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Accidentologie au Luxembourg : «Les radars n’ont rien apporté!»


Un radar à l'entrée d'Esch-sur-Alzette. Jean-Claude Juchem, le président de l'Automobile club Luxembourg (ACL), estime que les radars n'ont pas fait baisser la mortalité (Photo : Franois Aussems).

Le directeur de l’Automobile Club du Luxembourg émet de multiples propositions à l’adresse de la future coalition gouvernementale. Tour d’horizon de certaines d’entre elles.

Un réseau routier qui n’est plus à jour
Cela semble être une évidence, mais Jean-Claude Juchem tient absolument à le rappeler : «L’axe autoroutier Arlon-Luxembourg-Thionville (A6 et A3) devrait être élargi sur trois bandes.» Le directeur de l’ACL justifie cette nécessité entre autres par l’explosion du parc automobile : «Depuis l’an 2000, il a augmenté de 51 %. À l’heure actuelle, d’après le Statec et la Société nationale de circulation automobile, 482 000 véhicules sont enregistrés et donc immatriculés au Luxembourg : c’est énorme! À cela s’ajoute le transit international qui est très important. De plus, le nombre de travailleurs frontaliers a également explosé. En 2000, ils étaient 90 000, selon le Statec, et aujourd’hui ils sont presque 190 000. Sans omettre que d’après la commune de Luxembourg, il y a 13 000 nouveaux arrivants annuels à Luxembourg.»
Cet accroissement substantiel du nombre de véhicules, en plus du transit et du nombre croissant de frontaliers, fait dire au directeur de l’ACL que «le réseau n’est plus à jour» et que «la capacité des infrastructures est insuffisante pour digérer cette masse».
L’impact du secteur des services sur le trafic
Le directeur de l’ACL relève qu’«à Luxembourg, il y a énormément de sociétés de services : les Big Four, les hôpitaux, les sociétés de nettoyage, de catering, de logistique, ou encore de gardiennage». Il précise : «Ces salariés ne travaillent pas auprès de leur employeur, mais auprès des clients de leur employeur. Et ces clients peuvent changer régulièrement. De plus, à Luxembourg, environ 65 000 personnes gagnent le salaire social minimum et ces gens travaillent surtout dans des entreprises de services de production et de services, qui tournent 24 h/24. Pour donner une idée : l’ACL compte 150 collaborateurs, dont 100 travaillent selon des horaires postés car nous sommes présents pour nos membres 24/24 h.»
Jean-Claude Juchem note par ailleurs que «de plus en plus de résidents quittent le Grand-Duché pour s’installer au-delà de ses frontières, car les terrains y sont beaucoup moins chers. La situation est semblable à l’ACL : nous avons malheureusement de plus en plus de collaborateurs luxembourgeois qui s’installent en Allemagne. Cela aussi a un impact sur la densité du trafic routier!»

Contournements et signalisation intelligente
L’ACL revendique la réalisation de contournements, notamment dans les localités de Bascharage, Dippach, Ettelbruck, Feulen et Hesperange. «Pour tous les usagers qui passent par Bascharage-Dippach, c’est l’enfer!», juge Jean-Claude Juchem, avant d’évoquer le chemin de croix quotidien des frontaliers belges : «Lorsque les autoroutes sont saturées, et moi je le remarque au niveau des conséquences des travaux en Belgique (E411/entre Arlon et Luxembourg), les frontaliers belges passent par les routes nationales et Steinfort, afin d’éviter d’être bloqués trois heures sur l’autoroute. Malgré cela, ils passent deux heures sur les nationales…»
Concernant les feux de signalisation, l’ACL juge qu’il faut revoir leur fonctionnement : «Il faut prévoir des signalisations intelligentes basées sur des capteurs qui permettraient de mesurer la densité du trafic. De plus, il faut centraliser le réglage du trafic en un seul endroit; l’exemple du croisement entre Dippach et Schouweiler, où le feu permet à seulement trois voitures de le franchir avant de passer au rouge, est emblématique. Or c’est la commune qui est responsable de ces feux. Sur d’autres endroits du réseau routier, ce sont d’autres instances qui interviennent. Il faut en finir avec ce paradigme et centraliser le réglage des feux en un seul endroit.»

Non au monorail entre Luxembourg et Esch
Le projet en question, un monorail au-dessus de l’autoroute, ne rencontre pas l’approbation de l’ACL : «S’il est construit en hauteur, cela demande un élargissement de quatre mètres au sol, ce qui n’est pas évident. De plus, il faudrait trouver une solution par rapport aux ponts de l’autoroute. Enfin, imaginons que le monorail est victime d’une panne technique : où seront évacués les usagers? Sur l’autoroute? Je n’ose même pas imaginer un tel cas de figure… sans parler de la prise en charge massive des gens, une fois arrivés à destination.»

Des parkings au-delà des frontières
Pour revenir à la question des travailleurs frontaliers, Jean-Claude Juchem est d’avis qu’«il faudrait des parkings avant d’entrer sur le territoire luxembourgeois. À partir de là, les frontaliers pourraient prendre un bus ou se déplacer vers une gare, voire s’organiser pour faire du covoiturage (…) De cette manière, ils cesseront de vouloir se rendre au travail en utilisant les parkings autour de la capitale.» D’une manière générale, le directeur de l’ACL estime que le stress enduré par les frontaliers a un impact négatif sur le marché de l’emploi. «Certains de nos collaborateurs sont déjà stressés le matin en arrivant au travail. Si jamais ils doivent encore emmener leurs enfants à la crèche, c’est la galère! Un jour, ces frontaliers vont se demander si la qualité de vie n’est pas un critère prioritaire par rapport au niveau des salaires luxembourgeois. Le risque est qu’à terme les frontaliers restent chez eux et cela poserait un sérieux problème à l’économie nationale.»

Pour une «dépanneuse permanente»
Le directeur de l’ACL revendique la mise en place d’une «dépanneuse permanente» afin de dégager les voies autoroutières plus rapidement en cas d’accident, «parce que bien souvent les dépanneuses mettent énormément de temps pour arriver sur une autoroute». Jean-Claude Juchem révèle d’ailleurs que l’ACL «a proposé cette permanence aujourd’hui même au ministre (NDLR : des Infrastructures, François Bausch), à qui nous avons adressé une lettre dans laquelle est communiqué le coût d’une telle présence permanente sur l’autoroute». Il en est convaincu : «Cela coûtera beaucoup moins cher à l’État que la perte de productivité découlant de l’immobilisation d’entreprises et de salariés en cas d’accident et donc de bouchons. Cette dépanneuse serait placée de manière centralisée, par rapport aux points névralgiques et ne serait active que lors de certaines périodes à risques, tel que les jours de mauvais temps.»

Une analyse des accidents insuffisante
Sur un dernier point, l’ACL estime que l’on doit «davantage se pencher sur l’accidentologie. Avec tous les contrôles répressifs de police, l’installation de radars presque partout – qui n’ont rien apporté –, la situation ne s’est pas améliorée. Pourquoi ce pays n’investit pas plus dans la recherche et la compréhension de la genèse d’un accident?», s’interroge encore Jean-Claude Juchem, en rappelant le nombre d’accidents mortels : «36 tués en 2015, 32 en 2016, 25 en 2017, et plus de 30 en 2018, alors que c’est en 2017 qu’on a installé les radars!»

Claude Damiani

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