Selon l’avocat général de la CJUE, un bel-enfant d’un travailleur frontalier peut réclamer des avantages sociaux tels qu’une bourse dans le pays où son beau-parent travaille.
Depuis 2013, les enfants de travailleurs frontaliers ont droit, au même titre que les enfants résidents, à percevoir une bourse d’études, sous certaines conditions. Mais la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) n’a pas fini de s’interroger sur certains cas. Est-ce que le bel-enfant d’un travailleur frontalier peut réclamer des avantages sociaux tels qu’une bourse d’études dans le pays où son beau-parent travaille ? Telle est la question qui est posée à la Cour de justice et pour laquelle l’avocat général Melchior Wathelet a donné lecture de ses conclusions, jeudi matin. «L’avocat général a répondu que les familles recomposées ont des droits. Ici les enfants de travailleurs frontaliers ont le droit à des bourses d’études, même si le travailleur frontalier n’est pas le parent, mais le beau-parent», résume Gilles Despeux, attaché de presse à la CJUE.
À l’origine de la question préjudicielle se trouvent les dossiers de trois étudiants vivant chacun dans une famille recomposée constituée respectivement de leur mère génétique, qui ne travaille au Luxembourg, et de leur beau-père qui y travaille de manière ininterrompue depuis plus de cinq ans. Les autorités luxembourgeoises ont refusé de faire droit à leur demande de bourse d’études pour l’année académique 2013/2014 au motif que les étudiants n’étaient pas juridiquement les «enfants» d’un travailleur frontalier, mais uniquement des «beaux-enfants».
Les trois étudiants ont fait un recours au tribunal administratif. Déboutés en première instance, ils ont donc fait appel. La Cour administrative d’appel a finalement décidé de saisir le 22 juillet 2015 la Cour de justice de l’Union européenne en lui demandant si, en matière d’avantage social, la notion «d’enfant» doit également inclure les beaux-parents. Il s’agit de déterminer si le lien de filiation peut être envisagé d’un point de vue non juridique, mais économique.
L’arrêt de la Cour attendu à l’automne
Dans ses conclusions, l’avocat général se base sur plusieurs directives européennes. Il rappelle ainsi, qu’en matière de citoyenneté de l’Union, les enfants sont définis comme «les descendants directs qui sont âgés de moins de vingt et un ans ou qui sont à charge, et les descendants directs du conjoint ou du partenaire». L’avocat général ne voit aucune raison de ne pas appliquer cette définition en matière d’avantage social.
Quant à la question de savoir quand est-ce que le travailleur frontalier contribue à l’entretien de l’étudiant, l’avocat général rappelle que c’est une « situation de fait ?». La contribution peut être démontrée par des éléments objectifs comme le mariage, un partenariat enregistré ou bien encore un domicile commun et ce sans qu’il soit nécessaire de déterminer les raisons du recours à ce soutien ni d’en chiffrer l’ampleur de façon précise.
À noter que le 24 juillet 2014, le Luxembourg a modifié la loi en cause en prévoyant expressément que les enfants de travailleurs frontaliers peuvent bénéficier de bourses d’étude à condition que le travailleur continue à contribuer à l’entretien de l’étudiant. La loi luxembourgeoise ne définit cependant toujours pas expressément ce qu’il convient d’entendre par «enfant». Or, comme le soulève l’attaché de presse de la CJUE «la question préjudicielle pose de manière plus générale la question du droit des familles recomposées aux avantages sociaux transfrontaliers».
Pour rappel, l’avocat général ne propose qu’une solution juridique à la Cour. L’arrêt de cette dernière sera rendu à l’automne. «On attend la conclusion définitive. Mais en tout cas, les conclusions de l’avocat général vont totalement dans le sens des arguments qu’on avait développés», a indiqué Me Natacha Stella en remplacement de Me Pascal Peuvrel avocat de l’un des trois familles à la sortie de l’audience. Georges Gondon, président du groupement européen d’intérêt économique (GEIE) Frontaliers européens au Luxembourg, quant à lui, a soulevé : «C’est un dossier étique dans le sens où aujourd’hui au niveau de la société on a de plus en plus de familles recomposées.»
Fabienne Armborst