Alors que la pandémie de Covid a poussé les patients à déserter les cabinets médicaux, LuxTransplant constate une forte hausse des malades dont la santé s’est dégradée et qui ont désormais besoin d’une greffe.
Selon une enquête internationale publiée en août dernier dans le Lancet Public Health, le nombre de transplantations d’organes a chuté de 16 % en 2020 au niveau mondial, condamnant ainsi 48 000 malades, estiment les médecins et chercheurs français auteurs de l’étude.
Et le Luxembourg ne fait pas exception : seuls 13 patients ont pu recevoir une greffe d’organe l’année dernière contre 34 en 2018 et 19 en 2019. En cause, l’arrêt du programme de don d’organes par principe de précaution durant trois mois, entre mars et juin, lors de la première vague de l’épidémie. Et la saturation des unités de soins intensifs des hôpitaux mobilisées normalement pour le prélèvement sur les donneurs comme pour le suivi postopératoire des patients greffés.
Autre impact direct de la crise sanitaire, la liste des personnes en attente de greffe d’organe au Luxembourg s’est brusquement allongée, constate Jorge De Sousa, coordinateur de transplantation : «Alors que nous avions 78 patients inscrits en 2018 et 65 en 2019, notre liste d’attente a grimpé jusqu’à 85 patients en 2020 et nous avons dépassé la centaine d’inscrits cette année», détaille l’infirmier anesthésiste, présent hier au «Spinning marathon» organisé à Mamer, pour la journée mondiale du Don d’organes.
Des chiffres qui vont encore augmenter, craint-on au sein de LuxTransplant : «Cette tendance va se poursuivre, c’est certain», poursuit-il, évoquant une onde de choc attendue en 2022 et 2023. «Les diagnostics de certaines pathologies rénales ou pulmonaires sont retardés depuis le début de la crise sanitaire parce que les patients désertent les cabinets des médecins. Nos collègues à l’étranger constatent le même phénomène.»
L’épidémie a également été source d’angoisse pour les patients en attente de greffe ou déjà transplantés et sous traitement immunosuppresseur : LuxTransplant a ainsi plaidé en faveur d’une vaccination prioritaire pour ces malades extrêmement vulnérables auprès du ministère de la Santé et ils ont pu faire partie des vaccinés dès la phase 2 de la campagne nationale.
Un soulagement d’autant plus important que, lors de la première vague, les équipes de LuxTransplant avaient été marquées par le décès brutal d’un patient greffé : «Tout s’était très bien déroulé. Il était prêt à rentrer chez lui. Malheureusement, il a été contaminé par le virus à l’hôpital et est décédé trois semaines à peine après son opération», raconte Jorge De Sousa.
Seulement trois prélèvements en 2020
Du côté des dons, seuls trois prélèvements multiorganes ont pu être effectués en 2020, là encore, un chiffre en baisse constante depuis 2017. Mais Jorge De Sousa tient à nuancer : «Il est important de tenir compte du nombre de donneurs potentiels, c’est-à-dire en état de mort cérébrale, seule situation qui permet le don d’organes. Et en 2020, ils étaient 14, un chiffre stable par rapport aux années précédentes», explique-t-il. Dans les onze cas pour lesquels le prélèvement n’a finalement pas été possible, il s’agissait pour la plupart de contre-indications médicales.
Preuve d’une certaine évolution dans la société par rapport au tabou de la mort notamment : «Aujourd’hui, au Luxembourg, on observe que les gens sont beaucoup plus favorables au don d’organes. On a très peu de refus», précise le coordinateur de LuxTransplant. Rappelons que, selon la loi, tout citoyen qui décède est présumé donneur. Si on souhaite s’y opposer, il faut le faire par écrit, de son vivant.
«On parle beaucoup de solidarité et de liberté. J’aimerais souligner, en cette journée mondiale, que le don d’organes est le geste de solidarité le plus fort qu’on puisse faire, pour rendre leur liberté à des personnes qui en sont privées par la maladie», conclut Jorge De Sousa, indiquant qu’un donneur peut sauver, à lui seul, la vie d’au moins cinq personnes.
Christelle Brucker