Lancer une application de contact tracing au Luxembourg va coûter 4,5 millions d’euros. Même si le prix est désormais fixé, aucun parti – à l’exception du CSV – ne veut compléter l’arsenal anti-Covid par cet outil.
Le principe d’une application de traçage est assez basique. Cet outil numérique doit permettre à ses utilisateurs d’être prévenus s’ils ont croisé récemment, à moins d’un mètre et pendant plus de 15 minutes, un autre utilisateur contaminé par le coronavirus. S’en suivraient une quarantaine et l’obligation de passer un test de dépistage pour briser toute chaîne d’infection. En pratique, une telle application, longtemps prisée comme arme majeure pour endiguer la pandémie, bât toujours de l’aile.
Le traçage analogique plus efficace
Au Luxembourg, le gouvernement s’était rapidement opposé à lancer un tel outil. La priorité est encore toujours accordée au traçage analogique, soit la prise de contact par téléphone avec les personnes qui ont fréquenté une personne testée positive. Selon le dernier bilan du ministère de la Santé, près de 1 700 contaminations auprès de résidents ont pu être détectées par le biais du traçage.
Alors que les chercheurs de la taskforce Covid-19 redoutent désormais un deuxième rebond des contaminations (lire ci-dessous), le Premier ministre, Xavier Bettel, et la ministre de la Santé, Paulette Lenert, ont soumis lundi aux députés un premier devis pour lancer une application de traçage au Grand-Duché. Le prix est estimé à 4,5 millions d’euros. L’institut RKI (Robert Koch-Institut), à la base de l’application allemande, a été choisi comme opérateur potentiel. Les élus ont également pu prendre connaissance de quelques détails techniques. Mais le rapport de force n’a pas changé : le gouvernement est largement soutenu pour garder en veille le projet. Seul le CSV mise sur l’application. «Notre position a été claire dès le départ. Le gouvernement doit être prêt à lancer une application si le traçage analogique touche à ses limites. On n’a pas avancé d’un iota», déplore Martine Hansen, cheffe de la fraction chrétienne-sociale.
«Comme demandé par la Chambre, le gouvernement a fait ses devoirs à domicile», rétorque Georges Engel, chef de file du LSAP à la Chambre. «On nous a expliqué que le traçage analogique apporte plus de résultats que les contacts identifiés sur une semaine par l’application allemande», avance-t-il. De plus, «l’enregistrement décentralisé des données empêchera les agents du ministère de la Santé d’identifier les personnes contaminées». «Une autre solution serait possible», estime Martine Hansen.
Le cadre légal fait encore défaut
Sven Clement (Parti pirate), à la base de la motion sur l’application de traçage, n’est également pas convaincu par l’outil. «On fait fausse route si on mise sur des solutions technologiques pour résoudre des problèmes sociologiques», clame le député. Mais même en l’absence d’une application gouvernementale, il faudrait continuer à préparer le terrain. «Un cadre légal fait toujours défaut. Le ministère de la Justice doit agir», insiste Sven Clement. L’arrivée sur le marché d’une application privée pourrait en effet mettre en danger la protection des données.
David Marques
Flop en France, relatif succès en Allemagne
La France a été le premier des pays voisins du Grand-Duché à lancer une application de traçage numérique du Covid-19. L’Allemagne a suivi avant les vacances d’été. En Belgique, une telle application doit être lancée courant septembre.
La semaine écoulée, le Premier ministre français, Jean Castex, a été contraint d’avouer que l’application «StopCovid» «n’a pas obtenu les résultats» espérés dans la lutte contre le coronavirus.
Selon le dernier décompte, l’application «StopCovid» a été téléchargée 2,3 millions de fois et quelque 1 500 personnes ont signalé un diagnostic positif.
En Allemagne, l’application baptisée «Corona-Warn-App» a été téléchargée 17 millions de fois en date du 17 août. Cela représente quelque 20 % de la population allemande. Même si notre voisin allemand est encore loin des 70 %, taux à partir duquel une application numérique constitue un réel apport, l’optimisme reste de mise. Néanmoins, toute une série de problèmes techniques sont venus ternir le succès relatif de l’application allemande. Aucun chiffre précis sur le nombre de signalements de cas positifs n’est ainsi disponible.
D. M. (avec AFP)