Recycler le plus possible localement, telle est la mission du centre national de tri situé à Livange. Reportage.
Des cartons recouvrent le hangar du sol au plafond. Au centre de tri «Spëndchen», situé à Livange, on croule actuellement sous les dons de vêtements pour les réfugiés ukrainiens, qui vont arriver en masse ces prochaines semaines au Luxembourg. Mais cela fait déjà quelques années que le gérant du site, Fabien Schmit, constate une légère hausse des dons.
«Les gens veulent donner davantage, ça se voit. Après, chacun a ses arguments : pour aider les gens dans le besoin au Luxembourg, ou pour pouvoir s’acheter le dernier t-shirt à la mode.» Qu’importe les raisons, le centre de tri accepte tous les dons de vêtements depuis 2015, année de son ouverture et redistribue ce qui peut l’être dans des centres Caritas et Croix-Rouge, mais aussi dans d’autres structures associatives. Les bénéficiaires ? Des personnes dans le besoin, qu’ils soient réfugiés, sans-abri ou encore demandeurs de protection internationale.
Un «cimetière» de la mode jetable
Soixante à soixante-dix pour cent des textiles arrivant dans ce centre sont ainsi localement distribués aux quatre coins du Luxembourg. Une marge énorme comparée aux vêtements jetés dans des conteneurs, qui eux, ne sont pas du tout recyclés dans le pays, mais immédiatement envoyés à l’étranger.
Au Luxembourg, l’équivalent de 48 millions de t-shirts est déposé chaque année dans ces conteneurs et fait ainsi l’objet d’un marché secondaire destructeur. «Il vaut mieux donner à Spëndchen que de mettre vos vêtements dans des conteneurs», appuie Fabien Schmit.
Actuellement, plus de 11 000 boîtes de 10 kilos sont regroupées dans ce centre, en attente d’être envoyées dans des foyers. Un vrai «cimetière de la mode jetable», que regrette Ana Luisa Teixeira, coordinatrice chez Caritas. «Faire don de vos vêtements, c’est très bien, mais ça peut aussi être une fausse bonne idée, si vous allez directement acheter la dernière collection juste après ça», explique-t-elle.
Comment ça marche ?
Une fois vos vêtements déposés à Livange, une équipe d’une vingtaine de bénévoles va procéder au tri des matières. Est-ce un produit encore neuf ? Y a-t-il des trous ? Peut-on encore le porter ? Chaque vêtement est examiné pour ensuite être placé dans des box, rangés par genre (femmes, hommes, enfants).
Si le produit est trop endommagé, il est mis à l’écart, le temps de voir s’il est possible d’en faire autre chose ou s’il sera expédié aux Pays-Bas pour potentiellement être recyclé en matériel d’isolation. Certains créateurs n’hésitent pas à faire un saut à la Spëndchen pour justement se servir dans ces produits destinés à être jetés. «Nos bénéficiaires sont prioritaires, mais si un créateur ou une association a besoin de vêtements, nous n’hésitons pas à les donner», explique le gérant.
Pour rappel, la part des déchets textiles a augmenté au Luxembourg de plus de 30 % en à peine 15 ans. Les résidents du pays consomment davantage de vêtements, mais ont vu dans un même temps leur budget shopping divisé par deux, avec une dépense moyenne par an et par habitant de 2 986 euros pour des vêtements et chaussures.
Comment expliquer cet écart dans le budget et est-ce que cela se ressent également dans les dons fournis à la Spëndchen? «La qualité des vêtements n’est plus la même», confirme Fabien Schmit. «D’année en année, on voit une détérioration : on paie moins cher, mais pour une qualité médiocre. Et cela se ressent aussi dans nos dons.»
Des vêtements de moindre qualité donc, qu’il est difficile de recycler ensuite, tant il est abîmé et qui peut potentiellement finir dans des pays du tiers-monde. «Il faut conserver ce réflexe local, de donner à la Spëndchen, mais aussi s’interroger sur sa consommation de vêtements. Nous voyons trop souvent des articles encore avec des étiquettes, qui n’ont même pas été portés!»
De quoi a besoin la Spëndchen ?
Si vous souhaitez faire un don et vous assurez que ce vêtement sera priorisé pour les personnes dans le besoin au Luxembourg, vous pouvez vous rendre au 18, rue Geespelt à Livange. Actuellement, ce sont des vêtements homme de petite taille qui manquent aux bénéficiaires, mais aussi des sous-vêtements, rarement donnés.
Épisode 3
Notre enquête sur les déchets textiles au Luxembourg se poursuivra ces prochaines semaines avec plusieurs reportages sur les initiatives locales mises en place pour vous offrir une consommation textile plus responsable.
[Épisode 1] Déchets textiles au Luxembourg : où finissent vos vêtements ?