Même si l’indépendance du parquet était effective, elle n’était toujours pas ancrée dans la Constitution. Elle le sera avec la prochaine réforme et le Conseil suprême de la justice en est une traduction.
La griffe de l’ancien procureur général d’État Robert Biever, auteur d’un rapport sur le sujet, creuse la voie choisie par le gouvernement pour moderniser l’État de droit. Une partie du chantier a été révélée jeudi par le ministre de la Justice, Félix Braz, entouré des trois plus hauts magistrats, Jean-Claude Wiwinius, président de la Cour supérieure de justice et de la Cour constitutionnelle, Francis Delaporte, président de la Cour administrative, et Martine Solovieff, procureur général d’État.
Le volet «justice», toujours en souffrance dans la réforme constitutionnelle, vient donc de faire l’objet de propositions concrètes qui consacrent l’indépendance de la justice. Celle-ci va se traduire non seulement par son inscription dans la loi fondamentale mais encore par la création du Conseil suprême de la justice (CSJ) qui marquera dans les faits la fin d’une apparente dépendance du parquet à l’égard du pouvoir politique. Les critiques venaient de l’étranger, comme le rappelle le ministre Braz, alors que les textes ne reflétaient pas la réalité et méritaient donc d’être corrigés.
Même si les détails ne sont pas encore connus, les grands principes qui devront figurer dans la nouvelle Constitution sont d’ores et déjà retenus. Le Conseil suprême de la justice, pour plus d’efficacité, sera plus largement régi par la loi. Mais ses attributions ont été présentées.
Le CSJ sera en charge du recrutement et de la formation des membres de la magistrature tout comme il proposera les nominations aux fonctions judiciaires. Il sera aussi le gardien de la déontologie et pourra juger d’affaires disciplinaires en première instance. Plus largement encore, c’est à lui que le justiciable s’adressera s’il doit émettre des réclamations sur le fonctionnement de la justice. Sa lenteur, par exemple, ou un vice de procédure. Inversement, le CSJ sera habilité à communiquer en cas d’atteinte à l’image de la justice ou à la réputation d’un membre de la magistrature.
Pas de Cour suprême
Qui composera ce Conseil suprême de la justice ? Sept membres en tout. En font partie le président de la Cour supérieure de justice, le procureur général d’État, le président de la Cour administrative, un magistrat élu par ses pairs, une «personnalité du monde académique» nommée par la Chambre des députés, qui désignera aussi une personnalité «ayant une expérience professionnelle utile» et un avocat, coopté par les deux barreaux.
«Ces propositions sont celles du gouvernement, elles n’émanent pas du seul ministère de la Justice», précise Félix Braz. Concernant l’indépendance de la justice, les modifications nécessaires ont été apportées dans la proposition de réforme constitutionnelle. «Mes attributions concernant les avancements, les nominations et les promotions sont transférées au Conseil suprême de la magistrature», souligne le ministre. Il a suivi à la lettre les propositions des autorités judiciaires, «comme mon prédécesseur avant moi».
Des modifications ont ainsi été apportées au niveau de la Cour constitutionnelle, comme l’avait suggéré l’ancien procureur général d’État dans ses «pistes de réflexion pour une justice plus efficace», présentées il y a un an. Désormais, la Cour constitutionnelle aura la possibilité de siéger à neuf magistrats en plénière au lieu de cinq. «À cinq, nous avons une majorité un peu courte, à neuf, une plus forte majorité peut se dégager, par exemple six contre trois, ce qui est plus claire», a expliqué Jean-Claude Wiwinius.
Au final, il n’y a ni la Cour suprême qui devait chapeauter toutes les juridictions, comme le souhaitait l’ancien ministre de la Justice François Biltgen, ni un Conseil national de la justice, mais un Conseil suprême de la justice et quelques modifications d’ordre pratique qui marquent la poursuite de cette modernisation de l’État de droit inscrite dans le programme gouvernemental.
Geneviève Montaigu