L’objectif principal de la réforme de 2016, une baisse du prix des courses, n’a pas encore été atteint. Même si le secteur se défend, le ministre François Bausch s’apprête à lancer une nouvelle offensive.
Prendre un taxi au Luxembourg n’est pas donné. Très rapidement, le compteur peut exploser la barre des 50 euros. Selon des chiffres cités en août par nos confrères de la radio 100,7, le prix au kilomètre de deux des principaux opérateurs a fortement augmenté depuis l’entrée en vigueur de la réforme de 2016. À Webtaxi (quelque 160 licences), le km est facturé 2,8 euros (+12 %). Colux (quelque 100 licences) a, lui, augmenté le prix du km de 23 % pour atteindre 4,06 euros.
Le constat est sans appel : le principal objectif de la libéralisation des tarifs n’a pas été atteint, un fait que le ministre de la Mobilité, François Bausch, déplore fortement. Le secteur continue, lui, de se défendre. «Le ministre exagère. Notre mission est de gérer nos sociétés en bon père de famille. Les coûts que nous avons à supporter en raison des conditions imposées par le ministère justifient nos tarifs», fait remarquer Olivier Gallé, patron de Colux et président de l’Alliance luxembourgeoise des taxis, voitures de location et ambulances (Altva). L’association patronale estime que le ministère devrait subventionner davantage le secteur. «Nous nous devons d’être toujours disponibles, mais nous ne bénéficions pas vraiment d’aides publiques. On est présent si une personne n’a pas d’autre possibilité pour rentrer chez elle. Pourquoi ne pas envisager un tarif subventionné qui permettrait aux jeunes de moins de 25 ans ou aux plus de 60 ans de bénéficier d’un prix réduit», lance Olivier Gallé.
Révision des zones, licences libéralisées
Le ministre de tutelle constate toutefois que «le secteur est resté aussi conservateur que par le passé. Il avait sept ans pour changer de politique. Je leur ai laissé une chance. Désormais, il est temps d’enfoncer le clou.» Interrogé par nos soins, François Bausch confirme que sa révision de la réforme est sur le point d’être finalisée : «Je compte rapidement soumettre le projet au Conseil de gouvernement.» Selon les derniers échos obtenus du ministère, le texte devrait être finalisé courant octobre. «La pandémie a quelque peu freiné les travaux», admet le ministre.
Partant du constat que le secteur «manque de force d’innovation», François Bausch vise «à stimuler» les exploitants de taxis pour «trouver des solutions». Les principaux leviers seront une refonte des zones d’exploitation et la libéralisation complète des licences. En même temps, les voitures de location avec chauffeur doivent être réglementées.
Jusqu’à présent, le pays est divisé en six zones dans lesquelles des licences sont attribuées. La plus prisée est la zone 1 (canton de Luxembourg, maximum de 290 licences). Suivent la zone 2 (Capellen et Esch, 140 licences), la zone 3 (Mersch et Redange), la zone 4 (Echternach, Grevenmacher et Remich, 25 licences), la zone 5 (Diekirch et Wiltz, 50 licences) et la zone 6 (Clervaux et Vianden, 15 licences). La réflexion initiale consistait à fusionner les zones 5 et 6. «Une remise en question généralisée des zones est en cours», annonce désormais le ministre de la Mobilité. Il faudra attendre la version finale du texte de révision pour savoir si une «révolution» attend le secteur.
Une autre décision est déjà actée. Le nombre de licences que le ministère pourra attribuer ne sera plus plafonné. «Cela ne fait plus de sens», estime François Bausch. À l’échelle de l’Union européenne, il est envisagé de s’engager sur la même voie. «Une directive de la Commission européenne pourrait venir interdire tout plafonnement», indique Jean-Paul Maas, chef du service «Taxis» au ministère de la Mobilité.
Il est également prévu de revoir l’affichage du prix des courses. Au lieu d’indiquer le prix pour 10 km sur la vitre du taxi, le tarif par kilomètre pourrait à l’avenir servir d’orientation au client.
Un risque de désertification ?
Sur le terrain, on reste dans l’expectative. «Notre souhait serait de rester dans une certaine continuité. La réforme de 2016 a permis d’assainir le secteur. Aujourd’hui, les nouvelles règlementations sont bien assimilées. Le bon équilibre doit être trouvé», affirme Olivier Gallé. La révision de la réforme aurait été évoquée avec les représentants du ministère. «Mais les détails font encore défaut. J’espère qu’on restera engagé sur le bon chemin», poursuit le président de l’Altva.
Se pose une question à ce stade : une révision des zones et une libéralisation des licences ne risquent-elle pas de mener à une «désertification» des taxis, tous orientés vers les agglomérations? «L’exemple de l’Islande et de la Finlande démontre que cette désertification n’a pas eu lieu. Les taxis ont pris conscience du potentiel qui existe dans les zones rurales», note Jean-Paul Maas.
David Marques
Réforme des voitures de location avec chauffeur : porte ouverte pour l’arrivée d’Uber ?
Jusqu’à présent, Uber, la plateforme numérique de location de voitures avec chauffeur, n’a pas encore réussi à mettre un pied au Luxembourg. Les responsables politiques ont toujours insisté pour que les chauffeurs potentiels respectent les règles du code du travail et du code de la sécurité sociale. Autrement dit : des charges patronales doivent être versées et l’affiliation du chauffeur à la sécurité sociale est obligatoire. Avec la réforme du cadre légal régissant les voitures de location avec chauffeur (VLC) au Luxembourg, «une porte peut s’ouvrir pour Uber, à condition qu’il respecte les règles».
La priorité du ministre de la Mobilité, François Bausch, n’est cependant pas d’attirer Uber, mais bien de soumettre l’ensemble des services de taxi à une seule réglementation. Pour résumer en quelques mots, il est envisagé de mieux protéger les clients mais aussi les chauffeurs des quelque 400 VLC circulant au Luxembourg. Ils vont être dotés de licences. «Les VLC ne doivent cependant pas venir faire concurrence aux taxis, insiste Olivier Gallé, le président de l’Alliance luxembourgeoise des taxis, voitures de location et chauffeurs (Altva). Cela doit rester un service VIP où un client est transporté à plusieurs étapes.» Les taxis ambulances vont aussi tomber sous le coup de cette nouvelle réglementation.
Le texte prévoit que les VLC, qui dans certaines localités du pays proposent des services de taxi à prix forfaitaire, n’auront plus le droit de porter des autocollants ou sigles comprenant le mot «taxi». En même temps, la situation des exploitants doit être régulée.
501 licences attribuées
Au 31 décembre dernier, le service «taxis» du ministère de la Mobilité avait attribué 501 licences d’exploitation, dont 438 licences ordinaires et
63 licences zéro émission. Le plafond est actuellement plafonné à 550 licences ordinaires et 80 licences vertes.
La répartition par zone géographique est la suivante :
Zone 1 330 (280 + 50)
Zone 2 101 (94+7)
Zone 3 19 (16+3)
Zone 4 11 (9+2)
Zone 5 36 (35+1)
Zone 6 4 (4+0)