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Intersexuation : briser le tabou et faire évoluer la société


"Si la société, les parents, ont un problème avec cela, c'est eux qu'il faut opérer", n'hésite pas à dire le Dr Schneider, fondateur de l'ASBL Intersex & Transgender. (illustration Tania Feller)

L’ASBL Intersex & Transgender organise une semaine d’information sur l’intersexualité afin de briser le tabou qui entoure les personnes nées entre deux sexes.

Il y aurait autant de personnes intersexes que de roux sur Terre et pourtant les personnes intersexuées restent toujours largement sous-représentées. On estime en effet qu’environ 1,7% de la population serait intersexuée, c’est-à-dire qu’elle posséderait des variations au niveau des caractéristiques considérées par la médecine comme appartenant au sexe féminin ou au sexe masculin. Ces variations peuvent affecter les organes génitaux, mais pas seulement : les gonades, les hormones ou les chromosomes peuvent aussi être concernés. «Ces caractéristiques peuvent être visibles à la naissance, apparaître seulement à la puberté, ou encore ne pas être apparentes du tout sur le plan physique», précise Amnesty International dans un article publié à l’occasion de l’une des journées de la visibilité intersexe.

À l’occasion de cette journée qui s’est déroulée cette année le 26 octobre, et alors que le Comité des droits de l’enfant des Nations unies examine la situation du Luxembourg, l’ASBL Intersex & Transgender Luxembourg a décidé d’organiser pendant une semaine une série d’évènements autour de la question de l’intersexualité afin de tenter de briser enfin le tabou qui entoure les personnes intersexes.

« Le tabou reste énorme, et ce, malgré la campagne du ministère de la Santé en 2018 intitulée ‘Féminin ? Masculin ? Intersexe ? Gardons l’esprit ouvert’ », déplore le Dr Erik Schneider, psychiatre et psychothérapeute, formateur et fondateur de l’ASBL Intersex & Transgender. Pour remédier à cela, pas de mystère, il faut changer la société et les mentalités en profondeur.

Ce qui passe d’une part par le plan légal. « On a besoin d’une loi pour protéger les enfants intersexes, mais aussi les parents et les médecins qui ne veulent plus de ces opérations destinées à les ‘normaliser’. D’autant que beaucoup de ces interventions peuvent être traumatisantes et entraîner des problèmes majeurs et des douleurs intenses », explique le Dr Schneider.

À ce jour, au Grand-Duché, une seule personne s’est manifestée physiquement auprès du Dr Schneider sur le fait qu’elle n’était pas à l’aise avec le sexe qui lui a été attribué. Mais des témoignages plus discrets et des constats faits dans les pays alentour laissent penser que le Luxembourg n’est pas exempt de ces pratiques aujourd’hui jugées invasives. « Le corps tel qu’il est est parfait. Si la société, les parents, ont un problème avec cela, c’est eux qu’il faut ‘opérer’. L’enfant n’a pas besoin d’un chirurgien », n’hésite pas à affirmer le psychiatre.

Diversité humaine

En attendant une telle loi, le Dr Schneider porte toute son attention sur l’éducation, et notamment la formation des enseignants et des éducateurs à la question de l’intersexualité. « Mon focus : apprendre aux enfants à accueillir la diversité humaine. L’intersexualité est une autre forme de diversité », souligne le médecin qui avoue constater une « évolution » au sein du corps enseignant. « Il y a déjà un certain savoir, et les gens sont touchés lorsqu’ils sont mis en contact avec des personnes concernées par l’intersexuation. Or si les éducateurs sont vraiment ouverts dans leur attitude face à ce sujet, les enfants oseront venir vers eux. Ça peut tout changer. »

Pour faire preuve de cette ouverture, les enseignants « ne doivent pas attendre que les enfants viennent vers eux mais proposer ce sujet comme n’importe quel autre sujet à aborder à l’école », indique le Dr Schneider. Les formations dispensées expliquent ainsi comment enseigner l’intersexuation de façon légère, facile et adaptée, mais aussi à dompter les éventuelles craintes des enseignants. L’ASBL mise en outre sur des outils de support, comme des films d’animation ou des lectures scéniques.

Pas question pour autant à ce jour pour le Dr Schneider d’imposer des formations pour les enseignants ou d’inscrire dans le marbre un cours sur l’intersexualité dans les programmes scolaires. « Obliger serait mettre une forme de pression et il n’en ressortirait rien de bon. Nous devons avant tout convaincre les professeurs en leur montrant qu’il est facile d’enseigner ce sujet. Si un professeur est touché, engagé, cela sera plus utile qu’un professeur plein de ressentiments, qui n’a pas envie d’aborder cette question mais qui est obligé de le faire. Que va-t-il transmettre alors aux élèves ? De la négativité, et c’est ce qu’il faut éviter. »

Deux tables rondes sont organisées au Mierscher Kulturhaus qui pourront en outre être suivies à distance en direct sans inscription préalable sur itgl.lu ce mercredi  de 19h30 à 21h30 sur le thème «Intersexes : de la médecine aux droits humains » et vendredi de 19h30 à 21h30, «Intersexuation et parentalité».

Tatiana Salvan

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