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L’affaire Bettel / Kemmer n’aura pas lieu


(photo LQ)

L’affaire Bettel/Kemmer s’arrête ici. Mardi, le Premier ministre est venu à la tribune avouer sa maladresse qui restera sans conséquence. La majorité s’est montrée soudée et l’opposition CSV a été recadrée.

Il a dit que l’État de droit était capital pour lui. Il a reconnu qu’il aurait dû donner les vraies raisons de sa démission. Xavier Bettel a fait son mea- culpa et a répété ce qu’il avait déjà dit dans les médias.

Étienne Schneider, vice-Premier ministre socialiste, affiche un petit sourire pendant que Félix Braz, ministre de la Justice écolo, penché sur l’épaule de Xavier Bettel, Premier ministre libéral, lui souffle un dernier conseil à l’oreille avant son passage à la tribune. La coalition s’est ainsi montrée très soudée et peu perturbée par l’affaire révélée conjointement par le Wort et RTL Radio la semaine dernière, concernant la rencontre entre l’ancien député de l’opposition, un certain Xavier Bettel, et l’ancien agent du SREL, André Kemmer.

La tribune, pour l’heure, est toujours occupée par le chef de file des chrétiens-sociaux, Claude Wiseler. Il est venu chercher des réponses, il repartira avec les mêmes réponses qu’il avait déjà lues ou entendues dans les médias. Cette heure d’actualité réclamée par le CSV pour éclaircir certaines déclarations du Premier ministre, Xavier Bettel.

Les regrets de Xavier Bettel

Oui, André Kemmer est venu le voir à son domicile de Bonnevoie en décembre 2012 alors que la commission d’enquête parlementaire sur les dysfonctionnements du SREL était à peine installée sous la présidence d’Alex Bodry et la vice-présidence de Xavier Bettel lui-même. Oui, c’est un ami qui a établi le contact alors que Xavier Bettel dit avoir ignoré à l’avance l’identité de son visiteur. Oui, il a reconnu sur le pas de la porte à l’ancien agent du SREL, André Kemmer, qu’il devait être entendu comme témoin par la commission d’enquête.

Jusque-là, nous savons que c’est Mike Gira, son actuel garde du corps, qui a organisé ce rendez-vous. L’agent du SREL voulait faire des révélations concernant l’enregistrement avec une montre-micro d’une conversation entre Marco Mille, ancien patron du SREL et Jean-Claude Juncker, ancien Premier ministre qui avait pendant 18 ans le service de renseignement sous sa tutelle. Oui, Xavier Bettel était mal à l’aise, Mike Gira le confirmera auprès de la police qui l’interrogeait sur cette rencontre.

Le Premier ministre a répété exactement ce qu’il avait déjà déclaré. Il regrette de n’avoir pas rapporté au président de la commission d’enquête cet échange avec un témoin. Une conversation qui n’aura duré qu’une vingtaine de minutes à peine. Xavier Bettel ne voulait pas en entendre davantage conseillant à l’ex-agent d’aller plutôt tout déballer à la commission d’enquête.

Oui, il s’est senti manipulé et a préféré démissionner de la commission d’enquête. Un peu tard, certes, mais cette décision l’honore, clame la majorité. Pas convaincue, l’opposition chrétienne-sociale insiste pour connaître exactement les raisons qui ont poussé Xavier Bettel à s’avouer instrumentalisé. « J’ai appris que André Kemmer racontait dans les bars qu’il était protégé », explique le Premier ministre. Sentant une embrouille, il a démissionné.

Oui, il l’a fait après l’audition d’André Kemmer, 4 mois après la fameuse rencontre secrète. Mais il a préféré démissionner par acquis de conscience.

«Remettre les pendules à l’heure»

Et alors ? Alors rien, nada, makach, walou. Circulez, il n’y a rien d’illégal à tout cela. Que de turpitudes! Les députés de la majorité ont volé au secours du Premier ministre se chargeant, comme le dit Viviane Loschetter, chef de file des écolos, de « remettre les pendules à l’heure ». Ainsi Eugène Berger, qui dégaine en premier. Le député DP, président de fraction, cite des passages de l’audition d’André Kemmer qui fait référence à l’état d’ébriété avancé de Jean-Claude Juncker lors de l’enregistrement avec la montre-bracelet. Pourquoi fait-il cela? Pour expliquer que la petite phrase « ça ne va plus du tout avec Jean-Claude Juncker » attribuée à Xavier Bettel selon André Kemmer lors de cette rencontre peut avoir d’autres contextes que celui du SREL. Et une dernière petite pique pour la route : « Le CSV ne peut pas accorder du crédit à André Kemmer seulement quand cela l’arrange. »

Prenant le relais à la tribune, Alex Bodry reconnaît la maladresse de Xavier Bettel qui aurait dû avertir la commission mais sinon, rien d’extraordinaire et encore moins d’illégal à rencontrer un témoin d’une commission d’enquête. « André Kemmer n’était pas le témoin clé de cette affaire, il y en avait plusieurs. Jean-Claude Juncker a également été entendu comme témoin par la commission d’enquête et je suis sûr que des tas de députés chrétiens-sociaux l’ont rencontré pendant tous ces mois. » Pour conclure, il dira que « cette rencontre n’a pas eu la moindre influence sur le travail de la commission d’enquête ». Deuxième recadrage.

Viviane Loschetter sera brève mais claire : « Je veux souligner que pour les verts il n ‘y a pas d’affaire Bettel/Kemmer. C’est d’une démagogie affligeante. » Dernière cartouche de la majorité.

Il restait encore Gast Gibéryen, député ADR, qui lui réclame ni plus ni moins que la tête du Premier ministre, accusé de «menteur». Le député se dit persuadé que la coalition «Gambia» avait « tout décidé à l’époque » et qu’elle a comploté pour se débarrasser de Juncker.

Au final, pas de motion, pas de suite. Une affaire sans conséquence. Fermez le ban.

Geneviève Montaigu