Bien décidés à remettre la question du climat sur la table, les membres du collectif Rise for Climate organisent une marche ce samedi à Luxembourg. Rencontre avec trois d’entre eux.
Après une année 2019 marquée par une mobilisation record en faveur du climat – plusieurs manifestations avaient rassemblé jusqu’à 10 000 personnes dans les rues de la capitale –, la pandémie a stoppé le mouvement dans son élan.
Alors que la jeunesse a relancé ses Fridays for Future sur la place d’Armes en mars dernier, le collectif Rise for Climate lui emboîte le pas, en appelant résidents et frontaliers à participer à une grande «Marche pour le climat et la démocratie citoyenne» ce samedi à Luxembourg.
Pour ne pas perdre cette dynamique enclenchée il y a deux ans, le rendez-vous est fixé à 14 h devant la Chambre des députés, car c’est auprès des politiques que les 12 mouvements citoyens, syndicats et organisations de la société civile impliqués, comptent se faire entendre.
«On s’est sentis méprisés par le gouvernement durant tout le processus d’élaboration du plan climat», lance Magali Paulus, militante de longue date. «Alors qu’impliquer les citoyens sur ce sujet qui nous impacte tous est crucial, on a eu droit à un simulacre de dialogue», estime cette membre du CELL, association œuvrant pour la transition écologique, sociale et économique au Luxembourg.
«Le gouvernement a agi seul»
Pour elle comme pour ses camarades, les quelques initiatives censées fédérer les citoyens autour de contributions au projet – comme la consultation publique menée entre février et mars 2020 qui a permis de récolter les propositions de 328 personnes –, ont davantage relevé de la communication politique que d’une véritable participation citoyenne.12
Une entaille à la démocratie selon eux, en dépit d’une mobilisation sans précédent : «Le gouvernement a agi seul sans vraiment se concerter avec la société civile», regrette Frédéric Krier, membre du bureau exécutif de l’OGBL qui défend l’équité sociale dans la politique climatique.
«Or on constate que laisser les clés à nos élus depuis des décennies n’a permis aucun changement», s’agace Céline Bouillon, membre de Rise for Climate. «Au contraire, la situation a empiré, malgré les mesures, les promesses, les conférences sur le climat, etc.» Pour cette jeune business analyst, seule la mobilisation citoyenne fera bouger les lignes : «Il est temps pour chacun de s’investir un peu plus et de reprendre la main sur ces questions.»
Un plan climat un peu trop allégé
Au-delà du processus d’élaboration qui leur pose problème, le collectif épingle le contenu même du plan climat, un peu trop allégé à son goût, alors qu’une première version «beaucoup plus ambitieuse» avait été rédigée, selon ses informations.
«Si les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre vont dans le bon sens, le plan ne comporte pas de cadre strict et reste flou sur la manière de les atteindre», explique le syndicaliste, qui déplore qu’aucun détail ne soit spécifié sur la politique d’investissement dans les énergies renouvelables ou sur les règlements relatifs à chaque secteur de l’économie.
Le collectif dénonce également le fait qu’aucune règle protégeant la biodiversité n’apparaisse au plan. Quant à la taxe CO2, présentée comme l’instrument phare, les militants craignent qu’elle pénalise les ménages à faible revenu, malgré les compensations annoncées, et doutent sérieusement qu’elle incite au changement de comportement.
Le plan climat a été publiquement porté par les ministres Claude Turmes et Carole Dieschbourg, deux verts, mais pas question de les pointer du doigt : «Il serait injuste de faire porter aux ministres verts toute la responsabilité du manque d’ambition de la politique gouvernementale en matière de climat», estime Magali Paulus, arguant que ce sujet doit être «transverse et non cantonné à un parti».
La pression doit changer de camp
Sa collègue, Céline Bouillon, va plus loin : «Aujourd’hui, on ne devrait même plus discuter d’un projet de loi sans prendre en compte la protection de l’environnement ou l’évolution de la transition. C’est vital.»
Car le collectif en est convaincu : les Luxembourgeois sont prêts. Les militants disent le constater à chacune de leurs actions sur le terrain. «C’est trop facile de ne rien faire en prétextant que les citoyens ne sont pas prêts pour le changement», tacle Magali Paulus. «On leur met la pression, on les culpabilise, mais c’est vers les grandes entreprises, les fonds d’investissement et leurs lobbys, qu’on devrait se tourner!»
Leur espoir de voir la pression climatique changer de camp est aujourd’hui porté, en grande partie, par la nouvelle génération. «Les jeunes sont mieux informés sur ces questions que nous à leur âge», note Céline Bouillon, tout en trouvant «triste qu’ils aient à se mobiliser autant pour que les responsables de la situation commencent à les écouter».
Sans doute de nombreux jeunes rejoindront la Marche qui traversera la capitale ce samedi, de la Chambre des députés jusqu’au Carré à Hollerich, où les participants entameront la cocréation des assemblées climatiques citoyennes (lire ci-contre) qui auront lieu cet automne.
Christelle Brucker
Des assemblées climatiques citoyennes à créer
Initiées en 2019, dans le sillage d’United for Climate Justice, les assemblées climatiques citoyennes sont de nouveau sur les rails : «Il s’agit d’un espace offert aux citoyens pour apprendre, comprendre, commencer à agir ensemble, réfléchir à des actions et établir nos revendications face aux défis environnementaux», détaille Magali Paulus.
Ce samedi après-midi, dans le cadre des Transition Days 2021 qui ont lieu tout le week-end au Carré à Hollerich, le collectif va donc relancer cette réflexion commune en vue d’organiser les prochaines assemblées climatiques citoyennes en automne.
L’échange est au cœur du projet : «De nombreuses organisations différentes et des individus de tous horizons composent notre coalition, c’est donc important d’avoir ce moment d’échange et de débat entre nous pour atteindre nos buts communs», explique Frédéric Krier. «On veut être dans la création, le positif et l’énergie», conclut Magali Paulus.
La cocréation de ces assemblées figure parmi les nombreux ateliers et animations prévus : programme complet sur le site web transitiondays.lu.