Adel a entraîné son ancienne épouse dans un piège, selon elle. Il la rend responsable de tout ce qui ne va pas dans sa vie depuis leur mariage.
Adel dit ne plus se souvenir de ce qu’il a fait subir à son épouse, l’après-midi du 18 mai 2020 rue de Luxembourg à Steinfort. Il ne l’aurait plus supportée. «Il l’accable et lui trouve plein de défauts», a expliqué un expert psychiatre hier. Elle serait entre autres laide, une mauvaise mère trop permissive avec leurs enfants et par-dessus tout, responsable de tous ses malheurs.
Ses souvenirs auraient disparu cinq mois après les faits, a précisé l’expert. Ses dépositions à la police et au juge d’instruction étaient pourtant détaillées.
La jeune femme de 32 ans décrit des hauts et des bas dans le comportement d’Adel depuis leur séparation en janvier 2019. Il lui aurait reproché la rupture. Avant cela déjà, il l’aurait accusée d’être responsable de sa consommation de drogue – il aurait pris de la cocaïne la veille des faits – ou de son mal-être, a expliqué la plaignante à la barre de la 9e chambre criminelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg hier.
Aux reproches auraient succédé les menaces, le harcèlement. Une semaine avant les faits, «Adel m’a envoyé une centaine de messages». Trois jours plus tard, il lui aurait reproché d’avoir eu un accident de voiture et perdu son permis de conduire par sa faute. La veille des faits, il lui aurait dit vouloir «aller se rendre à la police» et avoir «un cadeau pour moi et devoir absolument me voir».
«Tout s’est passé très vite»
Le jour des faits, Adel aurait insisté pour qu’elle vienne récupérer le vélo de leur fille chez lui à Steinfort le jour même parce qu’il déménageait. Il lui avouera plus tard avoir menti. Elle passe le chercher à Esch-sur-Alzette pour le conduire à son domicile et remarque durant le trajet «qu’il n’était pas bien».
«Dans la voiture, il m’a dit qu’il voulait me faire quelque chose, mais n’y parvenait pas. Il voulait que je m’en souvienne en me regardant dans le miroir. Il était comme dans un délire. Il se répétait sans cesse», a raconté la plaignante. Il aurait voulu qu’elle le suive à l’intérieur de son habitation pour lui donner «son cadeau».
Elle aurait commencé à «paniquer». Arrivée près du domicile, elle serait sortie de la voiture. Il aurait brandi un couteau. «Il m’a poursuivie. Tout s’est passé très vite. Il m’a tiré par les cheveux, je suis tombée au sol, j’ai essayé de me défendre et de me protéger avec mes mains», raconte la trentenaire.
«Je l’ai vu lever la main ou frapper»
L’Algérien de 47 ans aurait blessé son épouse au visage avec un couteau à raser. Six plaies en tout. La jeune femme a eu beaucoup de chance que les plaies n’aient été que superficielles et que le nerf facial ou le cou n’aient pas été touchés, selon l’expert légiste. La plaignante est convaincue que le prévenu l’a attirée dans un piège pour essayer de la tuer.
Steve était arrêté à un feu rouge de la rue de Luxembourg à Steinfort quand il a observé ce qu’il a pris pour une agression sur deux enfants sur le trottoir d’en face. «L’homme faisait des grands gestes. Je l’ai vu lever la main ou frapper. Ça commençait à devenir violent, c’est pour cela que j’ai décidé d’arrêter la voiture en plein carrefour», se souvient Steve hier.
«Je l’ai interpellé. Il m’a dit que ce n’étaient pas mes affaires, que c’était sa femme» avant de prendre la fuite, le témoin à ses basques jusqu’à l’arrivée de la police.
«Pourquoi a-t-il fait cela?»
La scène a été observée par Marie-Jeanne et Anna qui ont prévenu la police. «J’ai vu une femme courir, un homme à ses trousses et une gamine derrière, a témoigné Anna. Il s’est jeté sur elle. Je ne suis plus certaine des gestes qu’il a eus.»
Marie-Jeanne et une amie ont pris en charge la victime et sa fille jusqu’à l’arrivée des secours. «La petite fille pleurait. Elle répétait que sa maman allait mourir et que son papa allait aller en prison», a-t-elle expliqué.
La plaignante, qui s’est constituée partie civile, ne parvient pas à comprendre «pourquoi il a fait cela». «Je ne lui souhaitais que le meilleur depuis la séparation et il le savait», dit-elle, «J’ai toujours été là pour lui.»
«Une absence de conscience interne»
Pour l’expert psychiatre, qui a conclu que le prévenu présentait un trouble de la personnalité dyssociale, «Adel se déresponsabilise sur son épouse, ne présente pas d’empathie ni de remise en question. (…) Le prévenu n’apprend rien et ne ressent pas de culpabilité. Il présente une absence de conscience interne.» Ce qui rendrait une récidive possible.
«Il fait de mauvais choix, poursuit l’expert, en présence d’émotions parce qu’il n’est pas en mesure de se baser sur ses expériences. Ces personnes font des choix qui leur paraissent simples et évidents au premier moment, mais qui ne le sont pas à long terme parce qu’ils ne parviennent pas à se projeter dans l’avenir», répond-il à Me Penning, l’avocat de la défense, qui cherche à comprendre si ces troubles peuvent être considérés comme une maladie. Pour l’expert, Adel aurait agi de manière cohérente et serait accessible à une sanction pénale.
Le procès se poursuit aujourd’hui et demain.