La ministre de l’Environnement, Carole Dieschbourg, se rendra à Glasgow pour la COP26 à la fin de ce mois et n’a pas à rougir des efforts du pays pour remplir sa part du contrat. Bien au contraire, ce petit confetti sur l’échiquier mondial montre l’exemple.
Du 31 octobre au 12 novembre se tiendra la COP26 à Glasgow. Tout n’est pas perdu, estime la ministre Carole Dieschbourg qui espère voir conclure les règlements d’application de l’accord de Paris. Il est encore temps de limiter le réchauffement climatique, mais il n’y a plus de temps à perdre.
Quand vous observez le chemin parcouru depuis la COP21 et l’accord de Paris que vous avez signé en avril 2016, vos espoirs ont-ils été déçus? Qu’attendez-vous de la COP26 ?
Carole Dieschbourg : Disons qu’après ce grand élan de 2015, il y a eu des négociations difficiles qui n’ont pas toujours abouti. La COP26 est importante, car son ambition est d’achever le « Paris Rules Book », les règlements d’application de l’accord de Paris qui sont encore ouverts.
Avec Paris, nous avons créé un cadre qui nous permet d’être plus ambitieux sur la durée avec des cycles de cinq ans d’actions climatiques menées par chaque pays. Pour l’Union européenne, il était essentiel d’obtenir l’unanimité concernant le cycle de révision commun quant à l’ambition des contributions déterminées au niveau national (CDN).
L’Union européenne veut être proactive et être le partenaire de tous ceux qui veulent bien en faire autant. Nous avons créé un mandat au niveau européen et il est urgent d’avancer maintenant. Il faut finir la mise en œuvre de l’accord de Paris avec notamment l’article 6 concernant les règles relatives aux marchés du carbone. Nous allons montrer que nous sommes prêts à rehausser le niveau d’ambition.
Comme vous l’avez fait au dernier Conseil des ministres européens de l’Environnement où une solution de compromis a été trouvée pour revoir les ambitions de chaque pays tous les cinq ans ?
Je me suis déjà battue à Paris à l’époque pour ce cycle de révision et je continue aujourd’hui. Si on se réfère au rapport du GIEC, on voit l’urgence d’agir et de réajuster nos objectifs. Le rapport nous dit qu’on peut atteindre les 1,5 °C de limite au réchauffement climatique en relevant nos ambitions.
En 2014, on avait décidé d’avoir 40 % de réduction de CO2 et six ans plus tard, on décide de passer à 55 %, car des technologies nouvelles nous le permettent, l’urgence nous l’impose et le tout est bénéfique pour nos économies. Relever nos ambitions à chaque cycle, c’est aussi redonner de l’espoir aux jeunes qui attendent de nous que nous fassions cet exercice.
Or l’Union européenne a des cycles de travail de dix ans, mais on peut au fur et à mesure remonter nos ambitions grâce aussi à la science. Il faut être honnête, se dire que c’est faisable et que ce n’est pas une illusion.
En fin de compte, une solution de compromis a été trouvée qui stipule la préférence européenne pour un cycle de révision quinquennal des CDN, en conformité avec la loi européenne sur le climat.
Quand vous dites que c’est bénéfique pour nos économies, vous pensez essentiellement aux emplois verts ?
Oui, c’est bien pour les emplois verts, mais aussi pour la compétitivité de l’Union européenne. On voit bien au niveau de l’électromobilité que si on crée un cadre qui encourage l’innovation, on crée des emplois et que si on ne le fait pas on perd du poids et de l’autonomie au niveau industriel.
Vendredi, près d’un millier de manifestants polonais ont investi les rues du Kirchberg pour protester devant les bâtiments de la Cour de justice de l’Union européenne, puis devant l’ambassade tchèque contre la fermeture de la mine de charbon de Turow en Pologne. Qu’avez-vous envie de leur dire ?
Qu’il est important de développer des cycles de transition avec des emplois durables et, encore une fois, si l’on veut rester compétitifs en Europe, il faut créer des opportunités au niveau des industries qui sont propres. Avec Franz Fayot et Claude Turmes, nous faisons une étude sur la transition de nos industries pour, justement, garantir d’autres emplois, donc assurer aussi des formations.
Avec la digitalisation, le monde du travail change radicalement. Le changement climatique nous force à créer de nouveaux emplois verts dans tous les domaines, sans oublier celui de l’économie circulaire, un point fort de notre stratégie.
Dans certaines régions, comme celle qui abrite la mine de charbon incriminée en Pologne, il faut décrire cette transition et veiller à ce que les gens puissent trouver un nouveau travail. Nous travaillons à la création d’un fonds climat européen pour soutenir cette transition.
Comment imaginez-vous concrètement cette transition, pour quels métiers du futur précisément ?
Si on travaille dans les renouvelables, on a des emplois régionaux pour l’entretien des installations photovoltaïques, si on parle d’économie circulaire, il y a des métiers à créer pour tout ce qui concerne les consignes. Les exemples sont nombreux.
Dans le secteur du bâtiment, il y a aussi des scénarios qui vont dans le sens de plus de circularité. Au Luxembourg, nous avons élaboré les objectifs de réduction d’émissions par secteur justement pour créer des scénarios avec des opportunités à saisir dans la transition qui garantissent la durabilité des emplois.
On peut au fur et à mesure élever nos ambitions grâce aussi à la science. Il faut être honnête, se dire que c’est faisable et que ce n’est pas une illusion
C’est un travail qu’il faut réaliser en collaboration avec l’ensemble des ministères. Vous savez, la transition vers des énergies propres va arriver de toute manière, donc il est clair que ces mines de charbon comme en Pologne vont devoir cesser d’exister.
Ce n’est pas une question de volonté politique, mais une question d’un futur vivable. On voit déjà maintenant des phénomènes météorologiques extrêmes, entre sécheresses, incendies et inondations.
Justement, les députés ont débattu très récemment de la réduction des risques d’inondation lors d’un débat à la Chambre et le rôle des communes a été particulièrement souligné pour reverdir les localités, construire plus haut et bannir les jardins minéraux, pour ne citer que quelques exemples. Sont-elles suffisamment engagées ?
J’avais essayé de faire le point sur tous les outils dont nous disposons pour lutter contre ces risques. Concernant ces fameux jardins de pierres, le ministère a donné des recommandations pour changer les règlements des bâtisses dans le cadre du pacte nature.
Nous encourageons à travers des points et des récompenses une autre urbanisation qui prenne en compte le potentiel des surfaces vertes qui peuvent absorber les eaux pluviales et offrir aussi plus de convivialité pour les habitants. Les communes sont des acteurs majeurs et c’est avec elles qu’il faut discuter de l’opportunité de construire en hauteur.
Là aussi, nous n’aurons pas le choix. Ensuite, il faut voir la manière de construire. Je pense à des toits verts qui ont des capacités absorbantes également ou à une gestion ouverte de l’eau avec des bassins de rétention.
Nous étudions depuis l’an dernier la possibilité de créer des zones de rétention d’eau sur les 17 cours d’eau qui figurent sur notre carte de risques d’inondation. Ces zones protégeraient mieux les localités. L’étude sera prête l’an prochain. Notre plan de gestion des risques d’inondation comporte aussi des mesures de renaturation.
Est-ce suffisant pour lutter contre les phénomènes météorologiques extrêmes ?
On a introduit dans les cartes d’inondation les cartes sur les événements extrêmes et le Luxembourg est pionnier à ce niveau. Nous sommes le premier pays à avoir mené une étude et des simulations sur les pluies extrêmes. Maintenant, on regarde commune par commune où il faut donner plus de place aux cours d’eau. Pour l’heure, 22 communes ont montré un intérêt à affiner leurs études.
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En 2017, nous avons relevé le cofinancement des études à 100 % et celui des mesures anticrues à 90 %. Il y a beaucoup de possibilités d’agir pour les communes, qui disposent d’une solide boîte à outils que nous leur proposons pour contribuer à lutter contre les risques d’inondation.
Le Luxembourg a des choses à montrer, comme le prouve la première « KlimaExpo » organisée il y a deux semaines par votre ministère. Une répétition générale avant la COP26 ?
C’était le premier salon national dédié aux acteurs et aux solutions de la cause climatique, en préambule à la COP26. Un lieu de découverte, mais surtout d’échanges pour tout le monde sur le thème du réchauffement climatique.
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Le Luxembourg est prêt à montrer à Glasgow le chemin qu’il a parcouru. Le Premier ministre, Xavier Bettel, viendra pour l’ouverture et parlera des efforts réalisés par le Grand-Duché, de la gratuité des transports publics à la place de leader des fonds d’investissement durables.
À la veille de cette COP26, la France et neuf autres pays européens plaident pour le nucléaire et souhaitent remettre l’atome en avant dans le bouquet énergétique tout en défendant sa place parmi les énergies vertes. L’idée des miniréacteurs nucléaires, c’est une autre avancée technologique. C’est le sujet qui fâche ?
Ce n’est pas un sujet qui fâche, il faut au contraire en parler en toute transparence avec les gens qui ne doivent pas se faire d’illusions. Nous n’avons toujours pas de solution pour les déchets et cela ne va pas dans le sens de plus d’autonomie, puisque nous avons besoin d’uranium. De plus, ce n’est pas une avancée scientifique éprouvée.
Jeudi dernier, Xavier Bettel a été très clair et a réaffirmé notre opposition à l’énergie nucléaire, car elle ne va pas résoudre nos problèmes. La seule voie pour nous reste les énergies renouvelables, surtout si l’on observe la durée du déploiement. Eu égard à l’urgence climatique, des technologies sont déjà disponibles qui ne posent pas le problème des déchets et des risques.
L’énergie nucléaire demeure également la plus chère, car on ignore encore les coûts que va engendrer la gestion des déchets. Construire une centrale nucléaire, ça prend plus de dix ans, ça coûte une fortune, alors que l’on pourrait utiliser cet argent pour aller vers plus d’efficience et de sobriété énergétiques. Non vraiment, le nucléaire, c’est trop lent, trop cher et ça comporte encore trop d’inconnues. Là, il faut avancer vite. C’est dommage qu’il existe au sein de l’UE une volonté de relancer le nucléaire. Sécurisons déjà les centrales existantes.
Entretien réalisé par Geneviève Montaigu
La COP 26 est une foire où les idées les plus saugrenues et les plus folles vont voler dans tous les sens.
N’oublions jamais que le CO2 est le gaz de la vie et n’a quasiment aucun effet sur le climat de la planète bleue?