Des représentants canadiens de l’Agence pour le choix du consommateur sont venus à Luxembourg pour aider les décideurs politiques à faire les bons choix en matière de légalisation du cannabis.
Membres de la direction de l’ONG Consumer Choice Center (l’Agence pour le choix du consommateur, ou CCC), David Clement et Yaël Ossowski sont venus plaider pour une politique réglementaire intelligente en matière de légalisation du cannabis récréatif. Guidés par le porte-parole de l’organisation, le Luxembourgeois Bill Wirtz, les deux Canadiens vont aller à la rencontre des décideurs politiques pour les mettre en garde «contre certaines erreurs à ne pas commettre».
À la veille d’un voyage au Canada du ministre de la Santé, Étienne Schneider, le CCC rappelle que son premier objectif est «d’étouffer le marché noir», et qu’il ne sera pas atteint au Canada au vu des taxes trop élevées que le pays a choisi d’appliquer sur le cannabis. «Entre 30 et 40% des consommateurs se tournent vers le marché noir, car les prix y sont plus attractifs», témoigne David Clement.
Il paraît donc capital pour les activistes du CCC, comme ils se définissent, d’appliquer une taxe très modérée sur les produits pour éradiquer le marché parallèle. Dans certaines provinces canadiennes, ces taxes cumulées peuvent s’élever à 30%, ce qui décourage les consommateurs de se fournir légalement. Aux États- Unis, l’Alaska n’impose pas de TVA et la Californie reste modérée avec 15% de TVA sur le cannabis. Certes, le Colorado avec ses 30% de taxe a engrangé 245 millions de dollars de recettes fiscales, «mais elles ne devraient pas être le seul objectif de la légalisation du cannabis», insiste David Clement.
Contre le « paquet neutre »
Autre recommandation : autoriser la consommation sur la voie publique partout où le tabac est également toléré, contrairement à ce qu’a décidé l’État du Colorado et l’État de Washington où la consommation publique demeure illégale. Pourquoi ? Parce que les personnes à plus faibles revenus sont souvent locataires et les propriétaires leur interdisent souvent de fumer dans les logements. Les deux représentants canadiens se targuent d’avoir réussi «grâce à (leur) action» à faire changer d’avis le gouvernement de l’Ontario sur ce sujet.
«Malheureusement, l’absence de salons de consommation de cannabis est une occasion manquée de l’exemple canadien», estime le CCC alors qu’ils présentent plusieurs avantages : on peut y contrôler l’âge légal des consommateurs et ils permettent de fumer dans un lieu protégé, évitant ainsi aux gens d’être gênés par les volutes dans les lieux publics.
La vente aux non-résidents reste un point très discuté quand on évoque la légalisation du cannabis récréatif puisqu’il s’agit d’éviter un trafic transfrontalier. Là encore, une telle clause de résidence profite au marché noir.
Autre erreur figurant sur la liste du CCC, celle qui consiste à restreindre voire interdire le marketing pour le cannabis et le Canada l’a commise en préférant le «paquet neutre». «Nous voulons que les consommateurs prennent des décisions éclairées lorsqu’ils achètent une substance intoxicante comme le cannabis», défend le CCC. De plus, un paquet neutre permet aux criminels «de faire passer plus facilement leur produit pour un produit légal», et ainsi de brouiller les pistes. Mettre une marque sur un emballage, c’est éviter la contrefaçon et fidéliser le client si le produit est bon.
Simplifier la production
Enfin la production, c’est l’autre gros morceau de la future législation qui est très attendue. «Un bon régime réglementaire garantit que l’offre peut suivre le rythme de la demande, ce qui est vital pour détourner le consommateur du marché illégal», souligne le CCC. Cela signifie qu’il faut éviter les lourdeurs administratives et la réglementation très restrictive d’un pays comme le Canada. Les règlements de sécurité et la masse de formalités sont tels qu’ils ont découragé certains candidats de se lancer dans la culture du cannabis. «Au Québec, les magasins publics de cannabis ont dû fermer du lundi au mercredi en raison de pénuries d’approvisionnement et donc 35% des consommateurs sont restés fidèles au marché noir», indique le CCC.
Les coûts de construction des installations qui doivent respecter les exigences strictes établies par le législateur canadien empêchent un plus grand nombre de producteurs d’être sur le marché. Le CCC préconise un processus simplifié, mais encore il devrait être possible de s’approvisionner auprès de fournisseurs d’autres pays qui ont déjà une réglementation sur le cannabis.
«Si la légalisation est exécutée avec tiédeur et s’écarte de ces recommandations, nous craignons que des options illégales demeurent», conclut le CCC. Mais en les suivant, «les États peuvent s’assurer un marché du cannabis favorisant à la fois le choix et la sécurité des consommateurs».
Geneviève Montaigu