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Réseau luxembourgo-portugais : « Je regrette tout ce que j’ai fait »


Huit prévenus sont jugés depuis lundi par le tribunal de Luxembourg. Parmi eux, un ex-fonctionnaire des Classes moyennes. Il aurait touché près d'un demi-million d'euros dans une affaire de faux certificats. (Photo : archives LQ)

Au quatrième jour du procès de l’affaire des faux certificats portugais, le principal prévenu Joseph L. a affirmé avoir reçu 6 000 euros d’acompte par dossier.

«Je reconnais tout ce que j’ai fait, que j’ai fait des bêtises. Je regrette. Ma famille me fait encore aujourd’hui des reproches.» Voilà les mots de Joseph L. jeudi matin à la barre. Un véritable moulin à paroles par rapport aux autres prévenus entendus par la suite. Pendant 35 minutes, le septuagénaire a débité sa version des faits. Son audition n’aura été entrecoupée que par quelques questions.

Entre 2002 et 2007, près de 200 Portugais avaient obtenu grâce à un réseau de fabrication de faux certificats une autorisation d’établissement au Grand-Duché alors qu’ils n’avaient pas les qualifications requises. Le principal prévenu, Joseph L. (75  ans), est poursuivi notamment pour corruption, usage de faux et blanchiment. Le septuagénaire n’a pas tourné longtemps autour du pot hier matin  : « Tout ce qu’on me reproche est vrai. » Il explique ne jamais avoir travaillé au ministère des Classes moyennes. Pendant de longues années, il était en service au ministère de l’Économie, où il avait commencé comme chauffeur. En 2001, il était parti à la retraite.

L’ex-fonctionnaire Joseph L. affirme ne jamais s’être rendu au Portugal pour monter son réseau. Dans les cafés au Luxembourg, il aurait rencontré plusieurs personnes qui lui auraient demandé son aide pour obtenir une autorisation de commerce. C’est alors qu’il avait contacté José S. Via un contact au Portugal, ce dernier se serait procuré des faux certificats vierges de la Confederacão da Indústria Portuguesa (CIP). Ces certificats étaient ensuite remplis dans une fiduciaire au Grand-Duché. Après les avoir récupérés, Joseph L. remettait les dossiers complets à Simone B., qui travaillait au ministère des Classes moyennes. Il reconnaît avoir œuvré à l’époque auprès du président de la commission consultative chargée des autorisations d’établissement pour qu’elle y soit engagée.

« Une fois que les dossiers étaient passés dans la commission, elle m’appelait , poursuit Joseph L. J’ai profité de sa place .» De l’enquête, il ressort qu’un collègue de Simone B., Raymond S., a également introduit des dossiers dans la commission. « C’était quand elle était en congé de maternité. Il a dû en recevoir une dizaine. » Or Joseph L. prétend ne jamais avoir donné une quelconque rémunération à Raymond S. « Il l’a fait bénévolement. Une fois, je lui ai offert une caisse de champagne. C’est tout. » Au contraire de Simone B. à laquelle il aurait fini par donner 1  000 euros par dossier qu’elle emmenait au ministère.

« J’ai demandé à l’avance 6 000 euros à chaque demandeur. C’est la somme que je donnais ensuite à José S. pour qu’il se procure les pièces au Portugal. » Le septuagénaire parle d’un véritable bouche à oreille qui s’est installé à l’époque  : « On m’appelait régulièrement  : « Est-ce que tu peux me procurer une autorisation d’établissement? » »

«Je n’étais pas au courant des faux»

Quand l’affaire a éclaté en 2007, il aurait donné à José S. 160 000 euros. « C’est tout ce qu’il restait du butin. » « Je regrette d’avoir entraîné Simone B. et Raymond S. dans cette affaire », conclut l’ex-fonctionnaire.

Les deux employés d’État ont également été entendus hier. Tous les deux affirment avoir réceptionné les dossiers de Joseph L., mais contestent avoir encaissé de l’argent. « Je n’étais pas au courant que les documents étaient faux », soulève Raymond S. Même refrain du côté de Simone B. Certes elle aurait reçu de l’argent de son oncle, mais cela aurait été pour son mariage et la naissance de sa fille.

Le prévenu José S. déclare avoir fait la connaissance de Joseph L. au début des années 90. Il conteste toutefois avoir systématiquement touché 6  000  euros par dossier  : tout dépendait des certificats demandés. En 2007, quand l’affaire avait éclaté, Joseph  L. lui aurait bien proposé 100  000  euros pour qu’il quitte le Luxembourg. « J’ai accepté et je suis allé au Portugal. » « Je n’ai rien gagné avec cette affaire, seulement la misère. » Voilà sa conclusion, jeudi à la barre.

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Enfin le tribunal a entendu trois comptables poursuivies pour avoir rempli une partie de ces faux certificats procurés par José S. Gérante à l’époque d’une fiduciaire, Adelia D. clame son innocence  : « Je n’ai pas fait de faux. Si j’en ai fait usage, c’était sans le savoir. » Elle explique que son rôle s’est limité à celui de facteur. La prévenue n’a pas d’explication sur la présence de fax de sa fiduciaire chez un des intermédiaires au Portugal lors d’une perquisition. La comptable Rosa C. nie également avoir été au courant que les documents qui lui sont passés entre les mains étaient falsifiés.

Seule Teresa S. reconnaît aujourd’hui avoir recopié de faux documents de la CIP. « Je ne savais pas que c’était un document officiel. Je ne me suis pas posé la question », se défend la secrétaire aide-comptable de l’époque qui concède avoir touché plusieurs fois 50  euros pour son travail, entre autres par son supérieur Jean B. Ce dernier prévenu doit être entendu mardi matin, lors de la suite du procès.

Fabienne Armborst

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