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Finances publiques : un manque de cohérence et de détails


Yves Nosbusch, président du CNFP, constate une incohérence dans l'approche adoptée pour établir le scénario macroéconomique de base pour la programmation budgétaire pluriannuelle. (photo Hervé Montaigu)

Le CNFP a rendu lundi son évaluation sur les finances publiques. Sa principale recommandation : «découpler» l’élaboration du budget annuel et celle de la loi de programmation financière pluriannuelle.

Moins d’un mois après avoir présenté son «Évaluation de la soutenabilité à long terme des finances publiques», le Conseil national des finances publiques (CNFP) s’est penché sur le projet de budget 2018 et la loi de programmation financière pluriannuelle (LPFP) 2017-2021.

Le CNFP espère toujours que le gouvernement suive enfin sa recommandation de découpler le volet pluriannuel et le budget annuel et d’avancer la loi de programmation financière pluriannuelle au printemps de chaque année. Pourquoi ? «Une telle mesure permettrait de se focaliser entièrement sur le projet de budget pour l’année à venir dans la deuxième moitié de l’année.»

Mais encore, selon le CNFP, l’avancement de la LPFP au printemps permettrait de veiller à ce que la programmation budgétaire pluriannuelle se base sur un scénario macroéconomique actualisé et cohérent au moment du dépôt du projet de LPFP à la Chambre des députés. Or ce n’est pas le cas aujourd’hui, relève en substance Yves Nosbusch, président du CNFP. Pour des raisons techniques, la pratique restera la même, répond le ministre des Finances, Pierre Gramegna, pour justifier son refus de suivre cette recommandation. On continuera donc à avoir le Programme de stabilité et de croissance (PSC) au printemps et la LPFP en automne alors que les prévisions sont d’humeur changeante, comme l’ont prouvé les instituts de statistiques.

Les prévisions macroéconomiques pour le pays reposent ainsi sur une combinaison de deux scénarios différents : les taux de croissance des années 2017 et 2018 ont été actualisés et ceux des années 2019 à 2021 datent du PSC du mois d’avril. «Le CNFP constate donc une incohérence dans l’approche adoptée pour établir le scénario macroéconomique de base pour la programmation budgétaire pluriannuelle.»

À court terme, les prévisions tablent sur une croissance de +2,7 % en 2017, +3,7 % en 2018 et +4,4 % en 2019, avant un fléchissement de plus de la moitié en 2021 (+1,9 %). Or les taux de croissance réels pour 2017 et 2018 ont été fortement revus à la baisse à cause de la révision importante de la croissance sur la période 2013-2016. Le Conseil n’identifie pas dans la documentation budgétaire «une révision correspondante des estimations de recettes publiques par rapport au PSC 2017», regrette Yves Nosbusch.

Pour une politique budgétaire ambitieuse

Le CNPF peut dès lors difficilement appréhender l’impact de la révision importante à la baisse de la croissance réelle sur l’évolution des recettes publiques. «Le CNFP recommande donc aux autorités budgétaires de quantifier à l’avenir cet impact», insiste-t-il.

Le gouvernement ne se fait pas seulement taper sur les doigts. Le Conseil, dans son évaluation, note que la principale règle budgétaire nationale relative au solde structurel et au respect de l’objectif budgétaire à moyen terme (OMT) est respectée en 2016 et que l’administration publique devrait s’y tenir jusqu’en 2019. Le CNFP explique que c’est l’abaissement de l’OMT à -0,5 % du PIB (il était arrêté à +0,5 % en 2016), fondé sur une hypothèse démographique de 1,14 million d’habitants d’ici 2060, qui permet d’aboutir à ce constat favorable.

Le CNFP recommande encore au gouvernement de se montrer ambitieux pour ne pas s’approcher du seuil de -0,5 % sur le solde structurel. «Si l’objectif est une dette publique ne dépassant pas un plafond de 30 % du PIB, un solde structurel minimal de +0,25 % sera nécessaire. Si, par ailleurs, on se base sur les nouvelles projections d’Eurostat (hypothèse démographique de 992 924 habitants en 2060), le solde structurel devrait même se situer à +0,75 % du PIB», prévient le CNFP dans son évaluation.

La LPFP 2017-2021 prévoit un rétablissement graduel des recettes publiques, avec un taux de croissance moyen de 5,2 %, «et ceci malgré le fait que le Luxembourg ne peut plus retenir des recettes en provenance de la TVA sur le commerce électronique à partir de 2019 et que le scénario macroéconomique se tasse en fin de période», note le Conseil. Parallèlement, les dépenses publiques sont censées ralentir, avec un taux de croissance moyen de +4,4 % sur la période 2019-2021 (contre une moyenne historique de +6,1 % sur la période 1996 à 2016). Malheureusement, la LPFP 2017-2021 ne fournit pas de détails expliquant la hausse importante des recettes publiques et le ralentissement des taux de croissance des dépenses publiques à moyen terme.

Le Conseil appelle à la prudence car, selon lui, l’investissement direct en particulier semble «sous-estimé avec un taux de croissance moyen de +2,9 %». Le CNFP recommande donc la publication d’explications plus détaillées sur les hypothèses retenues pour l’évolution pluriannuelle des recettes et des dépenses publiques.

Geneviève Montaigu