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Le scandale des déchets transfrontaliers en procès en France


Près de 250 tonnes de déchets ont été déposées depuis quatre ans dans la commune lorraine située près du Grand-Duché. (Photo : afp)

À l’entrée de la ville française de Rédange, à la frontière avec le Luxembourg, 250 tonnes de déchets polluent les sols depuis quatre ans, conséquence d’un vaste trafic en provenance de Belgique, pour lequel dix personnes sont jugées à partir de ce lundi 18 décembre.

« C’était des camions entiers de 35 tonnes qui ont été déversés » en octobre 2019, sur un terrain privé, se souvient le maire de Rédange, Daniel Cimarelli.

Depuis, l’amas de débris, tant ménagers qu’industriels, se dégrade, sent mauvais en été et, selon des riverains, ruisselle dans des étangs en contrebas. Il trône sur un ancien site sidérurgique de cette commune située à quelques kilomètres de la Belgique.

« C’est dégueulasse », souffle Jessica Dautruche, du collectif « J’aime ma forêt ». « On essaie d’interpeller un peu tout le monde depuis quatre ans, mais malheureusement les réponses qu’on a eues sont assez minces ».

Au cours de l’instruction, qui a abouti au renvoi de dix personnes devant le tribunal de Lille (nord), les enquêteurs ont mis au jour un système organisé de collecte, de transport et de déversement de déchets belges dans l’est et le nord de la France.

« Chacun se renvoie la balle et ce n’est pas facile de savoir qui est responsable », souligne M. Cimarelli, même si selon les textes, c’est « à la société belge » responsable de ces dépôts illégaux « de venir les chercher ».

D’autres sites ont été depuis nettoyés.

Escroqueries

Une escroquerie à l’encontre de centres de retraitement français a été mise au jour dans cette affaire.

« Les suspects prenaient l’apparence de gestionnaires de déchets présentant toutes les autorisations en bonne et due forme pour récolter, traiter et déposer les déchets dans des endroits dédiés », résume Olivier Hurault, avocat de la communauté d’agglomération de Longwy (nord-est), où selon lui des rebuts « extrêmement dangereux » ont été déversés.

« Une fois qu’ils avaient récupéré les déchets et qu’ils avaient été rémunérés, ils les déposaient sur des terrains de collectivités ou de particuliers et s’en débarrassaient comme ça, ni plus ni moins ».

L’enquête a permis d’établir qu’une organisation unique avait été à l’origine de ces dépôts sauvages. Elle aurait d’abord effectué des dépôts dans des centres de retraitement, en France, dont certains ont déposé plainte pour escroquerie: faux documents, usurpation d’identité commerciale, factures non honorées…

Le préjudice est estimé à plus de 1,5 million d’euros, pour près de 10.000 tonnes de déchets.

L’Europe à la peine

L’un des principaux prévenus, Johnny Demeter, se dit négociant et courtier de déchets. Il aurait organisé ces transports, sans les autorisations obligatoires, entre 2018 et 2021.

Interrogé sur la chaîne France 2 en 2020, il disait être lui-même victime d’un autre intermédiaire.

Selon l’enquête, l’équipe est principalement structurée autour de la famille Demeter, avec des faits qui se sont déroulés jusqu’aux interpellations en juin 2021. La circonstance aggravante de « bande organisée » a été retenue.

Parmi les parties civiles, des communes, des sociétés, mais aussi des associations écologistes. Leurs attentes ? « Une condamnation à la remise en état des sites » voire une dépollution, selon Laure Derson, juriste à l’association Lorraine Nature Environnement.

« Avant, c’était une atteinte à l’esthétique », retrace le sous-préfet de Thionville (nord-est), Philippe Deschamps. « Or, l’essentiel est ailleurs », sur le plan environnemental, avec des déchets qui « entrent dans les nappes phréatiques », souligne-t-il.

Selon un document judiciaire consulté par l’AFP, « cette pénétration de la criminalité organisée dans le domaine du déchet est facilitée par le fait que les pouvoirs publics européens peinent à trouver des solutions à la hauteur des enjeux écologiques », alors que ces pays « produisent plus de déchets qu’ils ne peuvent en retraiter ».

Dans ce contexte, les opérations de contrôle des douanes se multiplient. « Pour nous, cette lutte est une priorité », explique à l’AFP Mathieu Boffy, chef divisionnaire Lorraine-Nord des douanes. C’est « un enjeu de sécurité publique et de lutte contre la pollution de l’air et du sol ».

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