Malgré le démenti de la part du renseignement allemand (BND), l’intérêt américain pour l’espionnage de cibles luxembourgeoises était bien plus étendu qu’imaginé au départ. Les Verts veulent faire le ménage.
De nouvelles révélations concernant de possibles opérations de surveillance de la part des services de renseignement américains en s’appuyant sur leurs homologues allemands ont été faites, mardi, depuis Berlin. Pour le coprésident de déi gréng, Christian Kmiotek, qui a publié sur son compte Twitter un document révélateur, on ne se trouve qu’au début d’une vaste affaire qui pourrait englober à la fois de l’espionnage politique, diplomatique et économique.
Nach @Peter_Pilz die 2005er Wunschliste der #NSA ans #BND betr. Luxemburg #BNDNSA @deigreng pic.twitter.com/pMwHI0614i
— Christian KMIOTEK (@KmiotekC) 19 Mai 2015
L’affaire de la coopération des services de renseignement allemands (BND) avec leurs homologues américains de la NSA pour espionner des cibles sur le continent européen continue à gagner en ampleur. Mardi, de nouvelles frictions sont ainsi apparues au sein du gouvernement allemand, formé par la CDU et le SPD. Le camp socialiste ne cesse de lancer des hostilités à son partenaire de coalition chrétien-social et à la chancelière Angela Merkel.
C’est également mardi à Berlin que le volet luxembourgeois dans cette affaire a gagné en ampleur. Vendredi dernier, le député vert autrichien Peter Fritz avait révélé que le BND avait depuis 2005 systématiquement intercepté pour le compte de la NSA des informations transitant sur la connexion internet reliant Vienne à Luxembourg. Lundi, le gouvernement luxembourgeois avait affirmé de ne pas avoir eu connaissance de ces opérations. Le parquet a cependant été saisi dans la foulée.
Depuis mardi, on sait que la connexion internet entre les capitales autrichienne et luxembourgeoise n’a pas été la seule à être visée par la NSA. « On a récupéré une liste avec les cibles que la NSA a voulu faire surveiller par le BND en 2005 », indique Christian Kmiotek, coprésident de déi gréng, présent mardi dans la capitale allemande pour une conférence de presse commune avec son homologue allemand Cem Özdemir et le député autrichien Peter Fritz.
Une liste pour surveiller 11 connexions internet
Cette liste reprend onze connexions internet, dont celles entre le Luxembourg et Zurich ainsi que les connexions avec Ankara, la capitale turque, et Moscou, la capitale russe. « En remettant ces opérations de surveillance dans le contexte de 2005, il est facile de déceler les intérêts des Américains à cibler aussi le Luxembourg. L’espionnage n’a pas seulement été destiné à lutter contre le terrorisme, mais concernait également les domaines politique, diplomatique et économique », nous a expliqué mardi Christian Kmiotek, joint par téléphone à Berlin.
Le premier lien qui peut être établi concerne le secteur financier. « Zurich et Luxembourg sont deux places financières de pointe. Il n’y a qu’un pas à franchir pour évoquer de l’espionnage économique », note le coprésident de déi gréng. La connexion avec Vienne en passant par le nœud de Francfort pourrait également concerner la finance. « Le Luxembourg et l’Autriche ont été les derniers pays à abandonner le secret bancaire », fait remarquer Christian Kmiotek.
«Un but contre son camp»
L’espionnage économique pourrait également se trouver à la base des opérations de surveillance ayant concerné les connexions entre Moscou et Luxembourg. À ce moment, le Grand-Duché était sur le point d’intensifier ses relations avec la Russie.
Finalement, la surveillance des connexions entre Ankara et Luxembourg aurait également eu une dimension politique et diplomatique. « Il est imaginable qu’il s’agissait de vérifier le respect des sanctions douanières contre l’Iran », indique Christian Kmiotek, qui espère que la plainte déposée par le gouvernement luxembourgeois permettra de faire la lumière dans cette épineuse affaire.
« Nos confrères des Verts allemands plaident eux pour mener une enquête approfondie au niveau du Bundestag (NDLR : Parlement allemand)», ajoute le coprésident de déi gréng. Peter Fritz, le député autrichien, a lui également introduit une plainte contre les trois collaborateurs de la Deutsche Telekom et l’agent du BND qui se trouveraient à l’origine de ces opérations d’espionnage.
Pour Christian Kmiotek, le ménage doit être fait dans cette affaire, qui, visiblement, ne se trouve qu’à ses débuts. Hier, le service de renseignement allemand (BND) a toutefois tenté d’étouffer l’affaire en soulignant à l’agence de presse DPA que le fait que le Luxembourg se trouve au départ ou à l’arrivée des connexions surveillées n’était pas forcément un indice pour identifier une cible spécifique.
« Cette précision pourrait rapidement s’avérer être un but contre son camp du service de renseignement allemand car il affirme de facto que les opérations d’espionnage ont concerné des cibles allemandes. Cela reste néanmoins illégal », conclut le coprésident de déi gréng.
David Marques
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