du défi de légiférer à court terme avec le soin requis,  le Conseil d’État se demande s’il ne serait pas plus adapté de prévoir dans une première phase et à l’instar de la Belgique, la mise en place de centres de vaccination situés près des pharmacies voire à l’intérieur des pharmacies qui disposent des locaux nécessaires et qui sont disposées à s’associer à la promotion de la campagne de vaccination contre (le) covid-19 et de maintenir ainsi également la consultation obligatoire d’un médecin avant la vaccination selon le cadre dressé par les lois et les règlements grand-ducaux en vigueur».

David Marques

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