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Rap ou dérapage ? L’acquittement de Tun Tonnar requis en appel


Début mai 2019, le tribunal de première instance a acquitté le rappeur Tun Tonnar. (Photo : archives lq/Didier Sylvestre)

Le procès du rappeur poursuivi à cause de sa chanson FCK LXB (Féck Lëtzebuerg) avait fait beaucoup parler au printemps dernier. Rap ou dérapage? La Cour d’appel confirmera-t-elle l’acquittement prononcé par les premiers juges?

Acquitté en première instance, le rappeur Tun Tonnar (26 ans) passait, mercredi après-midi, à la barre de la Cour d’appel pour sa chanson FCK LXB (Féck Lëtzebuerg). Pas moins de 33 fois, le fils du musicien Serge Tonnar emploie le mot «Féck» dans le clip publié en octobre 2018, quatre jours avant les élections législatives. Joe Thein (déi Konservativ), Fred Keup (ADR/Wee2050) et Dan S. (condamné à plusieurs reprises pour incitation à la haine), issus des mouvements de la droite populiste, avaient porté plainte, estimant avoir été injuriés. Ils réclamaient des dommages et intérêts. N’ayant pas obtenu gain de cause en première instance, ils ont interjeté appel. Et le parquet, qui avait requis une amende de 1 500 euros, leur a emboîté le pas en faisant appel au pénal…

Dans tous les cas, le parquet général ne partage pas la même position que le parquet. Car il demande la confirmation de l’acquittement de Tun Tonnar. «Je n’étais pas choquée quand j’ai entendu la chanson», a ainsi laissé entendre sa représentante, mercredi après-midi. D’après elle, le mot «Féck» exprime une certaine colère. Il ne serait pas question d’injure, mais d’un commentaire social et politique «exagérément provocateur». «Où allons-nous si nous n’avons plus de liberté artistique?», a-t-elle encore interrogé, insistant sur le fait que dans une démocratie la critique doit être permise.

Les premiers juges avaient retenu que la liberté d’expression permet le recours à une certaine dose d’exagération, voire même de provocation. Ils avaient, par ailleurs, retenu que «même si l’on peut ne pas partager la forme et les expressions utilisées par l’auteur», les mots employés par le prévenu ne constituent «pas une atteinte intolérable à l’honneur et à la réputation des personnes visées». La suite du texte démontrerait que ce sont les idéologies politiques et les opinions personnelles des trois plaignants qui sont visées.

Salle comble

Depuis son procès, le refrain du rappeur n’a guère changé : «Je ne les ai pas personnellement attaqués, mais leur image», a-t-il répété face à la Cour d’appel, hier. Comme en première instance, son procès a fait salle comble. Dans les rangs, beaucoup de jeunes notamment. «Le mot « Féck » est couramment utilisé dans le rap et la langue des jeunes», a insisté Tun Tonnar, tandis que son avocat Me Philippe Penning a qualifié la chanson de «satire politique» et parlé d’une «défense verbale dans le cadre de la liberté d’expression».

Si la défense sollicite la confirmation du premier jugement, les trois plaignants ont pour leur part réitéré leurs constitutions de parties civiles. Ils réclament respectivement 5 000 euros et 10 000 euros de dommages et intérêts. L’avocat de Fred Keup s’est dit déçu du premier jugement. Si la Cour d’appel confirmait le premier jugement, tous les politiciens pourraient être injuriés, a estimé Me Alex Penning.

La vidéo a récolté de nombreux clics sur les réseaux sociaux. Sur la plateforme YouTube, on comptabilisait quelque 16 400 vues lors du premier procès. Aujourd’hui, près de onze mois plus tard, elle affiche plus de 44 000 vues. Alors rap ou dérapage?

La Cour d’appel aura le dernier mot. Prononcé le 25 mars.

Fabienne Armborst

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