Coup de gueule de l’eurodéputé luxembourgeois Claude Turmes (déi gréng), alors que l’Europe se dirige visiblement vers l’autorisation à long terme du glyphosate, cet ingrédient clé, et controversé, de nos herbicides.
Les initiatives citoyennes se multiplient pour critiquer le glyphosate, cet ingrédient clé de la plupart des herbicides (en premier lieu du Roundup de l’américain Monsanto). L’Organisation mondiale de la santé (OMS) l’a même classé comme «cancérogène probable».
Pourtant, la Commission européenne vient de relancer la procédure visant à autoriser le glyphosate pour au moins dix ans. La Commission dit en effet avoir tenu compte des dernières études de l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA), qui réfute le caractère cancérogène du glyphosate, confirmant ainsi une position similaire prise par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA).
Mais pas de quoi blanchir le glyphosate, fulmine l’eurodéputé déi gréng Claude Turmes : « Ce qui m’étonne, c’est que la Commission européenne n’a pas apparemment compris le grave problème de l’EFSA. D’un côté, on a l’OMS, qui n’utilise que des études publiées, donc transparentes, et qui peuvent être révisées par d’autres scientifiques. De plus, les experts de l’OMS n’ont pas le droit d’avoir de conflits d’intérêts.»
De l’autre côté, « l’EFSA n’a pas du tout ce genre de code de conduite. On sait désormais que des études sur lesquelles l’EFSA s’appuie sont loin d’être impartiales, certains de ses experts ont eu des conflits d’intérêts, avec Monsanto par exemple… »
Un «certain lobbyisme» au Luxembourg
Mais comme le problème ne date pas d’hier, et que « les choses n’avancent pas, on est en train de réfléchir pour faire un procès devant la Cour de justice de l’Union européenne, pour dénoncer la mauvaise gestion de l’EFSA », annonce l’eurodéputé.
« La deuxième chose qu’on est en train de faire, c’est d’essayer de gagner une majorité politique au Parlement européen, pour instaurer une commission d’enquête, car les doutes s’accumulent sur l’EFSA. Il y a des conflits d’intérêts sur les glyphosates, les OGM… Ça commence à faire beaucoup! »
Le fait que la Commission s’engage sur une autorisation du glyphosate, malgré les études controversées, pose par ailleurs la question d’un abandon d’un principe de précaution cher à l’Europe… « C’est inquiétant. L’Europe est dans une mauvaise phase. Pourtant, les derniers Eurobaromètres sont très clairs, les citoyens veulent que l’Europe protège l’environnement. Il est donc incroyable qu’une autorité européenne comme l’EFSA puisse fonctionner sans code éthique. Il en va de la crédibilité européenne! »
D’ailleurs, une pétition européenne, visant à interdire le glyphosate, réformer la procédure d’approbation des pesticides et instaurer des objectifs obligatoires de réduction dans l’utilisation des pesticides au sein de l’UE, a déjà réuni plus de 750 000 signatures, « dont 4 500 au Luxembourg », précise Claude Turmes.
Justement, du côté du Luxembourg, il critique « un certain lobbyisme. Au Luxembourg, il y a un conglomérat politique qui s’appelle Centrale paysanne, ministère de l’Agriculture, CSV… Et ce conglomérat ignore la pollution et les dangers du glyphosate. Pourtant, je rappelle que les premières victimes des pesticides, ce sont les agriculteurs et les vignerons, qui développent des maladies, des cancers. C’est donc un lobby qui ne défend pas la santé de ses propres gens. »
Comment faire sans glyphosate?
Reste la question épineuse de trouver une alternative à l’herbicide numéro un… Face à ceux qui prédisent que la machine agricole européenne va tomber en panne si on l’interdit, Claude Turmes estime que cela reviendrait à « fermer les yeux sur tous les progrès scientifiques qui ont été faits en matière d’agriculture bio et durable. On a des centaines de milliers d’agriculteurs bios qui montrent qu’on a les innovations pour produire sainement et en quantité, et sans herbicides! ».
Romain Van Dyck