Pendant plusieurs mois, un gérant avait fait travailler au noir une serveuse en séjour irrégulier. Au tribunal, désormais, de lui servir l’addition. Le parquet a requis une amende d’au moins 2500 euros.
«Nos affaires ne tournaient pas bien. On pensait que cela serait la solution facile…» C’est à la barre du tribunal correctionnel que le patron d’un pub de Luxembourg-Clausen avait rendez-vous, jeudi après-midi. Car lors d’un contrôle de routine le 4 juillet 2020, les policiers avaient constaté qu’il employait une serveuse d’un pays tiers en séjour irrégulier. Sans papiers régularisés, ni contrat de travail, elle tenait seule l’établissement quand ils avaient poussé la porte. Le patron était arrivé dix minutes plus tard. Et un procès-verbal avait été dressé.
Mais visiblement, il n’avait pas bu les paroles des policiers. Car à peine avaient-ils quitté les lieux qu’il avait fait de même. Sauf que les agents n’étaient pas encore bien loin. Et ils avaient donc vu comment il regagnait sa voiture. Ce n’était pas pour y aller récupérer quelque chose. Non, il était vraiment reparti.
La situation au comptoir n’avait pas changé. C’était toujours la serveuse qui était seule à la manœuvre lorsque les policiers y étaient retournés pour vérifier. Le patron refusant de revenir, elle avait donc dû fermer le pub. Entendu au poste de police, le quinquagénaire avait fait état d’une «situation exceptionnelle». La serveuse ne l’aurait dépanné que trois à quatre fois par mois. Et il ne l’aurait pas payée. Elle aurait juste touché un pourboire… Problème : ce n’était pas tout à fait la version de cette dernière. Depuis l’automne 2019, elle avait indiqué travailler deux fois par semaine pendant quatre heures pour 12 euros de l’heure. À cela s’ajoutait le pourboire.
«Je suis conscient que j’ai fait une erreur», a affirmé jeudi face aux juges le prévenu de 52 ans confirmant dans les grandes lignes les déclarations de la serveuse. Sachant qu’il est depuis un certain temps dans le métier, le tribunal n’aura pas manqué de l’interroger sur sa façon d’embaucher son personnel. «En tant que patron vous regardez quoi quand vous recrutez quelqu’un?», s’est intéressée la présidente.
«Pas conscient que l’Albanie est hors de l’UE»
– «Je n’étais pas conscient que l’Albanie ne se trouve pas dans l’Union européenne…»
C’est là que se situe le problème. Tout ressortissant d’un pays tiers à l’UE doit remplir un certain nombre de formalités afin de pouvoir séjourner et, le cas échéant, travailler sur le territoire luxembourgeois. À entendre le policier jeudi, la serveuse a fini par recevoir un refus de territoire par le ministère des Affaires étrangères. Le gérant du bar, pour sa part, poursuivi pour l’avoir employée avec la circonstance que «l’infraction est répétée de manière persistante» s’est finalement excusée : «Ce n’est pas comme ça qu’on mène des affaires. Cela fait 20 ans que je suis déjà au Luxembourg.»
«J’étais un peu confus et j’avais peur. Je ne savais pas comment réagir , dira-t-il encore par rapport à son comportement le jour du contrôle, avant de laisser la parole à son avocat.
«Les clients sont rares»
Soulevant son absence de casier judiciaire, Me David Gross a demandé au tribunal de faire abstraction de la peine de prison : «Il a compris sa leçon et les clients son rares.»
«Avoir une jeune femme d’une vingtaine d’années au bar, c’est peut-être bon pour les affaires», a relevé le substitut principal Laurent Seck dans sont réquisitoire. N’empêche qu’elle se trouvait en séjour irrégulier et n’avait donc pas le droit de travailler. Et encore moins au noir. Le parquet a requis une amende contre le patron et sa société. Et d’ajouter : «Le minimum, c’est 2 500 euros.»
La 13e chambre correctionnelle rendra son jugement le 29 octobre.
Fabienne Armborst