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« Il y avait 20% de pro-nazis au Luxembourg »


Erny Lamborelle, président de la fédération des enrôlés de force, nuance l’image du 14 avril 1945 comme symbole pour la fin de la guerre au Luxembourg.

Quelle valeur accordez-vous au 14 avril 1945 et à sa commémoration ?
Erny Lamborelle  : Il s’agit certainement d’une journée symbolique en raison des valeurs patriotiques que la Grande-Duchesse a véhiculées pendant la guerre. Si bien que, quand elle revenait d’exil, cela a signifié, pour les Luxembourgeois, que leur pays était enfin libéré. J’aimerais toutefois rappeler que le 14 avril 1945, des milliers d’enrôlés de force et de garçons étaient toujours emprisonnés dans des camps à l’est.

Néanmoins, beaucoup sont revenus dans les mois et les années qui ont suivi?
La Grande-Duchesse a beaucoup de mérite dans cette affaire, car elle s’est beaucoup engagée afin de rapatrier tous ces garçons, ceux de Tambow en particulier, qui se trouvaient encore par milliers dans des camps sans que cela ait regardé le gouvernement luxembourgeois. Quatre parmi eux avaient réussi à revenir plus tôt, mais le gouvernement luxembourgeois n’avait que faire d’eux. Ce n’est que grâce à la Grande-Duchesse Charlotte qu’on a commencé à faire des efforts pour les rapatrier. Mais ils ne sont revenus que parce que les Russes étaient d’accord et non parce que le gouvernement l’aurait voulu. Personnellement, c’est là le côté négatif qui entoure le souvenir du retour de la Grande-Duchesse.

Que pensez-vous de manière générale de ces commémorations?
Je pense qu’il faut apprendre à se souvenir de la dernière guerre d’une autre manière, surtout en ce qui concerne la jeunesse. Les fleurs, les gerbes, une sonnerie – tout cela ne suffit plus pour motiver la jeunesse à commémorer. Il faut emprunter des chemins nouveaux. Une des voies, c’est d’investir dans la recherche, afin que l’on sache ce qui s’est réellement passé pendant la guerre. Les historiens ne font que commencer doucement à faire leur travail. Nous n’avons pas tous été résistants. Pour vous donner une idée, le taux de pronazis devait être autour des 20  % de la population. Il y a trois chiffres importants dans ce contexte : les 10  600 enrôlés de force et les 1 500 volontaires au moins, qui représentent 15  %. Après la guerre, il y a eu plus de 10  000 procès. En plus, fin 1945, ce que les Luxembourgeois n’ont pas envie de savoir  : environ 80  000 Luxembourgeois étaient membres du VdB (NDLR : l’association des collaborateurs luxembourgeois). On les avait en partie forcés, en tout cas les Luxembourgeois se sont couchés et n’ont pas activement résisté.

La Grande-Duchesse a aussi été critiquée pour avoir choisi l’exil?
C’est une question épineuse. Je pense que, vu ce qui s’était passé, pendant la Grande Guerre, avec la sœur de Charlotte, la Grande-Duchesse Marie-Adelaïde (NDLR  : son abdication en 1919), il était juste qu’elle prenne la fuite. Mais le gouvernement, lui, aurait dû rester. Son départ nous a mis dans une situation où la Chambre des députés a validé la Commission administrative, qui a fini par collaborer avec les Allemands. En plus la fuite n’était pas du tout planifiée. Elle s’est décidée à la dernière minute alors qu’il était clair que les Allemands allaient attaquer.

Propos recueillis par notre journaliste Frédéric Braun

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