Raymond est suspecté du meurtre de son épouse. Depuis le banc des prévenus, il clame son innocence et prétend n’avoir aucune idée de ce qui a bien pu se passer la nuit des faits.
Les juges ont près de trois semaines pour déterminer le degré de responsabilité de Raymond dans les faits. Experts, enquêteurs et de nombreux témoins vont se succéder à la barre de la 13e chambre criminelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg à la recherche du moindre indice pouvant infirmer ou confirmer la thèse du prévenu.
Petit, rond, chauve, le regard inquiet, Raymond, 70 ans, est un monsieur Tout-le-monde en veston gris clair – assorti à sa cravate – et pantalon noir comme sa chemise, assis entre deux agents de police. À son entrée, menottes aux poignets, dans la salle d’audience, une petite dame blonde assise dans l’assistance a précipitamment quitté la salle, en pleurs, pour revenir quelques minutes plus tard, calmée. L’ambiance est tendue.
Raymond prétend, la voix étranglée par un sanglot, ne pas se souvenir d’avoir tué son épouse et ne pas connaître les circonstances du décès de cette dernière. S’il devait l’avoir tuée, alors c’était pendant qu’il était endormi. Le couple était, selon lui, seul dans l’appartement qu’il occupait à Differdange dans la soirée du 7 novembre et la nuit du 8 novembre 2019. La porte de l’appartement était verrouillée de l’intérieur. Le prévenu explique à présent que son épouse, malade, est décédée de mort naturelle due à des problèmes respiratoires. L’expert en médecine légale a démonté cette thèse jeudi après-midi.
Le chien du couple aurait réveillé Raymond peu avant 5 h du matin. Raymond dit avoir trouvé son épouse couchée sans vie à ses côtés. Il aurait immédiatement prévenu les secours. Le dernier signe de vie de la victime aurait été un appel à son fils la veille vers 21 h. L’expert en médecine légale qui a procédé à l’autopsie de la défunte a constaté, entre autres, des hématomes au visage et des signes typiques consécutifs à un étouffement.
Selon l’expert, la victime ne présentait pas d’antécédents médicaux. Ses poumons et son cœur étaient en bonne santé pour une femme de 65 ans, contrairement à ce qu’a avancé le prévenu.
La piste de l’étouffement
Un sachet en plastique retrouvé dans une poubelle pourrait avoir servi à étouffer la victime. À moins qu’un objet mou n’ait été utilisé, suggère l’expert, qui n’a pas trouvé de traces d’étranglement dans la région du cou, ni de traces de violences de la part d’un tiers ailleurs sur le corps de la victime. Et encore moins de blessures défensives.
La présidente de la chambre criminelle demande si la victime a pu être étouffée dans son sommeil, ce qui expliquerait qu’elle n’ait pas cherché à se défendre. L’expert ne nie pas cette possibilité. Un manque d’oxygénation du cerveau pourrait avoir plongé la défunte endormie dans une sorte de torpeur. «Peut-on tomber du sommeil profond à un état d’inconscience ?», questionne la juge.
La victime aurait donc pu être morte étouffée, mais avec quoi et qui aurait pu vouloir sa mort ? Une experte en identification génétique a été chargée de rechercher des traces de salive de la victime sur les éléments de literie du couple, sur des sachets en plastique retrouvés dans une poubelle ainsi que sur les mains de la victime.
Deux sachets en plastique utilisés pour ranger les courses ont particulièrement attiré son attention. De la salive et du sang de la victime ont été découverts sur ces sachets ainsi que des traces d’ADN du couple et un dépôt évoquant une régurgitation sur un des deux sachets. Régurgitation qui pourrait être consécutive à une manœuvre d’étouffement.
Malgré cela, l’experte «ne peut se prononcer ni pour ni contre» le fait que ces sachets aient pu être l’arme du crime. Les traces d’ADN du prévenu retrouvées sur un des sachets ne sont pas assez importantes dans le cas où il l’aurait appuyé un long moment sur le visage de son épouse, ni placées au bon endroit.
Quant aux traces de salive de la victime, elles seraient trop proches du bord du sachet. L’experte penche davantage sur de la salive mise sur le bout des doigts pour ouvrir le sachet. Aussi l’experte ne souhaite pas s’avancer plus avant et émettre des hypothèses. «La preuve scientifique reste neutre», a-t-elle indiqué.
Le mystère autour du décès de l’épouse de Raymond reste pour l’instant entier, à moins de connaître le dossier répressif. Le prévenu, en détention préventive au centre pénitentiaire depuis deux ans, est suspecté d’assassinat, de meurtre et de coups et blessures ayant entraîné la mort. Le procès se poursuit ce vendredi matin.
Sophie Kieffer
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Et oui,, on oublie bien sûr, si on a tué. Sa femme, c’est une bagatelle, pas besoin de se rappeler…