Alors que le stock national est épuisé depuis mars, forçant les patients à se tourner vers des médicaments aux lourds effets secondaires, le gouvernement annonce que 28 kg de cannabis médical seront disponibles fin septembre : une quantité bien en deçà des besoins.
Se fournir en cannabis médical n’est pas si facile, même pour un gouvernement. Ce mardi, la ministre de la Santé, Paulette Lenert, a indiqué que le Luxembourg qui cherchait un nouveau fournisseur en vain depuis des mois, s’approvisionnerait désormais en Allemagne, auprès de la société Tilray, leader sur ce marché. Première livraison attendue fin septembre, pour une commande atteignant trois millions d’euros, soit environ 28 kg de produit.
Une quantité bien insuffisante pour combler les besoins des patients jusqu’à la fin de l’année, selon le député Sven Clement (pirates) qui fait remarquer dans un communiqué que «70 kg de cannabis médical ont été prescrits rien que pour les quatre premiers mois de cette année». Il dénonce une mauvaise gestion du stock national, épuisé depuis le mois de mars, au grand dam des 630 patients bénéficiaires.
Une situation critique qui a tendance à se répéter depuis l’autorisation du cannabis médical il y a deux ans, forçant les 240 médecins du pays autorisés à en prescrire à composer avec le risque de rupture de stock. En cause : des procédures longues et complexes pour se faire livrer puisque le produit est considéré comme un stupéfiant, mais aussi un cahier des charges bien précis qui n’est pas à la portée de n’importe quel fournisseur, des délais rallongés par la pandémie de covid et l’augmentation des patients qui bénéficient de ce traitement.
Mais pas seulement. La ministre de la Santé a aussi reconnu que les stocks commandés à l’automne 2020 n’avaient pas permis de couvrir les besoins jusqu’au mois d’avril suivant comme prévu, un pic de consommation ayant été observé au mois de novembre 2020.
Car les effets positifs du cannabis médical pour les patients sont nombreux, d’après une première enquête des autorités : en inhalation ou en infusion, les fleurs séchées de cannabis permettent à la plupart d’entre eux de réduire, voire d’arrêter complètement des traitements antalgiques lourds, des médicaments à base de benzodiazépines, des antiémétiques ou encore des antidépresseurs.
Bientôt une production locale?
L’écrasante majorité des patients (92 %) en consomme pour atténuer des douleurs chroniques dues à une maladie grave, en phase avancée ou terminale. Les 8 % restants souffrant de sclérose en plaques ou étant en chimiothérapie pour un cancer.
Pour Sven Clement, qui a interrogé Paulette Lenert sur le sujet, il est «inacceptable» qu’ils soient privés si longtemps de ce produit naturel qui les soulage efficacement. «Ces personnes attendent depuis six mois de pouvoir enfin reprendre leur traitement. Elles ont dû recourir à des antidouleurs aux effets secondaires parfois graves», déplore-t-il. «Pourquoi n’a-t-on pas commandé de plus grandes quantités? La commande a-t-elle été passée trop tard ou le ministère souhaite-t-il économiser de l’argent?»
C’est pourquoi les pirates réclament une nouvelle commande immédiate de la part du ministère afin de garantir à chaque patient la poursuite sereine de son traitement, sans nouvelle interruption, et pour éviter le principe du «premier arrivé, premier servi» dans les pharmacies.
Le sujet sera de nouveau d’actualité ces prochaines semaines puisque l’évaluation de la phase pilote de l’autorisation du cannabis à des fins thérapeutiques est attendue cet automne après avoir été repoussée à cause de la crise sanitaire. Quant à l’idée d’instaurer une production locale pour couvrir les besoins du pays et éviter toute rupture de stock à l’avenir, la ministre n’y est pas hermétique : elle indiquait encore récemment que des réflexions étaient en cours.
Christelle Brucker