La Chambre s’est consacrée mercredi à la sortie de crise avec en toile de fond un chômage en nette hausse. Avec désormais plus 20 000 demandeurs d’emplois, les inégalités sociales risquent encore de se creuser.
Paul Galles (CSV) ne mâche pas ses mots : «Affirmer que la crise sanitaire risque de se transformer en crise sociale est farfelu. Il est un fait que le Luxembourg comptait déjà un grand nombre de personnes vulnérables avant l’arrivée du coronavirus». Ce constat est partagé par une large frange de l’opposition. «Je suis effrayé de voir le nombre de débats menés par la Chambre sur la pauvreté et les inégalités. Mais rien ne se passe», constate ainsi Sven Clement (parti Pirate). Les partis de la majorité étaient, eux, une nouvelle fois moins enclin à admettre le fossé qui existe entre les mieux lotis et les plus pauvres de la société. Mais la ministre de la Famille, Corinne Cahen, a en toute fin de débat au moins fait une concession : «Je ne dis pas que tout est bon. Mais nous faisons de notre mieux pour réduire les inégalités sociales».
Avec 18,3 % de la population qui sont exposés au risque de pauvreté, la situation de départ n’était déjà pas glorieuse. «Même si on ne dispose pas encore de chiffres précis, il est clair que la crise sanitaire renforce la crise existante», tranche Paul Galles. Il salue la décision de doubler l’allocation de vie chère, annoncée en amont du débat à la Chambre, mais réclame une panoplie d’autres mesures afin de démontrer que la crise sociale «soit enfin prise au sérieux».
«Les vannes ne sont pas encore ouvertes»
Hausse des allocations familiales, hausse du Revenu d’inclusion sociale (Revis, ancien RMG), développement d’une stratégie nationale pour lutter contre la pauvreté ou encore un Plan national pour le rétablissement humain font partie des pistes avancés par le CSV. L’ADR est d’accord avec le camp chrétien-social pour réintroduire une allocation d’éducation. «Cela nous ramène à un modèle de famille patriarcal», rétorquent aussi bien Corinne Cahen que la députée verte Djuna Bernard.
Quoi qu’il en soit, il y a urgence pour agir. Quelques heures avant d’ouvrir la séance plénière, la Chambre a enregistré la nouvelle hausse du chômage. Au 30 avril, ils étaient 20 253 résidents luxembourgeois à être inscrits à l’Agence pour le développement de l’emploi. Selon l’Adem, sur un an, cela constitue une hausse de 4 800 personnes, soit de 31,1 %. Le taux de chômage s’établit désormais au Luxembourg à 6,9 %. Pour rappel, avant la crise sanitaire, en janvier, il était stable à 5,5 %. «Il n’y a rien à embellir, d’autant plus que les vannes ne sont pas encore ouvertes en raison du chômage partiel», admet le ministre du Travail, Dan Kersch.
Télétravail : «Un accord ne sera pas gratuit»
La forte baisse du nombre d’emplois vacants, signalés à l’Adem (1 895 postes, -43,2 % sur un an) mais aussi la tendance de proposer des emplois dotés d’un CDD (passage de 86 % de CDI à 31 %) causent également des soucis au ministre. Des nouvelles formes d’initiatives à l’emploi, élargis à tous les profils, sont une piste avancée par Dan Kersch pour amortir au mieux l’impact de la crise sanitaire sur le chômage.
Dans ces conditions, le télétravail ne constitue certainement pas une priorité, mais il peut constituer une partie de la solution pour relancer l’économie. Le CSV et son député Marc Spautz ont été largement rejoints mercredi pour réclamer un cadre légal adapté aux besoins actuels. Les partenaires sociaux sont appelés à agir pour définir des règles tels que le droit à la connexion, les mécanismes de contrôle et la sécurité des données. Un défi majeur sera aussi la négociation d’accords fiscaux avec les pays voisins. «Il ne faut pas se faire d’illusions. Les intérêts ne sont pas les mêmes des deux côtés de la frontière. Un accord ne sera pas gratuit», prévient le ministre.
David Marques