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Procès en appel de l’avocat jugé pour malversation : «L’amende est une sanction adaptée»


En première instance, le tribunal correctionnel avait condamné le prévenu à une amende de 40000 euros. (Illustration : AFP)

Condamné fin 2019 pour malversation et prise illégale d’intérêts dans la gestion de deux faillites, l’avocat luxembourgeois avait interjeté appel. Or pour le parquet général, il y a lieu de confirmer le jugement de première instance.

«Il a géré les faillites en bon père de famille sous la surveillance du juge-commissaire. Il ne s’est pas personnellement enrichi.» Voilà la position de la défense de l’avocat poursuivi pour malversation et prise illégale d’intérêts dans la gestion de deux faillites. Mais ce n’était pas celle des premiers juges. Raison pour laquelle il a été condamné le 5 décembre 2019 à une amende de 40 000 euros.

Les faits reprochés au prévenu remontent entre le 2 janvier 2002 et le 1er avril 2008. Agissant à l’époque en sa qualité de curateur pour deux sociétés déclarées en état de faillite en 1993, il avait conclu des contrats de domiciliation avec une société dont il était actionnaire. «En tant qu’actionnaire de la société, il a bénéficié du moins en partie de la somme de 42 692,63 euros, versée à titre de frais de domiciliation de sorte qu’il a tiré, pour le moins indirectement, un enrichissement personnel des domiciliations litigieuses», avaient retenu les premiers juges. Le tribunal correctionnel avait donc ordonné la réintégration à la masse des créanciers de la faillite de cette somme.

Entretemps, l’affaire se trouve entre les mains de la Cour d’appel. Convaincu d’avoir tout dit lors de l’instruction, l’avocat inscrit au barreau de Luxembourg depuis 1978 s’est fait représenter par son défenseur Me Grasso ainsi que par les voix de Me Dupont et Me Gudmannsson, deux confrères de son étude. Lors du procès en appel, le trio n’aura pas lésiné sur les moyens. Le premier cheval de bataille aura été la prescription de l’action publique. Un argument que le représentant du parquet général balayera d’un revers de la main : «Cette question a été tranchée par un premier jugement interlocutoire en janvier 2019, mais contre lequel personne n’a estimé utile d’interjeter appel.»

«Le curateur a profité deux fois du paiement…»

L’audience du 21 mai n’avait pas suffi pour venir à bout des plaidoiries de la défense. Il a donc fallu jouer les prolongations vendredi matin. La défense a remis le paquet pour démontrer que les infractions retenues par les premiers juges ne sont pas données. «Le curateur n’a jamais caché la domiciliation. Elle était au vu et au su de tout le monde.» La preuve, les transferts de siège desdites sociétés auraient été publiés dans le «Mémorial C». Pour la défense, pas de doute non plus que le curateur a clairement agi dans l’intérêt de la société. Car le contrat de domiciliation aurait été conclu à «un taux très compétitif». On parle de 1 500 euros plus un montant forfaitaire par année et par société. «Si vous n’acquittez pas et considérez qu’il y a eu malversation, vous devrez poser une question préjudicielle à la Cour constitutionnelle pour écarter tout doute», finira par lancer Me Dupont à la Cour d’appel.

Pour le représentant du parquet général, on n’a pas besoin d’en arriver là. Car il estime que «les agissements du curateur n’étaient pas justifiés». «Par le seul fait de conclure en connaissance de cause un contrat de domiciliation entre une société en faillite et une société dont il est actionnaire, il se rend coupable de prise illégale d’intérêts. La question du gain n’est pas importante.» Aussi, pour l’infraction de malversation, l’avocat général demande de confirmer le premier jugement. «Le curateur a profité deux fois du paiement en tant qu’actionnaire du domiciliataire.»

À l’époque, le juge-commissaire avait relancé plusieurs fois le curateur pour obtenir des renseignements. Insatisfait des explications sur les frais des sociétés en faillite, il avait fini par transmettre le dossier au parquet. C’est ainsi qu’avait débuté en 2013 cette enquête pour d’éventuels faits de malversation…

Prononcé le 21 juillet

En raison de l’ancienneté de l’affaire et du casier vierge du prévenu, une peine de prison ne se justifierait pas, estime le parquet général. «L’amende est une sanction adaptée», conclura son représentant. Concernant son montant, il se rapporte à la sagesse de la Cour d’appel. En ajoutant toutefois : «Vous avez entendu son taux horaire. Ce n’est pas l’amende qui importe.» Voilà pourquoi il ne s’oppose pas non plus à une éventuelle suspension du prononcé. Ce qui signifierait que la culpabilité du prévenu serait bien retenue, mais aucune peine prononcée.

La Cour d’appel rendra son arrêt le 21 juillet.

Fabienne Armborst

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