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Station-service braquée à Frisange : entre 9 et 17 ans requis contre le trio


«Le fait que le trio est reparti sans butin ne change rien à la gravité des faits», a soulevé la parquetière. (Photo : archives lq)

«On est dans un prétoire, pas dans une salle de théâtre.» Les peines requises contre les trois prévenus, jeudi après-midi, au troisième jour du procès auront littéralement fait bondir les avocats Me Schons et Me Knaff. Car pour eux les seules dépositions d’un codétenu ne peuvent suffire pour une condamnation…

«Rendre justice, c’est acquitter. Le doute doit leur profiter.» Les avocats des prévenus Hakim H. (22 ans) et Serge L. (32 ans) ne sont pas passés par quatre chemins pour entamer leurs plaidoiries jeudi après-midi. Le lendemain du braquage de la station-service à Frisange le 15 août 2017, les deux hommes avaient été chargés par Yakoub T. (24 ans), le premier homme identifié dans cette affaire. Il avait malencontreusement utilisé la voiture de son père, il n’avait donc pas été compliqué de cueillir le chauffeur. Lors de sa garde à vue, il avait balancé le nom de ses «deux complices».

«Les seules dépositions d’un codétenu ne sauraient être suffisantes pour une condamnation», a martelé Me Roby Schons. Et Me Pim Knaff d’ajouter : «Dès les aveux, le parquet s’est fixé sur cette histoire et a fait abstraction de toutes les autres pistes.» La défense a encore soulevé l’absence totale d’empreintes ADN dans ce dossier. Enfin, si la police avait découvert une paire de Reebok chez Serge L. – le même type de chaussures que celles aperçues sur les images de vidéosurveillance –, cela n’aurait aucune force probante. «Rien qu’en 2014, la 5e marque de fabrication de chaussures de sport en a vendu 150 000 paires en France», a argué Me Knaff.

Du côté du parquet, un autre son de cloche s’est toutefois fait entendre. «Il y a suffisamment d’éléments pour dire que Hakim H. et Serge L. ont participé au braquage à Frisange.» S’il est vrai que Yakoub T. a fini par se rétracter concernant la participation de ses deux acolytes, les menaces (lire ci-dessous) y sont certainement pour quelque chose.

La parquetière ne croit pas non plus en la version de Serge L., qui pour éviter la foudre de sa petite amie après avoir passé la nuit chez une prostituée, lui aurait expliqué avoir participé à un braquage. «Elle connaissait tellement de détails sur Frisange. Seul celui qui a participé au braquage peut lui livrer de tels détails.» «Serge L. est une girouette qui tourne au gré de l’instruction.»

«Ils ont agi sans scrupules»

Ce n’était certainement pas le braquage du siècle : en plein jour, les braqueurs cagoulés, gantés et armés de pistolets d’alarme avaient mis en joue deux employées de la station-service. Surpris par quatre témoins, le trio était reparti les mains vides. «Le fait qu’ils sont repartis sans butin ne change rien à la gravité des faits», a estimé la parquetière. «Ils ont agi sans scrupules.»

Me Philippe Stroesser avait soulevé l’amateurisme de son client. Censé organiser la voiture, Yakoub T., un peu fainéant, avait choisi «celle de son papa». N’empêche que sans son assistance, le crime n’aurait pas pu être commis, a rétorqué la parquetière.

Par application de circonstances atténuantes, – son jeune âge et sa coopération –, elle a finalement requis neuf ans de réclusion à son encontre. Contre Hakim H., elle réclamera 10 ans et enfin 17 ans contre Serge L. qui, lui, est en récidive. Tous les trois sont actuellement en détention préventive à Schrassig.

La 13e chambre criminelle rendra son jugement le 11 décembre.

Fabienne Armborst

«Qui va me mettre la balle en premier?»

«Tu peux dire à Yakoub qu’il est mort.» La phrase a retenti plus d’une fois au cours de ces trois derniers jours. Après avoir évacué l’affaire du braquage, le tribunal s’est donc penché, jeudi après-midi, sur les menaces verbales que Serge L. aurait proférées à l’encontre de Yakoub T. en décembre 2017 à Schrassig via une personne interposée. Une plainte été avait déposée le 12 janvier 2018.

Appelé à témoigner à la barre, Yakoub T. s’est montré très réticent au moment de jurer de dire toute la vérité : «Je ne peux pas jurer devant vous. C’est un truc de religion…» Une fois convaincu qu’il ne jurait ni sur le coran ni sur la bible, il a finalement expliqué aux juges avoir voulu retirer la plainte car jamais il n’aurait croisé Serge. «Qui dit qu’il m’a vraiment menacé? Il a toujours été bien avec moi!»

«Vous avez vu les dizaines de personnes dans la salle. Qui va me mettre la balle en premier?… La France, ce n’est pas le Luxembourg!», ajoutera-t-il avant de prendre place. «Je veux juste retourner en prison.»

La personne qui avait relayé les menaces à Yakoub T. à l’époque était toutefois formelle pour dire que c’est bien Serge L. qui les avait proférées. Et que Yakoub T. lui avait même demandé d’acter ces mots sur papier, car il avait peur…

«C’est la première fois que je vois cette personne», s’est défendu le prévenu Serge L. dans la foulée. «L’infraction n’est pas donnée car sous la foi du serment, Yakoub T. a déposé qu’il n’a pas subi de menaces. Le fait n’est donc pas établi à l’exclusion de tout doute», a renchéri Me Knaff. Le parquet, pour sa part, ne voit aucune raison de ne pas porter crédit au témoin. Il a requis 12 mois de prison contre Serge L. en arguant : «Vu le comportement de Yakoub T., vous voyez qu’il a eu peur. Les menaces ont porté leurs fruits, il a changé de déclaration dans le dossier du braquage.»

Prononcé le 11 décembre.

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