Le commissaire européen à la Justice, Didier Reynders, a évoqué, lundi, devant les députés des pistes pour améliorer l’État de droit dans le pays.
C’est bien, mais peut mieux faire. Cela pourrait être la remarque inscrite par Didier Reynders sur le bulletin du Grand-Duché. Lundi, le commissaire européen à la Justice a eu un échange avec les députés membres de la commission des Institutions et de la Révision constitutionnelle, du Bureau, de la délégation luxembourgeoise auprès de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (CE), de la commission des Affaires étrangères et européennes, de la Coopération, de l’Immigration et de l’Asile et de la commission de la Justice sur le rapport 2020 de la Commission européenne sur l’État de droit au Luxembourg.
Didier Reyners a tout d’abord salué «l’engagement ferme (du Grand-Duché) à respecter l’État de droit et à soutenir l’Union européenne» sur ce point. Mais le commissaire européen à la Justice a d’emblée insisté sur le fait que «le respect de l’État de droit n’est pas acquis, y compris au sein de l’Union européenne». Le Belge a ensuite passé en revue le Chapitre consacré à la situation de l’État de droit au Luxembourg dans le rapport 2020 sur l’État de droit, paru le 30 septembre dernier. Cet état des lieux s’articule autour de quatre thèmes : le système de justice, la lutte contre la corruption, le pluralisme des médias et l’équilibre des pouvoirs. Et dans chacun de ces domaines, Didier Reynders a émis quelques reproches.
Sur la justice, dans le rapport, il est souligné que la perception de l’indépendance de la justice est élevée au Grand-Duché, mais il est pointé du doigt le fait que pour le moment le système de justice ne comprend pas de Conseil de la justice, ce qui devrait changer dans le cadre de la révision constitutionnelle actuellement en cours d’élaboration. Sur ce point, Didier Reynders a tenu souligner que «dans ce Conseil de justice, la moitié des juges membres doivent être désignés par leurs pairs». Il a aussi souligné l’importance de la réforme de l’assistance judiciaire «actuellement en cours de simplification».
Il manque une stratégie contre la corruption
En ce qui concerne la lutte contre la corruption, le commissaire européen à la Justice a regretté le fait qu’aucune stratégie nationale de lutte contre la corruption n’est en place et que le lobbying ainsi que le «pantouflage» et le «rétro-pantouflage» ne sont pas réglementés au Grand-Duché. Didier Reynders a conseillé aux députés de se référer «aux outils» du Groupe d’États contre la corruption (Greco) tout en précisant qu’«au-delà des outils institués dans la loi, c’est l’application dans la pratique qui compte».
Sur le thème du pluralisme des médias au Luxembourg, le commissaire européen à la Justice a estimé que «les ressources limitées de l’autorité de régulation (NDLR : l’Autorité luxembourgeoise indépendante de l’audiovisuel – ALIA) au vu du grand nombre de services de médias audiovisuels titulaires d’une licence dans le pays, 42 sont perçues comme un problème».
En ce qui concerne l’équilibre des pouvoirs, le rapport salue notamment la révision constitutionnelle du 15 mai 2020 qui a «renforcé les effets des arrêts de la Cour constitutionnelle déclarant non conforme à la Constitution une disposition légale».
Au sujet de la crise sanitaire liée au Covid-19 toujours en cours, Didier Reynders a rappelé que les restrictions prises pour lutter contre la pandémie doivent être «limitées dans le temps, nécessaires, proportionnées et non discriminatoires». En conclusion, le commissaire européen à la Justice a invité le Luxembourg à poursuivre ses efforts en matière d’État de droit en rappelant qu’un deuxième rapport devrait être rendu public au mois de juillet.
Guillaume Chassaing
Des procureurs délégués attendus
Installé depuis peu à Luxembourg, plus précisément dans la «Tour B» au Kirchberg, le Parquet européen a pour mission «d’œuvrer à la protection des intérêts financiers de l’Union européenne», a rappelé lundi Didier Reynders. Le commissaire européen à la Justice a aussi indiqué aux députés qu’il attendait toujours les deux noms des procureurs délégués du Grand-Duché et qu’il les espérait «dans le courant de ce premier semestre pour que le Parquet européen» puisse commencer à travailler. Les députés ont rappelé que le Conseil d’État est en train d’aviser le projet de loi 7759 visant à transposer en droit national le règlement européen instituant le Parquet européen.
Au total, 140 procureurs délégués, représentants les 22 États membres, travailleront pour le Parquet européen. Et pour rappel, le Luxembourgeois Gabriel Seixas est un des 22 procureurs européens de l’Union européenne ayant prêté serment cet automne devant la Cour de justice de l’UE.