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La santé mentale des jeunes mise à mal


«La santé mentale est tout aussi importante que la santé physique», a rappelé Isabelle Hauffels, d’Unicef Luxembourg (à g.) (photo Fabrizio Pizzolante)

Dans son dernier rapport annuel, l’Unicef focalise son attention sur la santé mentale des enfants et des adolescents. La détresse psychologique croissante des jeunes doit en effet alerter. Le Luxembourg n’est pas épargné.

Dépression, anxiété, troubles du comportement, trouble du développement, autisme, troubles bipolaires, troubles de l’alimentation, schizophrénie : l’Unicef estime à plus de 13 % les adolescents âgés de 10 à 19 ans qui sont atteints d’un trouble mental diagnostiqué selon les termes de la définition de l’Organisation mondiale de la santé.

Le dernier rapport annuel de l’agence de l’Organisation des Nations unies consacrée à l’amélioration et à la promotion de la condition des enfants porte en effet cette année – et c’est une première – sur la santé mentale de ces jeunes. «Cette thématique faisait déjà partie des programmes de l’Unicef, mais du fait du covid, la question est devenue centrale. Ce sujet sera prioritaire pour l’Unicef au niveau mondial jusqu’en 2025», souligne Isabelle Hauffels, avocate générale à Unicef Luxembourg, au cours de la présentation de ce rapport et de son pendant national, qui s’est déroulée mercredi, à quelques jours de la journée mondiale de la Santé mentale, célébrée ce dimanche.

Des facteurs de risque

La famille, l’école et la société dans son ensemble peuvent avoir une influence sur le psychisme, ont rappelé les acteurs d’Unicef Luxembourg. En effet, tandis que des parents aimants, un environnement scolaire sûr et des relations positives avec les pairs favorisent une bonne santé mentale, à l’inverse, l’indisponibilité et le manque de compréhension des parents, le harcèlement scolaire, les mauvaises relations avec autrui, l’exposition à la violence et à la négligence, les expériences négatives et les traumatismes vécus, l’environnement social et économique défavorables sont quant à eux des facteurs de risques d’une mauvaise santé mentale. Sans oublier les crises humanitaires et les urgences sanitaires, telle celle que nous vivons dans nos contrées habituellement épargnées.

Si la pandémie «ne révèle que la partie émergée de l’iceberg», note l’agence dans son rapport, ses conséquences sur la santé mentale n’en suscitent pas moins de «vives inquiétudes». Toutes les recherches font en effet état d’une augmentation des niveaux de stress et d’anxiété chez les enfants et les adolescents. Les enquêtes doivent encore se poursuivre, mais des études comme le projet Covid-Kids, réalisé par l’université du Luxembourg, ont déjà montré que le nombre d’enfants satisfaits de leur vie a diminué de manière significative, passant de 96 % avant la pandémie à 67 % pendant la première vague.

Pourtant, «une bonne santé mentale, c’est la base pour que les enfants puissent réaliser leur plein potentiel. La « santé mentale positive » constitue un atout indéniable pour pouvoir être bien dans sa vie. La santé mentale est tout aussi importante que la santé physique», insiste Isabelle Hauffels.

D’autant que les conséquences d’une mauvaise santé mentale – l’anxiété et la dépression représentent environ 40 % des troubles mentaux diagnostiqués – peuvent parfois être dramatiques. Se fondant sur les estimations sanitaires mondiales de l’OMS datant de 2019, l’Unicef évalue ainsi à près de 46 000 les enfants et adolescents âgés de 10 à 19 ans qui mettent un terme à leur vie. «Ce qui signifie qu’un enfant ou un adolescent se suicide toutes les 11 minutes», pointe l’agence.

Le suicide constitue par ailleurs la 5e cause de décès chez les jeunes de 10 à 19 ans. Il constitue même la 4e cause chez les garçons de 15 à 19 ans (après les accidents de la route, la tuberculose et les violences interpersonnelles) et la 3e cause chez les filles du même âge.

Briser le silence

De nombreuses mesures sont donc à mettre en place pour améliorer la santé mentale des jeunes, y compris au Luxembourg. En premier lieu desquelles, briser le tabou qui entoure la question de la santé mentale et cesser d’en stigmatiser les problèmes. «L’attitude et la stigmatisation de la société, mais aussi la perception et l’autostigmatisation, constituent sans doute l’obstacle le plus important» pour demander de l’aide, relève le Dr Elisabeth Seimetz, psychologue à la Ligue luxembourgeoise d’hygiène mentale, citée dans le rapport luxembourgeois de l’Unicef.

Au manque de connaissances en matière de santé mentale s’ajoute aussi au Grand-Duché «le manque d’informations sur les différents services d’aide du secteur de la santé mentale», précise la psychologue. «Ces derniers se sont développés de manière relativement fragmentée, sans ligne de conduite ou vision commune. Les familles et jeunes confrontés aux problèmes de santé mentale témoignent d’une prise en charge compartimentée et d’un système opaque et compliqué.»

En outre, à l’heure actuelle, les données sur la santé mentale font toujours cruellement défaut au Luxembourg, qui n’a par ailleurs toujours pas établi de plan national sur cette thématique. «Il y a bien eu une première ébauche de stratégie en 2010, mais elle n’a pas abouti», fait savoir Isabelle Haussels. En préface de la version nationale de ce dernier rapport de l’Unicef, la ministre de la Santé, Paulette Lenert, a toutefois souligné l’importance pour elle «d’appuyer [son] engagement en faveur de la santé mentale par l’élaboration d’un plan national de santé mentale dans lequel des projets concrets pourront être développés».

Unicef Luxembourg a pour sa part d’ores et déjà mis en place un groupe de travail qui devra développer une stratégie en la matière, particulièrement dans les domaines de la sensibilisation du grand public et du plaidoyer politique, a indiqué Isabelle Haussels.

Tatiana Salvan

Quelques organisations vers lesquelles se tourner

En cas d’urgence : 112

> Centre hospitalier neuro-psychiatrique de la Rehaklinik
L’unité de réhabilitation accueille des adolescents entre 12 et 17 ans qui présentent des troubles psychiatriques ainsi qu’un danger pour eux-mêmes ou pour autrui.
Tél. : 26 82 37 00 / web : rehaklinik.lu

> Centre KanEl
Le centre KanEl est un centre de consultation thérapeutique et à vocation préventive spécialisé pour parents, enfants et familles en souffrance psychique.
Tél. : 26 54 16 16 / web : reseaupsy.lu

> Centre psycho-social et d’accompagnement scolaires (Cepas)
Le Cepas propose des consultations pour tout jeune entre 12 et 30 ans, pour parents, tuteurs et famille et pour
professionnels encadrant le jeune.
Tél. : 247-75910 / web : cepas.public.lu

> CHL Kannerklinik – service de pédopsychiatrie
Le service de pédopsychiatrie du CHL pour enfants âgés de moins de 13 ans est constitué d’une unité de consultation, d’un centre de jour, d’une unité autisme et d’une unité d’hospitalisation.
Tél. : 4411-6101 / web : kannerklinik.chl.lu

> Consultations Psy
Le service «Consultations Psy» de la Rehaklinik assure des consultations psychiatriques, pédopsychiatriques et psychothérapeutiques pour enfants, adolescents et adultes.
Tél. : 26 82 31 00 / web : consultation-psy.lu

> Croix-Rouge – Psy-Jeunes
Pour répondre à la détresse des enfants et des jeunes (0-21 ans) en demande d’aide, ce service propose un soutien psychologique.
Tél. : 27 55 / web : croix-rouge.lu

> KannerJugendtelefon (KJT)
L’activité du KJT s’adresse d’abord aux enfants et aux jeunes, en leur proposant une écoute et une aide facilement accessible et sans contraintes. Le KJT offre également de l’aide en ligne et des conseils par chat.
Pour enfants et jeunes par téléphone au 116 111
L’Écoute Parents pour parents ou toute personne responsable pour des enfants ou des adolescents par téléphone au 26 64 05 55 / web : kjt.lu

> D’Ligue
La Ligue offre des services de consultation, un service de jour, des groupes thérapeutiques, des services
logement, le service Le Rencontre, du soutien à l’emploi.
Tél. : 49 30 29 / web : llhm.lu

> L’Office national de l’enfance (ONE)
L’ONE propose différents services de soutien psychologique, social ou éducatif, qui sont spécialisés dans les interventions de courte durée ou de longue durée.
Tel. : 24 77 36 96 / web : one.public.lu

> Péitrusshaus
Le Péitrusshaus est un service de gestion de crise centré sur les jeunes âgés de 12 à 21 ans, qui est à l’écoute et peut  donner des conseils aux jeunes en détresse.
Tél. : 80 02 60 02 / web : peitrusshaus.lu

> Service national de psychiatrie juvénile (SNPJ)
Le SNPJ traite les adolescents de 13 à 18 ans atteints de troubles mentaux et se compose d’une unité d’hospitalisation à l’hôpital Kirchberg, d’un hôpital de jour à la Clinique Sainte-Marie à Esch-sur-Alzette et du Service de détection et d’intervention précoce (SDIP) aux Hôpitaux Robert-Schuman à Luxembourg-Gare.
Web : hopitauxschuman.lu

> Solidarité Jeunes : Haus 13 – Service psychologique
Haus 13 a comme objectif d’aider les familles en difficulté et de contribuer à l’amélioration de leur bien-être.
Tél. : 49 04 20-410 / web : solina.lu

T. S.

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