Bien que le Luxembourg fasse partie des bons élèves en matière de lutte contre la toxicomanie et d’aide aux toxicodépendants, le gouvernement compte aller encore plus loin dans son nouveau plan d’action.
«Il nous importe de ne pas laisser tomber et de ne pas stigmatiser les toxicomanes pour leur parcours de vie, de les prendre en charge peu importe la situation dans laquelle ils se trouvent – qu’ils soient sans domicile fixe ou sous le coup d’une sanction pénale – qu’ils soient jeunes… Nous voulons leur proposer une prise en charge adaptée, des aides individuelles», a indiqué la ministre de la Santé, Paulette Lenert, lundi à l’occasion de la présentation du cinquième plan d’action national en matière de drogues illicites et d’addictions associées. «Nous devons disposer des moyens d’agir les plus étendus possibles pour aider le plus grand nombre de personnes à s’en sortir. Nous ne sauverons peut-être pas tout le monde, mais nous pouvons clairement viser des améliorations sur le plan sanitaire.»
La drogue la plus consommée au Luxembourg est le cannabis, devant la cocaïne et les substances de type ecstasy. Si le Luxembourgeois use moins de ces trois substances que ses voisins européens et que leur consommation connaît une baisse régulière au Grand-Duché, celle du cannabis chez les adolescents a augmenté légèrement ces dix dernières années. De quoi rester vigilant et ne pas relâcher les efforts réalisés en matière de lutte contre la drogue. D’autant qu’en 20 ans, le nombre de décès par overdose est passé de 26 en l’an 2000 à 4 en 2018. «Les offres telles que les salles d’injection et d’inhalation supervisées, le programme de traitement assisté à l’héroïne, la couverture élevée des traitements de substitution ou encore le développement continu des mesures de réduction des risques prises dans le cadre des plans d’action nationaux successifs ont certainement contribué à cette évolution», estime Alain Origer, coordinateur national «Drogues».
Ces mesures ont également permis de réduire le nombre d’infections au VIH parmi les toxicomanes qui s’injectent les produits après une flambée entre 2014 et 2016. En 2018, seuls quatre cas auraient été enregistrés, contre 21 deux ans plus tôt. «Certains consommateurs se font jusqu’à douze injections par jour. Ils n’ont pas le temps de trouver des seringues propres à utiliser chaque fois», explique le médecin. Pourtant, 54 000 seringues propres sont distribuées chaque année par les associations. Bien plus que l’objectif fixé par l’Organisation mondiale de la santé pour 2030.
Élaborée en peu de temps, la politique globale en matière de drogues et d’addictions du Luxembourg s’est révélée efficace. Le Trimbos-instituut, qui a évalué le précédent plan d’action national en matière de drogues illicites et d’addictions associées (2015-2019), le confirme. «La stratégie actuelle correspond pleinement aux objectifs globaux consistant à réduire la consommation de drogues et les risques et effets nocifs liés à leur usage grâce à une approche combinée et équilibrée des domaines sanitaires, sociaux et éducatifs», indique l’institut dans les conclusions de son analyse du précédent plan. Le gouvernement est encouragé à poursuivre dans cette voie et même à «se fixer des objectifs ambitieux afin de devenir un des pays européens les plus avancés et les mieux organisés en termes de lutte contre la drogue et ses conséquences».
Intensifier les mesures existantes
Le gouvernement peut donc continuer sur sa lancée. Pour faire baisser l’offre et la demande, le plan d’action pour la période 2020-2024 englobe 80 mesures impliquant différents acteurs comme les communes, les ministères, les associations de terrain et les consommateurs eux-mêmes, et repose sur les recommandations du Trimbos-instituut et du cadre général en matière de lutte contre les drogues et les toxicomanies figurant dans l’actuel programme gouvernemental.
Pour faire baisser la demande de drogues, le plan prévoit notamment d’intensifier les mesures existantes telles que la prévention, la prise en charge ainsi que le traitement et la réhabilitation en général, la prise en charge de personnes dépendantes vieillissantes (leur moyenne d’âge est de 43 ans contre 37 il y a huit ans et leur corps est fatigué par la consommation de drogues dures) ou à usages spécifiques ou encore l’élargissement des offres de traitement de substitution. Offres qui devront être régionalisées et décentralisées afin de favoriser leur diversification et améliorer leur accessibilité. L’implication des communes est donc fortement souhaitée.
Pour diminuer l’offre, un renforcement de la coopération judiciaire et répressive est notamment envisagé, de même qu’une coopération des actions nationales au niveau de l’Union européenne, entre autres.
Enfin, le plan prévoit également un certain nombre de projets présentés lundi comme étant de grande envergure. Ainsi, par exemple, la création d’un centre thérapeutique résidentiel pour les mineurs; l’extension des permanences médicales et de traitements de substitution de bas seuil lancées lors de la crise du Covid-19 alors que la drogue se raréfiait, le développement de logements encadrés – car sans logement pas de travail et la spirale dangereuse repart de plus belle –; l’extension du dispositif d’échange et de récupération de seringues fonctionnant en permanence, y compris la nuit et les week-ends; ou encore la mise en place d’une offre stationnaire d’information sur l’utilisation des drogues et la possibilité pour les personnes consommant des drogues de manière récréative, notamment les jeunes, de faire tester la qualité du produit qu’ils viennent d’acheter.
C’est eux que la ministre de la Santé veut avant tout protéger. «Il m’importe de mettre un accent particulier sur les jeunes, notamment en milieu scolaire et dès l’enseignement fondamental, pour ce qui est des offres de prise en charge de traitement et de réhabilitation», a-t-elle indiqué lundi. Pas question pour autant de négliger les autres publics cibles. La démarche du gouvernement, dont elle se fait la porte-parole, a pour but de garantir la santé et la sécurité publiques ainsi que la cohésion sociale.
Sophie Kieffer
Légalisation du cannabis : ne rien laisser au hasard
Jusqu’à présent, le cannabis est toujours considéré au Luxembourg comme une drogue illicite dont la consommation n’est pas à prendre à la légère. Sa légalisation ne changera rien à la dangerosité du produit en question. «Le cannabis n’est plus le même qu’il y a dix ans : il est deux fois plus fort, et ses pratiques de consommation ont changé. Les méthodes de prévention et de prise en charge des consommateurs doivent elles aussi évoluer», a indiqué Alain Origer hier.
Raison de plus pour organiser au mieux sa légalisation et n’oublier aucun détail. Si la crise du Covid-19 est venue ralentir les travaux de conception de la législation en la matière, ils ont repris, selon la ministre de la Santé. Actuellement, une analyse juridique de l’exemple néerlandais serait en cours. «Nous voulons prendre notre temps pour bien faire les choses et peaufiner cette législation au maximum avant de présenter son contenu», affirme la ministre, qui ne veut rien laisser au hasard.