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Avec «OpenLux», le Luxembourg de nouveau taxé de paradis fiscal


Déi Lénk (la Gauche) est le seul parti à dénoncer dans un communiqué «le rôle important» que joue le Luxembourg dans l'évasion fiscale, même s'il n'est pas «le seul» à la faciliter. (archives Fabrizio Pizzolante)

Rien de bien nouveau, sinon que rien ne change, d’un scandale à l’autre. Le Luxembourg, en dépit de ses efforts, est toujours montré du doigt.

Le registre des bénéficiaires effectifs des entreprises immatriculées au Luxembourg a servi de base à une enquête d’un consortium journalistique qui dénonce encore un paradis fiscal.

«Les personnes fortunées du monde entier utilisent des montages financiers sophistiqués pour échapper à l’impôt et la place financière luxembourgeoise, à l’instar de celles d’autre pays européens, leur offre une plateforme sur mesure à cette fin.» De tous les partis politiques représentés à la Chambre des députés, déi Lénk (la Gauche) est le seul à dénoncer dans un communiqué «le rôle important» que joue le Luxembourg dans l’évasion fiscale, même s’il n’est pas «le seul» à la faciliter.

Les pirates aussi prennent l’enquête du consortium de journalistes très au sérieux et Sven Clement indique qu’il ne suffit pas seulement de documenter les divers registres, encore faut-il se donner les moyens d’opérer un contrôle efficace des informations fournies. Pour déi Lénk, tous les éléments révélés dans «OpenLux» pointant «vers des comportements illégaux ou des manquements dans la lutte anti-blanchiment doivent être rigoureusement analysés et redressés».

Depuis lundi matin, les réactions se succèdent à la suite de la publication par un consortium de 17 médias internationaux d’une enquête nommée «OpenLux», menée sur les sociétés établies au Luxembourg en se basant sur le registre des bénéficiaires effectifs (RBE) et le Registre de commerce et des sociétés (RCS). Pas de surprise pour le gouvernement averti de la sortie de cette nouvelle attaque contre la place financière, si bien qu’il s’est octroyé le nom de code de l’enquête pour créer un site renvoyant directement au communiqué officiel démentant les accusations de paradis fiscal avant même la parution de l’enquête dans la presse lundi matin.

Les députés étaient conviés lundi matin en commissions jointes Justice et Finances par visioconférence sans qu’un ordre du jour ne soit publié. Les ministres Pierre Gramegna et SamTanson ont déclaré face aux députés que le Grand-Duché est «pleinement conforme» avec toutes les réglementations européennes et internationales en matière de fiscalité, de transparence, de lutte contre le blanchiment et du financement de terrorisme. Mieux encore, le gouvernement a décidé d’ouvrir les registres au grand public, alors qu’en France, par exemple, comme dans d’autres pays, ce registre des bénéficiaires effectifs n’est pas publié.

19 000 dossiers au parquet

Selon le gouvernement, au 31 décembre 2020, 90% des sociétés avaient indiqué leurs bénéficiaires effectifs, les autres viennent de recevoir un courrier du parquet les appelant à fournir les informations requises. Quelque 4 000 demandes de ne pas publier les bénéficiaires effectifs ont été introduites, la plupart ont été refusées. Le recours sur 300 demandes est encore en cours, puisque la Cour de justice de l’Union européenne est saisie d’un renvoi préjudiciel.

Selon l’enquête «OpenLux», le registre des bénéficiaires effectifs ne répertorie de véritables bénéficiaires que pour 52% des sociétés, fonds d’investissement et fondations. Près de 68 000 entités n’ont aucun propriétaire identifiable à ce jour. Parmi elles, quelque 26 000 sociétés ont tout simplement failli à leurs obligations de déclaration.

Selon Le Monde, qui a participé à l’enquête, le Luxembourg Business Register (LBR), l’organisme public qui gère le registre, assure avoir déjà transmis, en janvier2020, le dossier de 18 966 d’entre elles au parquet. OpenLux «montre comment les grandes entreprises et les milliardaires profitent des paradis fiscaux pour échapper à l’impôt. Le vrai scandale est que cela se produit en Europe», a réagi l’ONG Oxfam.

Geneviève Montaigu

L’enquête en quelques chiffres

⇨ Près de la moitié des 140 000 sociétés enregistrées dans le pays sont de pures holdings financières, sans ancrage dans l’économie locale.
⇨ 90 % des sociétés immatriculées sont détenues (*) par des non-résidents, 33 % sont des sociétés de participation ou holdings dans lesquelles sont logés des actifs, a priori pour bénéficier d’un régime fiscal favorable.
⇨ Sur l’exercice 2018-2019, 6 500 milliards d’euros d’actifs auraient été placés au Luxembourg dans ces sociétés offshore.
⇨ OpenLux révèle que des fonds douteux, suspectés de provenir d’activités criminelles ou liés à des criminels visés par des enquêtes judiciaires, ont été dissimulés au Luxembourg. C’est le cas de sociétés liées à la mafia italienne, la ‘Ndrangheta, et à la pègre russe.
⇨ Ce sont les Français qui possèdent le plus de sociétés au Luxembourg. Ils y ont logé plus de 100 milliards d’euros d’actifs.
⇨ Une quarantaine de familles parmi les plus riches de France mettent leur patrimoine à l’abri au Grand-Duché.
⇨ Dans le détail, OpenLux identifie plus de 157 nationalités à la tête des sociétés identifiées basées au Luxembourg. La Belgique dépasserait les 10 000 actionnaires ou coactionnaires d’entreprise.
⇨ Selon l’enquête, dans un même immeuble, au 6 rue Eugène-Ruppert, plus de 1 804 entreprises différentes sont enregistrées.
⇨Parmi les 2 000 milliardaires répertoriés par le magazine Forbes, Le Monde a retrouvé les traces d’au moins 279 d’entre eux à la tête d’entités luxembourgeoises. Le registre des bénéficiaires effectifs des entreprises immatriculées au Luxembourg a servi de base à une enquête d’un consortium journalistique qui dénonce encore un paradis fiscal.

* Le registre des bénéficiaires effectifs retient en premier lieu celui qui a effectivement le contrôle d’une société, en deuxième lieu celui qui détient plus de 25% des participations. Si ces deux conditions ne trouvent pas de réponse, c’est le dirigeant de la société qui est retenu.

«J’aime bien le nom OpenLux»

Les réactions des élus écologistes ne vont pas toutes dans la même direction. La cheffe de la fraction déi gréng à la Chambre des députés, Josée Lorsché, n’a pas apprécié le ton de l’eurodéputé écolo allemand Sven Giegold, qui qualifiait de «fake news» le démenti des autorités luxembourgeoises à la suite de l’enquête du consortium. Josée Lorsché rappelle que la Chambre des députés ne fait que voter des lois qui encadrent l’activité de la place financière et luttent contre le blanchiment et le terrorisme.

Au Parlement européen, Tilly Metz, la représentante de déi gréng, s’est elle aussi sentie «blessée», d’autant que le Luxembourg «est un des premiers pays à avoir mis en place le registre des bénéficiaires effectifs et à l’avoir rendu public», dit-elle. Elle rappelle que l’enquête n’a rien à voir avec les LuxLeaks, dans la mesure où les journalistes ont pu avoir accès en toute transparence aux informations. «J’aime bien le nom OpenLux, cela prouve que l’on est ouverts et transparents», ajoute Tilly Metz. Cela étant, elle estime que les critiques doivent être analysées et que le registre doit être «amélioré». Elle souligne que la Commission de surveillance du secteur financier emploie près d’un millier de personnes et que les contrôles doivent être renforcés. «Je suis blessée par ce bashing alors que nous avons cet instrument du RBE qui a instauré plus de transparence et j’aurais aimé que l’on mène la même enquête dans d’autres pays», conclut-elle.

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