L’eurodéputé libéral Charles Goerens évoque la situation actuelle en Afghanistan avec son œil avisé, mais aussi le changement climatique, tout en indiquant rester un fervent Européen. Tour d’horizon.
Tout d’abord, une question sur la forme : pourquoi cette conférence de presse d’hier à ce moment précis du calendrier politique européen et international?
Charles Goerens : Tout simplement parce que la politique extérieure de l’UE est défiée, surtout en cette fin août, avec la situation en Afghanistan. Le citoyen européen a le droit d’exiger des réponses de la part de ses dirigeants. Qui est responsable, notamment des évacuations? La question doit être : quelle est la capacité d’analyse, de proposition et d’action de l’UE? S’il n’y avait pas de manques, on ne se poserait pas cette question aujourd’hui. Nous sommes en pleine discussion avec la Commission au sujet de la programmation de l’aide publique au développement sur les sept années à venir.
Sur quel point tenez-vous à insister, par rapport à l’urgence incombant à l’UE?
Outre la situation en Afghanistan, l’urgence se situe aussi au niveau du changement climatique. Il faut passer par une « diplomatie diplomatique« pour convaincre les grands acteurs, dont la Chine, pour atteindre la neutralité carbonique. Si cela est une utopie? Je crois que le dernier rapport du Conseil climatique de Bonn a été clair en ce sens : « Si vous voulez crever, continuez comme cela.« Et cela est un problème global, qui concerne aussi la Chine, par ailleurs.
Un pays se développe, mais on ne développe pas un pays (en évoquant l’Afghanistan)
Revenons à l’Afghanistan. Voyez-vous une solution à court ou à moyen terme?
L’occupation permanente (de forces étrangères) n’est pas une perspective pour ce pays; un pays se développe, mais on ne développe pas un pays. Une certaine présence au début d’un processus est certes indispensable, mais au fur et à mesure que le pays est supposé se développer, on se retire. Et le meilleur développement intervient quand on n’a plus besoin d’aide au développement. Ce fut l’estimation d’Hamid Karzai (ancien président de l’Afghanistan) quand je l’ai rencontré en 2004, avec l’ancien ministre de la Défense belge, André Flahaut. Ce qui était cocasse, c’est qu’à droite comme à gauche du bureau de Karzai, se tenaient des officiers américains… On savait donc qui était « la maîtresse de maison« . Et là, le discours était énergique : « Dans cinq ans, il n’y aura plus besoin de personne, on aura plus de problèmes pour nourrir la population. La santé ne sera plus un problème. Les problèmes économiques se résoudront, nous regorgeons de minéraux…« Cela dit, l’Afghanistan est un pays que nous comprenons extrêmement mal et dont on sait très peu de choses, à part le fait que les Soviétiques avaient des intentions à peu près comparables à celles des Américains et de l’OTAN, du moins en ce qui concerne la condition des femmes. Le parallélisme était surtout d’avoir un État plus laïc. Les Soviétiques n’étaient pas là pour amener la démocratie, certes, mais pour apporter des changements sociétaux (…).
Quelle serait la potentielle solution afin d’éviter le pire?
La guerre civile est déjà instaurée… Il faut désormais se focaliser sur la situation spécifique du pays. Les talibans n’ont pas vocation à dominer la région. Les acteurs terroristes ne sont pas talibans. Les récents attentats sont un échec pour eux, car cela montre qu’ils ne sont pas capables d’assurer la sécurité de l’aéroport de Kaboul. Ils ont intérêt à combattre l’EI. Par contre, je ne crois pas un traître mot lorsqu’ils disent qu’ils vont respecter le droit des femmes. La charia fait déjà partie du système judiciaire (…).
L’UE sera certainement présente au niveau de la réponse humanitaire
Quel devra être le rôle de l’UE dans ce cadre?
Elle sera certainement présente au niveau de la réponse humanitaire. Elle répond au principe d’impartialité et l’UE ne donnera pas une fin de non-recevoir. Quant au développement, il faut assurer la sécurité des agents de la coopération sur place, s’engager sur la voie de projets (dans les domaines de la santé, de l’agriculture, du développement rural et des cités, ainsi que du système scolaire ouvert aux femmes), qui peuvent être réalisés en commun. Tout cela sera sujet à négociation. Mais je le répète, je suis certain que l’UE répondra présente!
Entretien réalisé par Claude Damiani