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Croissance : des défis et des périls


Marie-Josée Jacobs, présidente de Caritas Luxembourg, et Robert Urbé, porte-parole, mardi. (Photo : Editpress)

En plaçant son Almanach social 2017 sous la perspective du million d’habitants en 2060, Caritas souhaite attirer l’attention sur les revers de la croissance économique.

En février 2016, la Commission européenne avait publié un rapport dans le cadre du semestre européen dans lequel elle prédisait que la population du Luxembourg atteindra 1,1 million d’habitants en 2060. Les dernières projections publiées par Eurostat au mois de mars prévoient un solde migratoire plus faible, tout en concluant au même scénario d’une population dépassant «le million d’habitants entre 2061 et 2062».

Depuis, cette perspective ne cesse de hanter le débat public. Tandis que la Commission européenne voyait le Luxembourg «bien placé pour relever les défis à long terme», beaucoup estiment qu’il est temps de tirer la sonnette d’alarme. En novembre, François Bausch, ministre du Développement durable et des Infrastructures, parlait quant à lui d’un «débat fantôme», assurant que le million d’habitants n’était pas un but du gouvernement.

Maintenir la cohésion sociale

Or pour ne pas vouloir une chose, encore faut-il prouver qu’on ne la tolère pas. Il suffit en effet, comme Robert Urbé mardi, de jeter un coup d’œil en direction du système des retraites (partant d’une croissance annuelle du taux d’occupation de l’ordre de 3,5 %) pour comprendre que la perspective du million d’habitants semble inéluctable. «Si tel est le plan, alors il faut en discuter», en a conclu Robert Urbé, porte-parole de Caritas Luxembourg, lors de la présentation de l’Almanach social 2017, hier.

Dans sa onzième édition de l’annuaire sur la situation sociale du Luxembourg, l’organisation caritative de l’Église catholique relance le débat sur la croissance et l’avenir du «vivre ensemble» au Luxembourg, comme le souligne dans la préface sa présidente Marie-Josée Jacobs. Parmi les défis qui se posent au Luxembourg, au vu des perspectives développées plus haut, l’ancienne ministre CSV voit avant tout le maintien de la cohésion sociale.

Le Luxembourg se doit de garantir l’intégration et la participation de ceux qu’il accueille, qu’ils soient originaires de la Grande Région ou d’ailleurs, migrants ou demandeurs de protection internationale, a indiqué Marie-Josée Jacobs. Il s’agira avec tout de vigilance et de garantir aux personnes socialement faibles de vivre dans des conditions décentes.

Or, aux yeux de Caritas Luxembourg, il manque environ 30 000 logements sociaux à coût modéré au Luxembourg. Pour remédier à cette situation, il faudrait déjà que le Fonds de logement et la SNHBM (Société nationale des habitations à bon marché) concentrent leurs efforts sur le logement social et que le gouvernement mette en place des programmes spécifiques permettant d’en accélérer la construction, qui devrait avoir lieu sous contrôle et sous peine de sanctions, estime sa présidente, qui exige également un accès plus large aux allocations de loyers.

La réforme fiscale de la coalition au pouvoir a été une «occasion ratée» d’un point de vue social, a estimé Robert Urbé, qui constate des allègements fiscaux pour les revenus faibles, mais surtout moins importants que ceux prévus pour les revenus élevés.

Quant à l’étude Rifkin sur la troisième révolution industrielle, comportant «une grande dimension sociale», on ne s’y attarderait d’aucune manière, note le porte-parole de Caritas, qui regrette également que les objectifs définis dans le cadre de la stratégie Luxembourg 2020 («Plan national pour une croissance intelligente, durable et inclusive») ne suscitent que peu d’intérêt au Grand-Duché, où le revenu d’inclusion social (Revis) appelé à remplacer la revenu minimum garanti (RMG), en dépit de certaines améliorations, ne nous rapprocherait guère de l’objectif défini dans la cadre du semestre européen de trouver du travail pour 6 000 chômeurs.

Parmi les auteurs ayant contribué à la rédaction de l’Almanach social : l’historien Michel Pauly, Charles Margue, directeur du Statec, ou encore Norry Schneider, cofondateur du mouvement Transition Minett.

Frédéric Braun