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La Palestine espère


Les deux motions votées à la Chambre des députés sont aussi ambiguës que la résolution votée le même jour au Parlement européen. La Palestine est néanmoins sur la voie de la reconnaissance.

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Deux motions, l’une du CSV et l’autre de la majorité, ont peut-être fait basculer, hier, à la Chambre, le sort de l’Etat palestinien. (Photos : AP/Isabella Finzi)

Pour tous les députés et eurodéputés, la seule solution viable au conflit est la coexistence de deux États. Hier, la majorité a présenté une motion et le CSV en a fait de même. Les deux motions ont été adoptées, alors qu’elles sont séparées par une nuance de taille. La première demande une reconnaissance « formelle », la seconde une reconnaissance « en principe »…

Il faut rendre à César ce qui appartient à César. C’est Charles Goerens, eurodéputé libéral contacté hier par Le Quotidien, qui a comparé la résolution du Parlement européen, comme les deux motions adoptées hier à la Chambre des députés, à la formule historique prononcée par le général de Gaulle à Alger en juin 1958 : « Je vous ai compris ». Une phrase aussi ambiguë que la résolution votée hier au Parlement européen qui reconnaît « en principe » l’État palestinien.

De fait, chacune des parties, que ce soit les Palestiniens ou les Israéliens, peut considérer cette décision européenne comme une petite défaite ou une petite victoire.

Hier, la Chambre des députés s’est saisie de cette question entre deux portes, alors qu’elle est occupée à voter le budget de l’État pour 2015. Le CSV avait demandé, mardi, un report du débat sur cette question, arguant du fait qu’il fallait attendre la décision du Parlement européen et celle du Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations unies appelés à se prononcer également sur la question de la reconnaissance de l’État palestinien le même jour. Le Parlement européen (PE) l’a fait à une écrasante majorité, tandis que les Américains posaient leur veto sur ce projet au Conseil de sécurité de l’ONU.

Le débat à la Chambre des députés a tourné au ridicule quand il s’est agi de voter deux motions sur le même sujet et qui ont toutes les deux été adoptées. À l’origine, ce sont les deux députés de déi Lénk qui ont introduit une motion fin novembre dernier qui a été retravaillée en commission parlementaire pour finalement aboutir à un texte présenté hier par le président de la commission des Affaires étrangères et européennes, Marc Angel (LSAP).

Ce texte, qui demande au gouvernement de « reconnaître formellement l’État de Palestine dans les frontières de 1967 uniquement modifiées moyennant accord des deux parties, au moment qui sera jugé le plus opportun » est aussi ambiguë que celui du CSV, calqué sur la résolution européenne. Ce dernier reconnaît « en principe » l’État palestinien… « Avec cette formule vaseuse, le PE a trouvé une majorité », estime l’eurodéputé Charles Goerens.

> La boulette de la majorité

Le principal semble être que l’opinion publique comprenne que les politiques lancent un appel à reconnaître la Palestine. Donc, hier, à Luxembourg, les députés ont approuvé deux motions qui disent sensiblement la même chose, à ceci près que le CSV demande une reconnaissance « en principe » et celle de la majorité avec le soutien de la Gauche, une reconnaissance « formelle ». Pour Serge Urbany (déi Lénk), il s’agit d’un « grand pas » vers la reconnaissance, tandis que le CSV est prêt à faire « un demi-pas ».

Quoi qu’il en soit, le gouvernement pourrait décider de cette reconnaissance assez rapidement, comme le laisse entendre le ministre des Affaires étrangères, Jean Asselborn. Mais que faire avec les deux motions votées ? Dans un premier temps, Lydie Polfer (DP) déclare que la motion du CSV est complémentaire à celle de la majorité et de déi Lénk, avant de se raviser.

Mais au moment du vote, le CSV s’est abstenu pour la motion de la majorité, alors que la majorité s’est abstenue pour celle du CSV! La motion qui a le plus de voix, celle de la majorité, l’emporte donc. Mais les députés de la coalition au pouvoir ont fait une boulette et auraient dû, en toute logique, voter contre celle proposée par le CSV. D’ailleurs, Serge Urbany avait alerté sur la contradiction qui apparaissait entre les deux motions.

Le texte de la majorité adopté hier invite le gouvernement à « contribuer aux efforts de l’UE pour soutenir le processus de paix en vue d’une solution définitive et globale respectant les aspirations légitimes de paix, sécurité et prospérité pour les deux peuples ».

Hier, les eurodéputés luxembourgeois se sont chacun fendus d’un communiqué pour saluer cette avancée. Pour le clan CSV, le texte du PE « supporte une résolution pacifique d’un drame qui a trop duré ». Pour Mady Delvaux, eurodéputée socialiste, il « traduit l’impatience du PE de voir enfin émerger un espoir de faire aboutir une revendication vieille de plusieurs dizaines d’années ».

Et enfin, pour Charles Goerens, « la résolution du PE ne constitue en aucun cas un diktat du Parlement européen aux États membres. En cela, elle est rédigée de façon extrêmement prudente en y introduisant une conditionnalité qui s’avoue à peine. Cette résolution (…) est plus vague que les dix commandements, mais plus précise que l’oracle de Delphes… »

De notre journaliste Geneviève Montaigu