Porte-parole de la plateforme Nee2015.lu, Fred Keup a su se servir de son côté citoyen ordinaire. Il s’est engagé contre le droit de vote des étrangers parce que le « non » lui semblait sous-représenté.
De nouvelles estimations indiquent que le nombre réel d’électeurs étrangers restera appréciable. Vous êtes-vous fait avoir ?
Fred Keup : Le problème, c’est qu’il y aura un référendum très important, mais que personne n’a de scénario sur ce qu’il implique sur le long terme. Jusqu’à cette étude du Statec, personne n’avait de chiffre concret sur le nombre d’électeurs potentiels. On aurait dû informer les gens. Quant au Cefis, j’avoue qu’ils me déçoivent un peu : après tout, ils sont du même bord que le oui. Ils picorent donc les informations en fonction de ce qui leur convient. Il s’agit d’un arrêt sur image, mais qui n’a rien à voir avec la réalité d’un premier vote ouvert aux étrangers. Tout ça n’est donc pas très sérieux.
Mais insinuer, comme vous le faites, que des 105 000 électeurs potentiels, la majorité ira voter, c’est un peu comme dire que tout sportif participera à l’Olympiade.
On ne peut pas comparer les deux. Le Statec dit que 105 000 personnes auront la possibilité de participer aux premières législatives ouvertes aux étrangers. On peut donc supposer que lors des élections futures, il y aura à chaque fois une grande campagne pour les inciter à voter et que beaucoup le feront. Quant à savoir combien exactement, on ne peut que spéculer. En tout cas, le chiffre de 30 000 ou 35 000 est faux.
N’y a-t-il pas aussi, lié à ces chiffres, le risque pour vous de perdre la face. Finalement, vos craintes sont infondées…
Il ne s’agit pas de craintes, pas plus que de chiffres, qu’ils soient justes ou faux. Il s’agit d’une question de principe. Depuis le début, nous pensons que les conditions détaillées – dans les questions au référendum – seront allégées dans une deuxième étape et que la durée de résidence minimum, par exemple, sera réduite à cinq ans. Ce vote porte sur une question de principe : accorder ou ou non le droit de vote aux étrangers. Que cela concerne 10 000 personnes ou 50 000 n’y change rien.
Quels sont donc vos arguments ?
Nous sommes d’avis que le concept qui lie le droit de vote à la nationalité, comme c’est le cas dans la plupart des pays européens, fonctionne très bien chez nous. Nous n’avons pas de partis extrémistes ni de problème majeur de discrimination vis-à-vis des étrangers. Le vivre-ensemble et la cohésion sociale dans ce pays existent dans les faits. Et l’ouverture à la double nationalité a été un grand succès. Nous sommes donc d’avis qu’il faut rester sur cette voie de l’intégration par naturalisation. En revanche, les conséquences d’un vote des étrangers sont difficiles à prévoir. D’où notre scepticisme.
Pourtant, l’Europe entière se dirige vers un modèle où les nations occupent un rôle moindre…
C’est là prendre ses désirs pour des réalités. Et on peut regretter l’époque où Mitterand et Kohl se donnaient la main, car nous faisons aujourd’hui l’expérience d’une Europe où toute nation, tout pays, est engagé dans une lutte pour ses propres intérêts et où il n’y a plus d’entraide véritable. Ce serait donc un mauvais signe que de mettre la charrue avant les bœufs et de sacrifier la nation. La nationalité a toujours été importante et elle le restera. En même temps, elle est ouverte dans le sens où tout le monde peut l’adopter en optant pour la double nationalité. En ce sens-là, nous avons une nation et une nationalité qui évoluent.
Entretien avec Frédéric Braun
A lire en intégralité dans Le Quotidien papier de ce mardi