Les syndicats représentant le personnel éducatif et psychosocial mènent la fronde contre le ministère de l’Éducation nationale. Ils voient la qualité de la prise en charge des enfants à besoins spécifiques menacée.
En amont de la rentrée scolaire, le ministre de l’Éducation nationale soulignait fièrement les efforts entrepris pour l’inclusion des enfants à besoins spécifiques. Après l’enseignement fondamental, les équipes de soutien multiprofessionnelles ont aussi été déployées dans les lycées. Ils sont 1 437 agents à être en fonction, dont 200 qui ont été recrutés en 2019/2020. Quelque 120 spécialistes supplémentaires doivent venir s’ajouter dans le courant de cette année scolaire 2020/2021.
Ces équipes de soutien aux élèves à besoins spécifiques constituent une des composantes du personnel éducatif et psychosocial, qui avec l’évolution de la société et de la communauté scolaire ne cessent de gagner en importance. La création en 2018 des Centres de compétences, en remplacement de l’Éducation différenciée, témoigne de la volonté de s’investir davantage pour assurer la meilleure inclusion possible des élèves en besoin.
Dans les coulisses, le torchon brûle toutefois. Mardi après-midi, les représentants syndicaux des éducateurs diplômés et gradués, tout comme les psychologues et autres spécialistes engagés dans les Centres de compétences, les Services socioéducatifs (SEE) ou encore les Services psychosocial et d’accompagnement scolaires (Sepas), ont fait part de leur ras-le-bol. «Le ministère de l’Éducation nationale méconnaît notre tâche. Il ne connaît pas les besoins réels du terrain alors que le ministre Claude Meisch met désormais l’accent sur le bien-être des enfants», lance Claudia Dias de Almeida, trésorière du syndicat du personnel de l’Éducation nationale œuvrant spécifiquement dans l’intérêt des élèves à besoins éducatifs spécialisés (SPEBS/CGFP). «Ce principe du bien-être, nous l’appliquons depuis des décennies. Notre seule volonté est de disposer des conditions de travail permettant d’assurer une prise en charge de qualité des élèves à besoins spécifiques», enchaîne-t-elle. «Si on est appelé à encadrer 12 élèves, on prépare individuellement la prise en charge. Contrairement à un enseignant, nous ne disposons pas de programme standardisé. Le ministère n’a pas conscience de ce travail», détaille Dany Ourth, de l’Association du personnel des Centres de compétences et de l’Agence éducatif et psychosocial (APCCA/SEW/OGBL).
Le camp syndical fustige plus particulièrement le manque d’harmonisation des tâches de travail dans le secteur éducatif et psychosocial. Le temps de travail hebdomadaire varie fortement : 32 heures, 40 heures et même 44 heures. Après avoir fait la sourde oreille, le ministère de l’Éducation nationale aurait placé en juillet le personnel concerné «devant le fait accompli». «Nous sommes choqués», ont clamé les représentants syndicaux, mardi, après avoir organisé un piquet de protestation devant le ministère.
Opposition à un régime à deux vitesses
Ce sont cinq organisations, majoritairement rattachées aux syndicats OGBL et CGPF, qui mènent la fronde. Aux côtés du SPEBS/CGFP et de l’APCCA/SEW/OGBL, on retrouve l’Association des éducateurs et éducatrices (ALEE/CGFP), l’Association du personnel du centre et des services psychosociaux et d’accompagnement scolaires (APPSAS) et le Syndicat des éducateurs gradués (SLEG/CGFP).
«Obtenir une harmonisation, ou du moins faire respecter le principe de l’égalité de traitement, est une affaire complexe. Il existe 18 modèles de traitement», admet Mario Maia, du SLEG. Au lieu de consulter les représentants du terrain pour trouver une solution, le ministère aurait acté à la mi-juillet les nouvelles conditions de travail pour le personnel concerné. Les acquis des agents et spécialistes déjà recrutés demeurent tandis que le personnel recruté à partir du 1er septembre de cette année va tomber sous des nouvelles dispositions. Ce principe a été confirmé mardi matin par le ministère de l’Éducation nationale, qui précise par voie de communiqué qu’«il n’a jamais été de l’intention du ministère de procéder ni à une réforme de fond des tâches du personnel psychosocial et éducatif ni à des allègements de ces dernières alors que la société luxembourgeoise est confrontée à une situation économique et sanitaire inédite».
Le camp syndical, «surpris d’avoir été reçu par une délégation du ministère», n’est pas satisfait des explications reçues. Il réfute la mise en place d’un «régime à deux vitesses». Réunir sur le terrain du personnel disposant de conditions de travail différentes ne pourrait que nuire à la qualité de la prise en charge des enfants, estiment les cinq syndicats du secteur. De plus, la base légale ne serait pas respectée à tous les niveaux.
Ils réclament désormais «un dialogue social digne de ce nom», comme le souligne Claudine Muller du SPEBS/CGFP. Un prochain rendez-vous avec le ministère est prévu dès la semaine prochaine. Les services du ministre Claude Meisch assurent être «ouverts à un dialogue serein et constructif».
David Marques