Percuté par une voiture une nuit de juillet 2018 sur la N31 entre Bettembourg et Dudelange, un quinquagénaire avait perdu la vie. Le procès de l’automobiliste a eu lieu lundi après-midi.
«Si je l’avais vu, j’aurais freiné. Malheureusement, cela s’est produit…» Les larmes ruissellent le long des joues de la jeune femme de 25 ans. «D’après moi, je ne pouvais pas l’éviter.» Elle se souvient encore d’une ombre, d’avoir vu une tête et puis «c’était trop tard». Au volant de son Opel Corsa, cette nuit du 21 juillet 2018, elle n’a pas pu éviter la collision.
Après avoir été percuté par l’avant droit du véhicule, le piéton a vraisemblablement été projeté par-dessus le toit. C’est ce que permettent de conclure les traces relevées par la police technique. À l’arrivée des secours, la victime de 56 ans gisait au milieu de la chaussée sur la voie de droite. Son sac à roulettes à carreaux rouges se trouvait à quelques mètres d’elle… Un des chaussons qu’elle avait aux pieds au moment du choc avait été retrouvé dans la verdure au bord de la route.
Réanimé sur place, le quinquagénaire a finalement succombé à ses blessures en route vers l’hôpital. Ce qui explique que la jeune automobiliste se retrouve pour homicide involontaire à la barre de la 7e chambre correctionnelle. Mais contrairement à d’autres accidents mortels, ce n’est ni l’alcool, ni la consommation d’éventuels stupéfiants ou une vitesse excessive qui ont dominé les débats lundi après-midi. Les tests effectués après l’accident s’étaient en effet révélés négatifs. La conductrice n’avait pas non plus dépassé la vitesse maximale de 70 km/h autorisée sur cette portion de route entre Bettembourg et Dudelange (N31).
Le comportement «imprévisible» du piéton
D’après l’expert technique, avec une visibilité de 50 à 60 mètres la collision aurait pu être évitée, à condition toutefois que le piéton marche «normalement» au bord de la route délimitée par une bande blanche. Ce qui ne semble pas avoir été le cas, selon les divers témoignages recueillis au cours de l’enquête policière. Un automobiliste qui avait emprunté la route quelques minutes plus tôt dans l’autre sens déclare avoir évité de justesse le piéton. Si sa copine n’avait pas crié au dernier moment, il l’aurait probablement renversé. Un autre témoin dit l’avoir croisé trois heures plus tôt à Leudelange avec son sac à roulettes. Un policier aussi avait rencontré un jour l’individu errant à proximité des voies ferrées.
Le comportement du quinquagénaire avait donc déjà attiré l’attention avant l’accident. Il n’avait pas emprunté la piste cyclable qui longe la route entre Bettembourg et Dudelange. Lors de la collision, le piéton habillé de couleurs sombres ne marchait pas non plus face aux véhicules. Il circulait dans le même sens que l’automobiliste quand il a été fauché par l’arrière.
«À 3 h 20 de la nuit, hors agglomération entre deux villages, sans activité humaine, on ne peut pas s’attendre que quelqu’un marche là. Il faut prendre en compte le comportement du piéton», estime Me Gennaro Pietropaolo. Pour l’avocat de la prévenue, cet accident était un «cas imprévisible» : «On doit être en mesure d’arrêter son véhicule dans les limites de son champ de visibilité. La question qui se pose ici est de savoir s’il y a quelque chose dans son champ de visibilité. Si elle n’a rien devant elle, elle ne peut s’arrêter.» «Quand elle a vu l’ombre, c’était trop tard», plaide l’avocat qui demande l’acquittement de la jeune femme.
«Au mauvais endroit, au mauvais moment»
Une position sur laquelle l’a finalement rejoint le parquet. Sa représentante a parlé d’«une affaire très dramatique et d’une situation qui aurait pu arriver à tout le monde qui serait passé par là». «Il y a beaucoup d’indices qui montrent que la victime était troublée. Elle errait visiblement d’un côté à l’autre. Un témoin dit l’avoir presque percutée… La prévenue s’est retrouvée au mauvais endroit au mauvais moment.» D’après le parquet, le défaut de prévoyance pour l’homicide involontaire (article 418 du code pénal) n’est donc pas établi. Car «pour pouvoir prévoir, il faut en avoir la possibilité. Ici, elle n’avait pas le temps de réagir». Voilà pourquoi la parquetière estime que la prévenue «n’est pas coupable de ce qui s’est passé». Si le parquet est conscient qu’il sera difficile pour la jeune femme d’oublier ce qui est arrivé, il espère néanmoins que le procès l’aidera à tourner la page. Après le drame, elle a entamé une thérapie auprès d’un psychiatre.
Prononcé le 28 janvier.
Fabienne Armborst